Par Philippe Guglielmetti.

En recherchant où et quand Einstein avait prévu l’existence des ondes gravitationnelles dont tout le monde parle, je suis tombé non seulement sur son article en allemand de 19181, mais aussi sur un court article qui en retrace l’historique2.
En fait, Einstein s’était planté deux ans plus tôt dans un autre article3. Il y avait développé une approximation linéaire de la solution des équations de la relativité générale en considérant la gravitation par analogie avec l’électrodynamique : il considérait alors (comme moi jusqu’à aujourd’hui…) qu’une masse accélérée générait une onde gravitationnelle comme une charge électrique génère une onde électromagnétique.
Ensuite il s’est aperçu que ce n’était pas ça : il faut que « quelque chose tourne ». Les ondes gravitationnelles sont produites lorsque le moment d’inertie, ou plus précisément le moment du quadrupôle gravitationnel qui le généralise, varie brutalement.
Einstein et les autres physiciens ont vite remarqué que l’amplitude de ces ondes, si elles existaient, était extraordinairement faible. À tel point qu’Einstein lui même se mit à douter de leur existence.
En 1935, il soumit à Physical Review un article intitulé « Do gravitational waves exist ? » coécrit avec Nathan Rosen dans lequel il exposait ce qu’il écrivit à son ami Max Born4:
Avec un jeune collaborateur, je suis arrivé à un résultat intéressant : les ondes gravitationnelles n’existent pas, bien qu’elles aient été supposées certaines en première approximation. Ceci nous montre que les équations de champ de la relativité générale, non linéaires, peuvent nous en dire plus, ou plutôt nous limiter plus que nous pensions jusqu’ici.
Mais Physical Review refusa son article, ce qui créa une petite crise entre l’un des physiciens les plus réputés et l’un des principaux journaux scientifiques de l’époque.5. Einstein et Rosen publièrent donc leur article dans un journal moins connu[-] et en édulcorant un peu leurs conclusions définitives, ce qui fait qu’on a un peu oublié les doutes du génie devant les conséquences de son œuvre.
Sur les résultats récents de LIGO je vous recommande :
- L’article et la vidéo de David de Science étonnante
- L’article de Nicola Twiller dans le New-Yorker « Gravitational waves exist : here is how scientists finally found them » que David recommande fort justement
- L’article d’Eric sur « Ça se passe là-haut » qui pose le prochain challenge : savoir si les ondes gravitationnelles se propagent à la vitesse de la lumière, ou juste un peu en dessous. Ce qui revient à déterminer si le graviton a une (petite) masse, ou pas du tout.
Pour ma part, j’avoue qu’en écrivant cet article il y a pile deux ans, je ne pensais pas qu’on arriverait à détecter des ondes gravitationnelles à la surface de notre planète. Je m’attendais à ce que des instruments affranchis des vibrations parasites de notre environnement soient indispensables. Je me suis trompé.
—
- Albert Einstein, “Über Gravitationswellen” Sitzungsberichte der Königlich Preußischen Akad. der Wissenschaften, 1918. ↩
- Wolfgang Steinicke, “Einstein and the Gravitational Waves,” Astron. Nachrichten, vol. 326, no. 7, pp. 640–641, 2005. ↩
- Albert Einstein, « Näherungsweise Integration der Feldgleichungen der Gravitation« , Sitzungsberichte der Königlich Preussischen Akademie der Wissenschaften Berlin, 688–696. 1916. ↩
- Kennefick, D. (2005). Einstein versus the Physical Review Physics Today, 58 (9), 43-48 DOI: 10.1063/1.2117822 (pdf). ↩
- A. Einstein and N. Rosen, « On gravitational waves, » J. Franklin Inst., vol. 223, no. 1, pp. 43–54, Jan. 1937. ↩
J’ai toujours été convaincu et je suis toujours convaincu qu’il n’y a pas d’ondes gravitationnelles, dans le sens ou une masse qui se déplace ou tourne sur elle-même (et si elle n’est parfaitement sphérique) ne fait que déplacer son champ de gravité, le déplacement du champ de gravité étant un fait un changement de la valeur du champ en un point de l’espace du au mouvement d’une masse. Donc l’image de la pierre jetée dans l’eau n’est pas correcte, il faudrait plutôt parler d’une masse d’eau se déplaçant dans une masse d’eau. Il y a cumul en chaque point de la valeur du champ des deux masses en ce point à un instant T et le mouvement d’une masse change la valeur de cumul en chaque point parce que la masse entraine son champ avec elle. Mais « visuellement » cela donne l’impression d’une propagation d’une onde, d’où la confusion.
« J’ai toujours été convaincu » … par qui ?
S’il y a un sujet sur lequel il faut bien se méfier des intuitions et des analogies, c’est bien celui des ondes gravitationnelles : comment visualiser une déformation de l’espace lui-même ?
Ni mon article ni aucun de sérieux ne mentionne « l’image de la pierre jetée dans l’eau », mais votre « masse d’eau se déplaçant dans une masse d’eau » n’est pas meilleure car elle suggère une onde de compression (longitudinale), alors que les ondes gravitationnelles sont transversales : comme les ondes électromagnétiques, ce sont des ondes transversales qui déforment le champ dans les directions perpendiculaires à la propagation de l’onde…
Lisez https://fr.wikipedia.org/wiki/Onde_gravitationnelle et les références données de l’article, vous verrez qu’il faut (hélas) un bon bagage en maths (que je n’ai pas) pour prétendre « comprendre » les ondes gravitationnelles
Moi aussi quand je me déplace ,les ondes tournent autour de moi.
Les commentaires sont fermés.