Afrique : la croissance face au défi du terrorisme

Le développement économique en Afrique est coincé entre une croissance économique effrénée et des conflits localisés de type terroristes. Comment les dépasser ?

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Afrique : la croissance face au défi du terrorisme

Publié le 26 mars 2016
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Enfants, Burkina Faso, Afrique - Eric Montfort (CC BY-NC-ND 2.0)

Par Thierry Barbaut.

Impact croissant en Europe et en Afrique du terrorisme… Ce mot comprend bien sur la “terreur” et c’est ce qui fonctionne le mieux dans les conflits de notre génération, semer la terreur, l’entretenir et la développer avec les nouvelles technologies: réseaux sociaux, télé, chaînes vidéos, documentaires de propagande… Tout  ce qui fait qu’aujourd’hui les populations opprimées cèdent immédiatement aux groupes armés, rebelles ou “états islamiques”. Il faut bien avouer que ce système fonctionne incroyablement bien, hélas.

Ce terrorisme doit être remis dans son contexte en Afrique : en effet, quand il est évoqué 30 000 combattants pour l’organisation état Islamique, il faut savoir que le groupe Boko Haram qui sévit au Nord du Nigéria, touchant également le Niger, le Tchad et particulièrement le Cameroun compte à lui seul plus de 15 000 combattants. Boko Haram compte donc la moitié des forces de Daech.

Financement et répartition des groupes terroristes et rebelles en Afrique

Ces forces armées terroristes sont aussi composées de groupes puissants comme le MUJAO qui pilote avec une stratégie mafieuse le trafic des cigarettes, des drogues et des migrants sur la partie Sahara de l’Afrique de l’Ouest.

Un marché illicite colossal dont les groupes tirent une partie de leurs revenus.

La Lybie aussi compte plusieurs dizaines de milliers de combattants hostiles au nouveau régime ainsi que la Tunisie, la Centrafrique avec les Sélékas, une zone de la Côte d’Ivoire, le Kenya et la Somalie avec les Shebabs, la RDC avec les différents mouvements rebelles et Rwandais (Mai Mai, FDLR…) et enfin leSoudan avec le milices Arabes du Nord, les Jajawhids, qui persécutent depuis plus de 15 ans les Chrétiens du Sud avec la particularité géostratégique unique d’avoir réussi à scinder le pays en deux “soudan”…

Les nouvelles technologies : une arme redoutable pour les terroristes

Je pense néanmoins qu’il faut dissocier les groupes armés ayant des vocations économiques de ceux qui représentent des idéaux religieux ou territoriaux. En effet les Sélakas furent manipulés pour prendre la Centrafrique par Djotodia, qui une fois le pouvoir pris, les abandonnent à eux-mêmes, provoquant vis-à-vis de la population Centrafricaine l’impact immédiat d’avoir des rebelles qui se “servent” sur le peuple et tous les dégâts collatéraux qui suivent. Djotodia, président déchu, qui vit des jours paisibles au Bénin en tant que représentant international de… diamants !

Boko Haram quant à lui bénéficie d’une puissante armée impressionnante et aussi incroyable que cela puisse paraître d’un soutien d’une partie non négligeable de la population.

En effet le nom”livre interdit” littéralement “Boko Haram” est la composante majeure de l’idéologie du groupe, ce qui est du au fait que le Nigéria subit une croissance colossale qui perturbe le nord avec depuis 2002 le développement des infrastructures, des technologies mobiles et donc d’internet et insidieusement de l’éducation (m-education) ce que refusent les populations des trois états du Nord, mettant en avant le refus de la population de se soumettre à cette éducation moderne et non conforme aux traditions.

Là aussi les traditions “tribales” sont ancrées au plus profond de la culture des trois états frappés par Boko Haram: la femme n’étudie pas, l’homme commande et épouse plusieurs filles souvent âgées de 12 ans. Les populations soutiennent donc souvent Boko Haram par une certaine légitimité envers ces traditions séculaires dont le groupe terroriste fait régulièrement l’apologie.

Le Nigéria est donc pris en étau entre son développement économique et culturel. À tel point que cela provoque le développement de groupes comme Boko Haram. Mais n’oublions pas que les groupes armés pilotaient aussi des actions terribles sur les oléoducs pétroliers du sud avec des actes de sabotages ou de pirateries maritimes dont on évoque maintenant moins les actions comparées à celles plus spectaculaires de Boko Haram.

