Crash Egyptair : pour que le drame ne se reproduise plus

Pourquoi l’avion d’Égyptair s’est-il écrasé ? Comment se déroule l’enquête ? Comment faire pour qu’une telle catastrophe ne se reproduise plus ?

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Crash Egyptair : pour que le drame ne se reproduise plus

Publié le 24 mai 2016
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Par Philippe Boissat.

Vol Egyptair
Egyptair By: Mark HarkinCC BY 2.0

Egyptair :  fondée au Caire en 1932. La compagnie est quelque peu perturbée depuis le début de l’année avec, il y a 2 mois, un détournement d’un de leurs avions par un pirate de l’air psychologiquement instable et, plus récemment, par une grève de pilotes en mai 2016 dénonçant des défaillances techniques sur certains avions et des conditions de travail difficiles (journée de 14h de vol !).

Ajoutons que l’état financier de la compagnie n’est pas bon puisqu’elle enregistre 1 milliard d’euros de pertes depuis 2011 (Source Aswat Masriya). Depuis 1985, elle a subi  5 crashs – 296 personnes sont mortes (Source Air Fleet, site recensant tous les accidents sur les lignes régulières) mais elle ne figure pas sur la liste noire de la Commission Européenne des compagnies bannies du ciel européen pour défaut de sécurité. Cette compagnie a transporté 7,2 millions de passagers de 2013 à 2014 pour 70 destinations sur 50 pays. Une flotte hétérogène de 84 appareils (Airbus, Boeing et Embraer) avec un âge moyen des appareils de 12 ans. Membre du réseau Star Alliance.

Le MS 804 va pénaliser la compagnie qui était en cours de négociation avec l’avionneur Sukhoi pour l’acquisition de 50 Superjet 100. Le lancement de son premier appareil biocarburant risque d’être compromis. Les 2 pilotes qui étaient à bord avaient 6 275 heures de vol pour l’un (dont 2000 h sur ce type d’appareil) et 2 101 heures de vol pour l’autre. Il s’agit donc de pilotes confirmés. À son bord, également 3 agents de sécurité. Sur ce type de vol, compte tenu du faible nombre de passagers, cela semble beaucoup… Mais chaque compagnie évalue seule la menace.

Le best seller d’Airbus

Il est le « Best seller » d’Airbus : l’A 320 du MS 804, fabriqué en 2003, n’avait que 13 ans – âge tout à fait dans les normes pour un avion de ligne – et 48 000 h de vol. (Pour information, un avion de ligne est conçu pour voler 40 ans s’il est mis à jour et maintenu dans les règles). De plus les conditions météo étaient bonnes.

Le vol

Ce 18 mai 2016, aéroport Charles de Gaulle, Vol MS 804, Compagnie Aérienne Égyptair, 66 personnes à bord – toutes sont mortes – dont 56 passagers et 10 membres d’équipage (2 pilotes, 3 agents de sécurité et 5 membres d’équipage cabine Égyptair, 30 Égyptiens, 15 Français, 2 Irakiens, 1 Britannico-Australien, 1 Belge, 1 Koweïtien, 1 Saoudien, 1 Soudanais, 1 Tchadien, 1 Portugais, 1 Algérien et 1 Canadien). Décollage de Paris CDG 23h09′.

Contact avec le contrôleur aérien grec à 01h50′, le pilote ne signale aucun problème. 02h26′, l’appareil sort de l’espace aérien grec (Il est à 37 000 pieds au dessus de la Méditerranée) mais le contrôleur n’obtient pas de validation de sortie de son espace aérien comme l’exige le règlement. Aucune anomalie n’est détectée. 02h29′, l’avion est dans l’espace aérien égyptien mais là non plus le contrôleur n’obtient pas de réponse. 02h37′, soit 0h37 ‘ GMT, l’avion chute de 22 000 pieds (6 700 mètres) après avoir effectué deux virages brutaux ! (L’un de 90° à gauche et l’autre de 360° à droite).

Il est à 175 miles (environ 280 km) des côtes, dans l’espace aérien égyptien. Son image radar a été perdue à 10 000 pieds. 3h15’, c’est l’horaire auquel il aurait dû atterrir au Caire.  Aucun doute, l’avion s’est bien abîmé en mer Égée.

Que dit le droit ?

