Le capitalisme de connivence finit mal, en général

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Le capitalisme de connivence finit mal, en général

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 3 mars 2016
- A +

En France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées, et des bien pourries en plus ! Par exemple, celle qui consiste à croire que les fleurons de l’industrie nationale appartiendraient à la culture et au patrimoine français, qu’il faudrait donc tout faire pour les chérir et les favoriser, et qu’en vertu de quoi, l’État devrait absolument se mêler de leurs affaires.

Nombreuses sont, en effet, ces sociétés industrielles qui ont grossi au point de devenir internationales à la faveur de rapprochements opérés dans le giron de l’État français ou via son patronage actif et politiquement calculé. Elles se retrouvent alors, quasiment du jour au lendemain, propulsées avec force cocoricos comme les champions du pays qu’on ira parader dès qu’on le pourra sur différents sujets, aussi bien d’ailleurs en politique intérieure qu’extérieure.

Capitalisme de connivence
Capitalisme de connivence

Et avec ces nombreux champions que l’État français aura ainsi aidés à accoucher, on devra parler des réussites plus ou moins flamboyantes qu’il aura donc récoltées. Malheureusement, on en vient souvent à se demander si ces succès ne sont pas plus le fruit du hasard ou d’une abnégation inouïe de ceux qui les engrangent devant les adversités que l’État français semble multiplier par action ou par omission. Ainsi, à chaque réussite on peut faire correspondre des bides assez retentissants, qui, avec un aspect systématique qui pourrait chagriner certains, compensent spectaculairement les gains engendrés par les succès rencontrés.

Comment oublier, par exemple, les rocambolesques aventures de Bull, fleuron français de l’informatique qui, pourtant promis à un brillant avenir à la fin des années 70, aura su, grâce à sa subtile nationalisation de 1982, se retrouver en situation catastrophique dans les années 90 (au point de coûter finalement plus cher au contribuable français que la Guerre du Golfe) ?

Comment oublier l’affaire du Crédit Lyonnais (1993) qui après une magnifique nationalisation (en 1982) s’est finalement écrasé avec une facture colossale de 14,7 milliards d’euros au total pour le contribuable ?

Comment passer sous silence l’exemple frappant qu’a offert, en son temps, le constructeur Heuliez et sa Mia électrique, superbement aidés par une politicienne en mal de grandes réalisations techniques, et qui aura achevé une carrière industrielle pourtant remarquable par une splendide faillite pour le contribuable ?

Plus récemment, il serait dommage de ne pas citer le ratage tout à fait symptomatique de la plate-forme MO3T, bricolage étatique de 2012 destiné à contrer Amazon, Apple et d’autres sur le marché du livre numérique, qui avait embarqué Orange, SFR, Bouygues et des éditeurs et libraires français dans ce qui allait s’avérer être un gouffre sans débouché, pour une facture de plusieurs millions d’euros (du contribuable).

Mais tout ceci est de la petite bière à côté de ce qu’on voit se développer, doucement, dans l’actualité.

Parce que s’il y a bien un domaine où l’État veut absolument s’investir, où les politiciens auront toujours un mot à dire, une action à mener, un levier à tripoter ou un petit bouton rigolo à chipoter, c’est bien celui de l’énergie.

savant fou

Or, si l’on observe d’assez beaux plantages des politiciens dans l’informatique, dans le commerce, dans l’automobile ou tant d’autres domaines, il serait franchement étonnant qu’on n’observe pas la moindre déroute dans l’énergie aussi.

Ça tombe bien. Actuellement, tous les ingrédients sont réunis : des fleurons nationaux, des décisions purement politiques, des enjeux mondiaux colossaux, de l’exposition médiatique, et, à la fin, des factures salées et, probablement, des faillites retentissantes.

Ici, je veux bien sûr parler d’Areva, et, plus tristement encore, d’EDF.

Pour Areva, l’affaire est entendue, pour ainsi dire déjà pliée. Le montant total de la facture reste encore à déterminer, mais nul doute qu’elle atteindra plusieurs milliards d’euros. Les derniers rebondissements en disent long sur l’étendue de la catastrophe : le groupe spécialisé dans l’industrie nucléaire a été obligé (par l’État) de reporter la publication de ses comptes 2015, dévoilant des pertes pour l’année écoulée bien plus lourdes que prévues.

