« Fatima », un film politiquement correct

Un film qui véhicule de nombreux clichés.

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Fatima, l'affiche du film.

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« Fatima », un film politiquement correct

Publié le 28 février 2016
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Par Lucien Oulahbib

Fatima, l'affiche du film.
Fatima, l’affiche du film.

Dans 1984 Orwell montrait comment les dictatures effaçaient le passé en trafiquant les photos et les mots pour y retirer ce qui gênait le pouvoir. Dans nos démocraties, les médias font de même : par exemple avec la présentation du film Fatima.

Ainsi sur le site du Ministère de l’Éducation nationale, Eduscol, il est indiqué ceci dans le résumé de ce film qui avait déjà eu le Prix Jean Renoir :

« Fatima vit seule avec ses deux filles : Souad, 15 ans, adolescente en révolte, et Nesrine, 18 ans, qui commence des études de médecine. Fatima maîtrise mal le français et le vit comme une frustration dans ses rapports quotidiens avec ses filles. Toutes deux sont sa fierté, son moteur, son inquiétude aussi. Afin de leur offrir le meilleur avenir possible, Fatima travaille comme femme de ménage avec des horaires décalés. Un jour, elle chute dans un escalier. En arrêt de travail, Fatima se met à écrire en arabe ce qu’il ne lui a pas été possible de dire jusque-là en français à ses filles. »

L’Obs fait lui aussi un résumé indiquant la langue dans lequel cette femme écrit :

« Et lorsque Fatima se met à écrire et évoque toutes les Fatima qui, en trimant, en se sacrifiant, offrent à d’autres femmes de mener une autre vie que la sienne. »

Observez que l’intitulé de la langue dans laquelle écrit l’héroïne a disparu (alors qu’il y était quelques heures auparavant). Comme si l’Obs s’était rendu compte de l’énormité véhiculée ici, à savoir le fait que cette femme se libérerait enfin de ses diverses blessures, en particulier celle de ne pas pouvoir s’exprimer dans sa langue originaire que le cinéaste suppose être l’arabe, bien sûr. Alors qu’en Algérie, les langues les plus originaires sont les divers parlers berbères dont le Kabyle et ce parler appelé arabe populaire qui est en réalité le produit de toute la diversité habitant cette terre depuis des siècles (il y a en fait peu de mots arabes dans ledit arabe populaire…). L’arabe littéraire, langue officielle et nationale, a été en revanche imposé depuis ladite indépendance alors qu’il n’est parlé, et écrit, que par la minorité.

Mais revenons au film : pourquoi cette femme et son univers de femme de ménage immigrée sont montés ainsi en épingle, alors que l’on ne voit guère une Fatima portugaise ou espagnole, femmes de ménage pourtant elles aussi, et parlant mal le français aussi, être montées ainsi en épingle ?

Plus encore, suinte de ce film l’idée que la France aurait empêché en quelque sorte cette femme d’apprendre sa vraie langue et lui aurait imposé la sienne à l’époque de la colonisation. D’abord la France n’a cessé au contraire d’encourager simultanément l’arabisation d’une population réfractaire ; ensuite rien n’indique dans ce film que cette femme, tout comme la femme de ménage portugaise, espagnole, serbe, roumaine, camerounaise… parle mal le français non pas parce qu’elle n’a pas le temps de l’apprendre, mais surtout par fidélité à un passé recomposé dont la langue reste le dernier imaginaire d’un âge d’or ressassé.

On peut éventuellement le comprendre concernant des personnes nées à l’étranger, et encore, car la majorité des immigrés des premières générations faisaient tout de même l’effort d’apprendre un français non argotique. En revanche, croire qu’il faudrait plaquer cette constatation, parcellaire, sur les troisième et quatrième générations actuelles nées et vivant en France (à savoir les obliger à apprendre leurs supposées langue et religion d’origine afin qu’elles ne deviennent pas frustrées et à terme terroristes) en dit long sur le degré de méconnaissance des divers mécanismes permettant l’émergence d’une estimation de soi.

En effet, celle-ci ne passe certainement pas par le plaquage artificiel d’une identité de surcroît fictive car cette population préférerait, en majorité, être plutôt jugée sur ses compétences et non sur sa couleur de peau.

Mais en France, on en est toujours à la vieille vision ethnocentrée de grand-papa (même liftée depuis les années 1970) où l’étranger est toujours renvoyé à ses supposées racines, de peur en réalité qu’il ne fasse concurrence par son intégration aux autochtones, supposés, eux, connaître d’emblée ce qu’il en est d’être Français. Il semble, par les nombreuses récompenses obtenues avec ce film, que se perpétue la même antienne… avec les résultats que l’on sait.

Car ce sont ces mêmes redresseurs de tort qui ont depuis des décennies réduit l’étranger à ses origines et qui exigent d’édifier plus encore une sorte de différentialisme racialiste : le coloré serait cette fois de plus en plus obligé en quelque sorte de ne pas s’assimiler en se coltinant désormais l’histoire et la langue de ses origines (bien sûr magnifiées par un enseignement orwellisé, mâtiné de bâtiments construits à la hâte rappelant sa religion supposée) de peur qu’un jour il le fasse encore plus regretter. Pourtant, l’on est arrivé au résultat exactement inverse puisque cette politique de différentialisme diffus existe depuis les années 1970 et n’a fait en réalité qu’empirer les choses.