Boko Haram qui vient justement d’être renommé en “Etat islamique en Afrique de l’ouest”. Boko Haram devient officiellement un état ? La question est posée…

Alors quelles conclusions apporter à la situation sécuritaire en Afrique en 2015 ? Quelles perspectives pour 2016 ?

Selon moi, même des groupes armés comme Boko Haram ne peuvent rien contre l’essor économique du Nigeria, le pays compte désormais plus de 200 millions d’habitants et sera avec 380 millions le troisième pays le plus peuplé au monde derrière la Chine et l’Inde en 2050.

Boko Haram ne dispose pas d’un état dans l’état et de troupes suffisantes pour déstabiliser le pays dans sa globalité. C’est plus une région, somme toute assez importante, qui subit ses méfaits et au final une population locale opprimée qui est directement touchée. Une force régionale doit être mise en place avec pour défi de neutraliser le groupe et surtout, point crucial, ne pas le laisser se réinstaller.

Sur 54 pays d’Afrique, combien sont vraiment en difficultés ?

Un point sur la sécurité et les conflits en Afrique: Là aussi c’est un avis personnel issu des contextes spécifiques et de mes récents déplacements donc avec une vision très “terrain”. Par exemple j’ai vu en 1990 la Somalie basculer avec les Shebabs, la pays aujourd’hui représente pour moi le pire de la situation sécuritaire, étatique et humanitaire…

La Centrafrique semble aussi s’installer dans un clivage parfaitement orchestré par les intérêts économiques et stratégiques.

La situation au Soudan est dramatique avec pour moi un véritable génocide organisé méthodiquement et planifié par vagues successives…

Plus inquiétant les incroyables succès médiatiques des attaques de Grand Bassam en Côte d’Ivoire donnent une dimension mondiale à la communication d’AQMI en Afrique de l’Ouest.

La Libye est en danger : le pays est sans véritable contrôle étatique et devenu une plaque tournante des trafics entre les pays d’Afrique de l’Ouest, le pays est reconnu comme la plaque tournante des envois de drogue venant des pays comme la Guinée, la Gambie, le Liberia et la Sierra Leone, tous remontent les marchandises vers cette porte grande ouverte vers l’Europe.

Le Burundi est politiquement en danger avec le passage en force du président Nkurunziza et les attentats répétitifs, idem avec les élections prévues pour le Congo de Sassou N’Guesso, la Côte d’Ivoire, la Guinée Conakry, avec le tour de “passe passe” d’Alpha Condé… Les observateurs regarderont également de près le Congo RDC en 2016… troisième plus grand pays d’Afrique.

5 pays en danger, 5 pays instables et 5 pays avec un avenir complexe ne représentent pas plus de 10% du plus grand continent du monde, sachant que ces conflits sont souvent contenus dans des régions et non sur l’ensemble du territoire.

Donc un basculement entre développement économique, culturel et structurel ?

Comment métamorphoser un continent regroupant 54 pays dont 75% sont en pleine croissance ?

En les regroupant justement comme cela a été longtemps évoqué par de nombreux dirigeants dont Khadafi, et finalement réalisé à l’initiative du président Egyptien Al Sissi en Juin 2015. Ce traité de libre échange est historique dans la mesure où il réunit 26 pays, 700 millions d’habitants et 900 milliards de PIB. Ce type de traité a pour objectif d’unifier les taxes douanières et commerciales. La stratégie est de tirer vers le haut les pays en croissance afin d’attirer les pays qui souhaitent faire un pas significatif dans leur développement d’infrastructures, de commerce et bien sur financièrement.

Restent les barrages endémiques en Afrique, la corruption, les monnaies dont le Franc CFA qui est remis en cause par de nombreux économistes. Un des plus grand déficit reste la formation des jeunes, 50% de la population en Afrique a moins de 12 ans et le système éducatif subit des variations stupéfiantes entre par exemple le Rwanda avec 93% des enfants scolarisés et le Soudan ou la Somalie à 12%.