En fait, Areva doit affronter une passe économiquement très douloureuse devant des dépréciations d’actif massives liées à l’effondrement des cours de l’uranium qui n’a pas arrêté de chuter depuis la catastrophe de Fukushima, et à ses déboires sur le développement des nouveaux réacteurs nucléaires de type EPR, dont la finalisation et l’exploitation sont régulièrement repoussées, au point de mettre les finances de l’entreprise en position périlleuse.

Les explications de Lauvergeon n’empêchent rien : l’entreprise est maintenant en plein naufrage et seul le contribuable semble capable de rattraper la sauce. À quel prix ?

Du côté d’EDF, la situation ne semble guère plus brillante.

La très belle discrétion de ses derniers appels au secours, l’aspect particulièrement feutré des cris de détresse et la façon dont ils sont relatés dans la presse donnent une fausse image de petit souci passager mineur à ce qui, après analyse, pourrait bien être une crise d’ampleur biblique tant il faut prendre en compte la taille du champion national de l’énergie.

Plus précisément, certains des administrateurs du groupe estiment que les perspectives de l’électricien public ne cessent de se dégrader, au point de devoir recourir aux largesses financières de son premier actionnaire, qui est – pour rappel – l’État français (donc le contribuable français). Au sein d’EDF, on se demande ainsi comment on va continuer à faire vivre EDF avec un prix du mégawattheure autour de 30 euros.

C’est extrêmement bon signe, d’autant qu’un bonheur ne fait jamais du pédalo seul : EDF est, bien évidemment, cul et chemise avec Areva, dont les amusantes péripéties économiques ont aussi tendance à le mettre dans l’embarras : si le groupe nucléaire ne respecte pas son engagement de prendre 10% du projet Hinkley Point (une tranche supplémentaire, en EPR, devant y être construite), EDF ne pourra pas assumer seul ces coûts et devra modifier très substantiellement son « business model »…  Autrement dit, commencer à inscrire des pertes, qui pourraient rapidement le mettre en difficulté.

Et le terme de « difficultés » est fort humblement choisi, puisque selon Le Figaro, l’électricien aurait actuellement besoin de 5 milliards d’euros de capital. Une paille, pour un État qui roule sur l’or et les excédents budgétaires. Les raisons sont multiples, mais il semble délicat d’occulter le rôle des stratégies particulièrement brouillonnes qui furent imposées à l’opérateur public, entre un maintien du nucléaire et un retrait progressif, un repositionnement vers les énergies renouvelables alors que le marché montrait des signes de faiblesse et est maintenant en train de s’effondrer avec des prix du pétrole au plancher, et une régulation des tarifs sujette aux aléas politiques dans lesquels, du reste, Ségolène Royal n’aura pas eu un rôle mineur.

Royal : la champagnitude attitude

Eh oui, difficile d’oublier le rôle des politiciens dans ces plantages : comme un fait exprès, pour chaque ratage industriel majeur, on trouve l’un ou l’autre grand commis de l’État français, ministre ou secrétaire d’État volontariste, souvent énarque, parfois cabinétard, généralement imbu de lui-même, très bien introduit et ayant toujours fait preuve d’une maîtrise parfaite de son réseau d’accointances bien avant toute réelle compétence de gestion d’entreprise.

gifa facepalm de funesDe façon plus spécifique, il semble en effet qu’au moment même où les politiciens français se rêvent en capitaines d’industries mondiales, au lieu de conserver le sang-froid nécessaire à la conduite d’affaires subtiles, une folie (celle des grandeurs ?) semble les saisir et, zwip, sans qu’on y prenne garde, les dérives s’accumulent, les erreurs de jugement et les fautes de gestion s’amoncellent jusqu’à l’explosion finale. Et dans ce final pathétique, la faillite n’est pas obligatoire mais l’appel au contribuable, lui, l’est.

Mélange du capitalisme de connivence et d’un colbertisme totalement débridé voire en roue libre, le capitalisme à la française démontre une fois de plus que mêler politique et affaires conduit à la catastrophe de façon assez systématique.

De façon intéressante, malgré l’amoncellement des catastrophes et des faillites, encore trop de Français soutiennent encore, mordicus, que l’État doit absolument mettre ses pattes graisseuses dans les domaines industriels. La facture finale n’est sans doute pas assez élevée, ni en termes financiers, ni en chômage et misère humaine directement déclenchés par ces fautes dramatiques.