L’Égypte : elle aura la responsabilité de l’enquête conformément aux règles de l’ONU. Sa flotte militaire a retrouvé des débris de l’avion et des restes humains. La Grèce : elle a mis à disposition plusieurs avions + une frégate. La France : le BEA (Bureau d’enquêtes et d’analyses) a dépêché 3 enquêteurs, AIRBUS a mis à disposition un conseiller technique (L’avionneur ayant assemblé l’avion) et l’armée française a mis à disposition un Falcon 50 de reconnaissance, un Atlantique 2 (avion de patrouille maritime) et un Aviso (bâtiment militaire). L’ESA (Agence Spatiale Européenne) avec ses satellites a détecté une nappe de pétrole à environ 40 Kilomètres de l’endroit où l’avion a disparu. Les USA : ils ont envoyé un avion patrouille maritime + un expert de Pratt & Whitney (Fabriquant des moteurs). (Pour information, les Américains n’ont pas détecté de traces d’explosion brutale, comme pour l’ AIRBUS A 321 russe disparu au dessus du Sinaï ). Le Royaume Uni : il a envoyé un navire militaire, le Lyme Bay, + un avion C-130 Hercule.

Les hypothèses à creuser

La première qui vient à l’esprit est celle de l’attentat. Le fait que la chute ait été brutale est un élément allant dans ce sens (avec un bémol cependant car l’appareil a eu le temps d’envoyer des indications d’anomalies techniques !). Et si celle-ci s’avère crédible, il n’en demeure pas moins que beaucoup de questions se posent. En effet, pourquoi ne pas avoir programmé l’explosion dans l’espace aérien français ? Cela aurait eu un impact médiatique plus fort. L’analyse des débris va permettre très rapidement de confirmer ou d’infirmer cette hypothèse, avec, par exemple, la détection de traces éventuelles d’explosif. Un autre point qui accrédite la thèse de l’attentat est le fait que l’avion volait à 11 000 mètres d’altitude au moment de sa disparition.

Le temps de descente a donc été évalué à 4 minutes. Cela donne largement le temps de passer un appel radio (cette absence de message de détresse pose sérieusement des questions). Cela suppose donc que l’avion s’est désintégré en vol soit par une bombe placée dans l’appareil (pour information, aucun fret n’a été embarqué à Roissy et les bagages ont été correctement filtrés (les bagages sont inspectés par 3 systèmes différents), ce qui devrait disculper la sécurité de CDG), soit par l’impact d’un missile Sol Air. La défaillance technique n’est pas exclue (d’ailleurs, pourquoi aucune revendication ?) mais parait peu probable car, même avec une série de pannes, l’avion ne se désintégrerait pas.

La confusion est grande car l’annonce de fumée dans la cabine vient ajouter à la complexité de l’analyse ! Le Wall Street Journal annonce : « Une fumée intense a déclenché des alarmes dans la partie avant de l’appareil où sont situées des parties vitales de son électronique de bord »  » Les messages d’erreur durent environ 2 minutes, alertant l’équipage au sujet de fumée détectée dans les toilettes et un compartiment situé sous le plancher de l’avion « . Il y aurait eu 7 messages (3 concernant la fenêtre du cockpit avant droit, 3 concernant les fumées et 1 concernant les commandes de vol).

Ces informations proviennent des messages ACARS (Aircraft Communication Addressing and Reporting System), des données transmises automatiquement par l’appareil durant le vol à la maintenance. L’expert AIRBUS ne peut les commenter car il est tenu de suivre le règlement de l’OACI* (Organisation de l’aviation Civile Internationale). L’interprétation de ces messages ne peut en aucun cas confirmer une bombe, mais juste un dysfonctionnement, un feu ou encore une condensation provenant d’une dépressurisation.

Avant de tirer une conclusion hâtive, il est prudent d’attendre les boites noires (qui pourraient se trouver à 3000 mètres de fond dans une zone d’un rayon de 65 Km), boites noires qui, à l’heure où je poste ce message, n’ont pas encore été retrouvées.

La situation politique

L’Égypte s’est engagée à une complète transparence sur les causes de l’accident. Espérons qu’elle tienne ses engagements. Les conséquences économiques sont également inéluctables et vont donc, une nouvelle fois, affecter le tourisme du pays. La France, elle, va accroître ses exigences sur l’aéroport de Paris Charles de Gaulle – déjà sous haute surveillance depuis les attentats djihadistes de 2015 – pour éviter l’infiltration de salariés radicalisés (plus de 86 000 autorisations d’accès à la zone dite « réservée » sur l’aéroport Charles de Gaulle ont été données et, entre janvier et février 2016, plus de 6000 personnes se sont vu retirer ou refuser leur accréditation dont 85 (certains fichés « S ») soupçonnées de radicalisation.

La polémique reste vive car malgré ces mesures, certaines sources annoncent encore + de 400 cas inquiétants de radicalisation, ce que la police conteste. Quoiqu’il en soit, il est bien évident que le risque 0 n’existe pas, pour autant cela ne signifie pas qu’il faille baisser le niveau de vigilance… L’aéroport de Paris-CDG est l’un des plus importants au monde avec 180 000 passagers par jour et un avion qui décolle toutes les 90 secondes, 86 000 employés, dont 1300 douaniers, 2 700 policiers de la Police de l’Air et des Frontières, plus de 350 gendarmes dédiés à la protection. L’enquête continue mais, dans l’immédiat, aucune défaillance n’a été détectée ou identifiée concernant les personnels qui ont pu s’approcher de l’appareil.