Un pouvoir économique de développement pas forcément dépendant des matières premières avec une hausse du digital

Un des point crucial pour l’Afrique est le développement du digital ou numérique. En effet toutes les activités commerciales sont impactées par le développement des stratégies digitales.
Prenons deux exemples simples:

  • Le Kenya subit un développement économique sans précédant grâce aux nouvelles technologies. Au delà du HUB que représente le pays en terme de développeurs et de plateforme offshore mondiale, les chiffres donnent le vertige : 30% du PIB réalisé en Mobile Banking, 2,5 millions de transactions par jour, et une meilleure lisibilité de ces transactions avec factures, relevés, traçabilité et donc lutte contre la corruption. Alban Luherne, directeur de Orange Money nous donne quelques clefs pour mieux comprendre ce marché dans une Interview exclusive Info Afrique.
    De l’argent et de la mobilité, un pouvoir énorme que s’approprient parfaitement les populations urbaines comme les plus rurales !
  • L’information enfin, là aussi avec le mobile, qui est véhiculée de manière simple par voix, SMS, email et surtout désormais avec les Smartphones les applications de santé, d’éducation et d’agriculture.
    Cette dernière justement m’a permis de constater au Malawi, Cameroun, Rwanda et Burundi auprès des éleveurs en brousse que les effets sont immédiats et sans précédent. Les éleveurs comme les agriculteurs peuvent désormais recevoir par SMS tous les jours les cours des produits de leurs cultures ou élevages par SMS et gratuitement. Ils peuvent donc vendre au juste coût car ils bénéficient de l’information et même devenir analystes en donnant des informations là aussi par SMS sur les ventes effectuées. Ces SMS offrent des informations complémentaires comme la météo avec les probabilités de pluies, donnant ainsi des informations de gestion primordiales pour les agriculteurs.C’est une révolution qui a permis à l’Afrique de l’Ouest d’harmoniser les prix à -16% sur les grands marchés qui représentent 70% de l’économie informelle en Afrique et d’augmenter les revenus directs des éleveurs de 22%. Une révolution avec de simples mobiles.

L’incroyable potentiel des nouvelles technologies en Afrique

Ces exemples permettent non seulement de toucher du doigt le potentiel de développement structurel et économique de l’Afrique mais aussi la révolution qui va avoir lieu avec la transition du mobile d’ancienne génération, représentant aujourd’hui 80% des équipements, vers le Smartphone où les applications sont couplées à des services comme l’épargne, l’assurance ou le micro crédit !

Lisez le livre blanc de BearingPoint : “Les services financiers sur mobile au bénéfice de l’inclusion financière”

Notons également la percée des API, ces systèmes de connexion qui permettent aux commerçants de profiter du mobile banking pour vendre facilement leurs produits sur smartphone et en ligne. Orange avec Orange Money et Vodacom avec M-Pesa qui représentent des marchés de plusieurs milliards d’euros et d’habitants.

Il est désormais évident que les nouvelles technologies permettent à des centaines de millions d’Africains de communiquer entre eux, mais aussi et c’est là essentiel à des milliards d’humains d’entrer en contact et de manière instantanée.L’application sur mobile WhatsApp enregistre comme Facebook parfois plus d’un milliard d’utilisateurs en simultané, ces deux réseaux sociaux sont justement plébiscités en Afrique. Les deux proposent désormais la voix sur IP (Internet Protocol) permettant donc de téléphoner sur son forfait Internet.

Le E-commerce en Afrique représente la progression la plus spectaculaire avecJumia de la société Rocket Internet et AIG Africa Internet Group une structure qui se développe avec un dernier investissement de près de 5 milliards d’euros ! Et des plateformes comme CDiscount associant, et c’est une première des groupes comme Bolloré et Casino

Le marché des télécoms représente à lui seul 150 milliards d’euros annuel.

Un des plus grand marché au monde. Celui du développement des infrastructures comme les contrats liés au nucléaire au Nigeria avec deux sites sélectionnés pour les centrales, au barrage hydroélectrique sur le Nil en Ethiopie, des contrats où les Chinois bien sûr performent mais aussi les Turcs, les Américains, les Coréens, les Français et… Les Africains. De plus en plus d’entreprises locales montent en compétences et de nouveaux marchés s’ouvrent à eux.
La mode et le style Afro par exemple avec les grands groupes mondiaux comme L’Oréal misent sur un marché qu’ils estiment comme révolutionnaire !

Force est de constater qu’avec de tels développements économiques et des marchés tournés vers l’international, ce n’est plus un rêve mais une réalité, l’Afrique est en passe de devenir une locomotive de la croissance mondiale.

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