Comment s’étonner ensuite que ces mêmes Français réclament aussi une intervention de l’État dans leur vie de tous les jours ? Et comment s’étonner de ce qu’ils en obtiendront ? Comment voulez-vous que ça se termine bien ?

achille talon - comme un faille
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  • Bonjour H16,

    vous êtes ce matin d’une grande douceur dans l’évocation des brillants succès industriels de l’état français, puisque, par pudeur, par discrétion sans doute, vous ne nous parlez pas de ces miracles jalousés par Warren Buffet que furent ou sont : Dexia, Renault, Radio France, la SNCF, Thomson, bref, des coups de maître.

  • Nous sommes bien d’accord. hélas.

  • Heureusement, Le Pen et Mélenchon veulent enfin nationaliser les groupes du CAC40, imaginez le talent de l’Etat à l’oeuvre chez Total, Danone & Co !

  • tant qu’il y a des con-tribuables pour payer, pourquoi se priver ?

  • Si ma mémoire ne me trahit pas, ces grands groupes ont un taux d’imposition moyen de 22%.
    Double think. Le taux d’imposition est vraiment déraisonnable, n’est ce pas, lorsque l’état est actionnaire!
    Quitte a évoquer le scandale du capitalisme de connivence a la Française, autant bien souligner que ce sont les PME qui en France portent la grosse majorité du fardeau. Ces PME qui acceptent des contraintes énormes pour travailler avec les grands groupes, qui sont payées au lance pierre, et en retard. Ces PME qui n’ont pas les moyens ne serait ce que de se mettre en conformité fiscale sans parler d’optimisation, et certainement pas les moyens de profiter des « cadeaux aux patrons ». Le gouvernement fait les poches, pas au hasard, rend a certains, pas au hasard, et font du chantage a d’autres, pas au hasard, pour qu’ils puissent quémander, sans garantie, votre racketteur réfléchit, une toute petite partie de la somme volée.

  • L’investissement public c’est comme ce que reprochent les gauchistes aux grandes entreprises, mais en pire: Les gauchistes disent à propos des entreprises qu’on sauve de la faillite (et ils ont bien raison sur ce point): On privatise les profits et on nationalise les pertes.

    Dans le cas des investissements publics, on facture l’investissement au contribuable, on lui donne JAMAIS de profit (s’il y en avait il n’en verrait pas la couleur) et en plus on lui facture les pertes. Et on le force aussi à prêter sans intérêt, et lui interdit souvent de traiter avec la concurrence. Avec les grosses boites privées de connivence avec l’Etat, on vous arnaque, avec les nationalisations, on vous arnaque ET on vous saigne, ET on vous dit de dire merci, et on vous reproche de pas le faire avec le sourire.

    C’est beau l’Etat…

  • Au milieu de ce constat d’incompétence, que les « grands commis de l’Etat » soient « très bien introduits » reste une chance, ça nous évite au moins d’être gouverné par des mal-baisés.

  • Le malheur est qu’un système collectiviste et étatiste peut faire illusion en engrangeant (au moins temporairement) quelques réussites sur un secteur précis. Il suffit d’y mettre les moyens au détriment des autres secteurs économique. Les Russes ont durant un temps obtenu des résultats dans les domaines spacial ou militaire. Il faut un certain temps pour bien se rendre compte de la supercherie.

    Avec le collectivisme et l’étatisme allégé, façon socialisme à la française, le problème reste le même mais l’illusion peut tenir un peu plus longtemps. Et on se demande pourquoi l’économie est en panne ? Patience, elle sera bientôt en pleine récession grâce aux percées étatistes dans de nouveaux domaines comme l’énergie, le bâtiment, le numérique ou la pêche aux moules …

  • A la lumière de ces faits, il y a de quoi frémir à la catastrophe qui se prépare quand on observe la cadence d’implantation des moulins à vent que nos politiciens de génie font pousser dans toute la France. Merci H16, mais comment arrêter ce suicide?

  • Très bon article! Vous auriez pu aussi citer Swissair, Enron, Pan Am, Commodore, Polaroid, IndyMac, Kodak, et toutes ces autres entreprises nationalisées qui ont lamentablement échou…ah, comment ca, des entreprises privées peuvent aussi se casser la gueule? Impossible!!!