Pourquoi cet article ?

Bien évidemment, de manière peut-être plus diffuse, vous pouvez obtenir les informations ci-dessus… Alors pourquoi donc cet article ? Simplement parce que je n’arrive pas à comprendre pourquoi, suite aux nombreuses disparitions d’avions, nous n’arrivons pas à mettre en place une solution via satellite pour pister constamment nos avions de ligne, avec une optimisation du système ACARS par exemple ; Gérard Feldzer, expert et ex-pilote de ligne, lui aussi pose souvent cette question.

Certes, cela coûtera un peu d’argent mais il devient urgent que les compagnies aériennes, les avionneurs et les États se mettent autour d’une table pour résoudre, enfin, cette grave situation pourtant technologiquement facile à résoudre. Seul point bloquant, bien sûr : qui paye ? Pour information, la mobilisation des bateaux et des avions pour effectuer les recherches coûte beaucoup plus cher. Donc le retour sur investissement est là ! Nous savons trouver des millions pour organiser des événements mondiaux souvent bien superficiels… Ne serait-il pas judicieux d’en trouver pour sauver des vies ?

Une pensée pour un jeune homme disparu à 26 ans 

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  • Le Canada surveille les avions en temps réel par satellite. Mais l’aviation civile est là-bas du ressort d’une entreprise privée qui investit pour améliorer le service offert à ses clients. C’est là la difference.

  • Avant de se précipiter à dépenser des centaines de millions pour un suivi satellite qui ne permettrait dans les accidents récents que de mieux connaître la seconde exacte de la mort des passagers sans aucunement l’éviter, il conviendrait de distinguer ce qui relève de procédures inadaptées de ce qui est simplement (et désagréablement, en effet je le conçois) la cible de sophismes médiatiques basés sur l’émotion et la méconnaissance des coûts et risques induits par les fausses alertes.
    Depuis le cas du Rio-Paris, je n’ai pas pu obtenir les réponses à un certain nombre d’interrogations qui me semblent pourtant légitimes :
    – Comment se fait-il que jusqu’à l’heure d’arrivée prévue, tout le monde semble encore croire que l’avion va miraculeusement se présenter pour l’atterrissage alors qu’il n’a plus donné de nouvelles depuis parfois des heures et qu’il suffirait de dépouiller l’ACARS pour savoir qu’il est forcément techniquement désemparé ? Les cas où l’avion réapparaît comme par magie sont-ils si nombreux qu’on ne puisse envoyer, dès la disparition vraisemblable lorsqu’elle a lieu au dessus des océans, un avion larguer des SLMDB à la dernière position connue ? Et que des stocks de SLMDB en état de marche soient entretenus dans les bases d’aviation… Les cas où l’ACARS est erroné sont-ils si nombreux que les alertes ne puissent être données en temps réel ?
    – J’ai cru comprendre que l’avion se signale quand il quitte un espace aérien, au pays qu’il quitte et à celui dans lequel il pénètre. Or AF447, MH370, MS804 au moins ont disparu dans cet intervalle sans que nul ne s’en émeuve sur le moment. Là aussi, les oublis sont-ils si fréquents qu’on ne puisse lancer des alertes à chaque fois ?
    – Combien de vies un suivi par satellite aurait-il permis de sauver ces dernières années ? Les centaines de millions, voire les milliards, nécessaires ne seraient-ils pas mieux employés à équiper et renforcer des bases SAR internationales, aussi bien maritimes qu’aériennes, dans les régions du globe qui en manquent ? (cas du IY626)

    • Il me semble aussi que les médias précipités, en propageant de fausses nouvelles, en privilégiant les hypothèses les plus polémiques et en protégeant certaines catégories de personnels ou d’intérêts politiciens, n’ont pas un rôle très constructif dans les enquêtes, et que s’ils veulent des satellites de suivi, ils n’ont qu’à les payer…

      • Non mais vu leur obsession envers l’Islam, le terrorisme, les islamistes … pas étonnant …

        Autant l’avion russe avec des civils d’un pays « ennemi » avec une revendication claire d’un groupe terroriste, il est normal d’accréditer la thèse autant là on a encore AUCUN élément pour étayer le truc.

        Cette compagnie en faillite a sûrement du lorgner sur les coûts d’entretien vu la situation économique du pays ce qui n’aide pas éviter les pépins techniques, courts-circuits …

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