    • Une entreprise complètement privée ne vous fait pas payer l’investissement et sa faillite et vous êtes totalement libre de consommer ses produits ou pas.
      L’entreprise publique vous force à payer l’investissement et la faillite sans vous laisser aucune liberté, que vous consommiez ou non et elle vous envoie les flics si vous ne voulez pas payer. Cerise sur le gâteau : pilotée politiquement et avec tous les corporatismes d’état qui s’y engouffrent, c’est très cher, très peu efficace et très fragile.

      En ce qui concerne la différence entre l’esclavage et la collaboration volontaire, vous avez aussi besoin d’une explication ou vous maîtrisez au moins cette notion-là ?

      • Je voudrais remercier avant tout France Telecom qui a construit l’infrastructure téléphonique, sans laquelle je ne pourrais pas me délecter de votre commentaire, mais aussi l’Éducation Nationale qui vous a appris à lire et écrire, ainsi que la Sécurité Sociale qui vous a vacciné à temps pour vous éviter une petite polio. Cela dit, même si vous avez plus ou moins raison sur le papier (ce qui est souvent le problème avec les ayatollah du libéralisme, ou du communisme d’ailleurs: vous fantasmez une utopie qui ne fonctionnera jamais), vous omettez le fait qu’une entreprise privée ou publique qui atteint une certaine taille (ce qui est le sujet de cet article), une fois qu’elle merde, elle a des répercussions sur toute la société, même ceux qui n’ont rien demander. Quand Swissair se casse la gueule, les répercussions vont bien au-delà de ses actionnaires ou clients.

        En outre, le propos de cet article est explicité dans le titre (l’avez-vous lu?) et c’était à cela que je réagissais. Le mega échec n’est pas l’apanage du secteur public.

    • Enron c’était une société qui oeuvrait dans le capitalisme de connivence sur les Enr en californie et qui était adulée par les démocrates et les verts.

  • il finit mal pour qui ?…. pour le contribuable mais ne l’ appelle t on pas ‘cochon de payant » ..pour les autres , ça va bien, merci 😉

  • Vous avez vu sur france info ce matin, Enzo, 15 ans, candidat a l’académie francaise?
    Un gamin spécial, admirateur de JJSS, qui parle un francais chatié et qui se dit libéral; il vaut le détour!…
    A quand une petite interview sur contrepoints ? 🙂
    15 ans, libéral; rien que ca déja…

  • Economie et politique ….

    Rapprocher ces deux mots est un oxymore de taille

    Le politique n’arrive déjà pas à savoir gérer la politique
    Alors il se mèle d’économie … pour se donner de l’importance ou obtenir la sensation d’exister …
    Le résultat du mariage de la carpe et du lapin se passe de commentaire

  • Concernant EDF et le marché de l’électricité, l’article affirme que « on se demande ainsi comment on va continuer à faire vivre EDF avec un prix du mégawattheure autour de 30 euros. »
    C’est là qu’il y a comme un défaut…
    Car si le MWh est VENDU autour de 30 € sur le marché de gros, il est acheté beaucoup beaucoup plus cher par les consommateurs : car au prix de l’électricité s’ajoutent des taxes dont la fameuse CSPE en France (EEG en Allemagne) qui permet de subventionner l’éolien et le solaire. Et ces taxes croissent bien plus vite que ne décroit le prix du marché de gros, ce qui conduit les consommateurs à devoir payer des factures de plus en plus lourdes. Les français doivent ainsi payer +15% de plus pour ces énergies dites renouvelables qui ne servent à rien (elles ne réduisent pas d’une gramme les émissions de CO2… puisque la production nucléaire n’en produit pas). Et les Allemands, beaucoup plus engagés dans l’impasse de ces énergies renouvelables, payent + 100% !!!
    Le paradoxe s’explique par le fait que le vrai prix de l’électricité, ce n’est pas seulement celui du MWh mais celui de ce MWh + les taxes qui subventionnent les énergie renouvelables inutiles et coûteuses.
    Arrêtons de les subventionner : elles devront se financer sur le marché et donc leur prix augmentera, et on constatera que le nucléaire est beaucoup plus intéressant économiquement que ces énergies. De plus leur intermittence, c’est à dire leur incapacité à produire en l’absence de vent ou de soleil (la majorité du temps !) les rend techniquement inapte à satisfaire les besoins des consommateurs. Attendons un bon blackout (panne géante d’électricité) pour que nos politiciens ignares s’en rendent compte.

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