Bienvenue en Absurdie. Bien française, elle.

Voir aussi le regard de notre caricaturiste sur les Césars 

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  • Bof, je préfère garder mon indignation pour des choses plus importantes que ça

    • Ce film n’est qu’une illustration, l’article parle d’un phénomène bien plus important et inquiétant, le rejet de la culture française et l’idéalisation de la culture et de la religion du pays d’origine dans la communauté maghrebine. Ça se traduit par des actes sans importance comme les attentats de Paris.

      • idéalisation de la culture d’origine=attentat de paris wahou vous avez des bottes de 7 lieues pour faire une remarque aussi affligeante?

        • Vous pouvez vous voiler la face autant que vous voulez, mais les attentats sont la manifestation la plus extrême de ce mouvement de fond de rejet de la France et de ce qu’elle représente, culturellement, historiquement et religieusement (que ce soit la chrétienté ou la laïcité)

          • Vous n’en êtes, vous même, même plus dans le « voilage de face ». Sans doute avez vous fourré votre tête dans une dalle de béton en devenir …

          • Je vous rappel que la laicité n’est pas un religion… je sais c’est tendance de le penser, on impose aux gens la prière laicarde (la minute de silence), on impose une manière de s’habiller (interdiction de porter le voile, interdiction d’etre a poil),… bref oui dans les faits, la laicité porté par certains est une nouvelle religion… mais dans le sens originel ca ne l’est pas un, on est d’accord.

            Les attentats en France ne sont pas le rejet de la France, mais de sa politique extèrieure et de plus en plus, de sa politique intérieure. Comme vous dites « vous pouvez vous voiler la face », qu’on associe souvent a « bien-pensance », les termes génériques pour décrire vos modes de pensées, car majoritaire, donc la face voilée un… on en reparlera. Plus concretement, ce n’est pas l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne, l’angleterre,…. qui se sont fait attaqués, mais la France, il y a meme des belges qui préferent tapper la France plutot que la Belgique ou l’Allemagne, ou n’importe quel autre pays. On peut « se voiler la Face » comme vous dites, mais réfléchissez 2 secondes aux raisons… ne serait-ce pas, car nous sommes le premier pays a etre intervenu en Lybie (Sarko ), on est les premiers a avoir envoyer des avions, et plus généralement a vouloir faire la guerre contre l’Etat Islamique, et je ne parle meme pas des lois d’exceptions contre les musulmans spécifique à la France, à cette ambiance continue depuis 2003/2004 ou on a vu changer les gens, qui ont décider que les « arabes et les noirs » n’étaient plus le probleme, et que désormais c’était « les musulmans »… comme çà d’un coup. C’est le problème du racisme, c’est qu’il change aussi vite que la mode, et non des faits concrets.

            Pour rappel, et les dates sont super interessantes car très représentatives.
            – 2002 : Etats-unis attaquent l’Irak, seul l’Espagne et l’angleterre soutiennent Bush
            – 2004-2005 : Seulement 2 attentats, qui touchent seulement l’angleterre et l’Espagne.
            Sans doute le hasard. 10 ans plus tard :
            – 2012 : La France attaque la Lybie et destabilise le secteur
            – 2014-2015 : seule la France est attaquée par des terroristes.
            Sans doute le hasard, et le fait que ces méchants Français sont contre nos valeurs… ca doit etre çà, cela ne doit rien avoir a voir avec nos attaques… rien. Ne fermez pas vos yeux, enlever votre voile de devant et je suis sur qu’en effet vous verrez mieux, mais pour cela, il va falloir faire un effort supplémentaire et mettre de coté votre anti-…. de coté quelques minutes pour gagner en objectivité.

  • Je ne comprends pas… Le film est peut-être dans la ligne de la bien-pensence de la majorité de la production cinématographique française, sans doute même, mais celle-ci s’exprime aussi bien quand les personnages viennent d’Afrique noire, d’Europe de l’Est, de France ou de n’importe où. En fait en lisant le résumé j’ai surtout trouvé l’histoire des plus banales. Que l’arabe littéraire ne soit pas maîtrisé par grand monde est une chose, mais d’abord j’ai déjà rencontré des immigrés qui parlaient mal le français et qui ne savaient pas l’écrire alors qu’ils étaient trilingues au minimum, avec de hauts niveaux d’étude, et prenant des cours de français (mais bon soyons clairs, nous ne sommes pas vraiment bien dimensionnés sur ces aspects). Ensuite pourquoi faudrait-il qu’elle parle kabyle, c’est un personnage, pourquoi devrait-il être représentatif de toutes les communautés du monde ? bon ben voilà, c’est une femme qui parle et écrit (mal peut-être, est-elle présentée dans le film comme une grande littéraire ? ce n’est pas l’impression que donne votre article) l’arabe, et en fait ce n’est pas très important. Oui, c’est vrai, on aurait pu montrer une portugaise, ou une chinoise pour avoir des alphabets très différents. Bon.

    • On aurait pu aussi montrer toutes les européennes du sud espagnoles, italiennes,portugaises venues en France il y a quarante ans vendre leur force de travail comme femme de menage pour permettre la promotion sociale de leurs enfants
      On aurait pu montrer ma mère basque,parlant tres mal le français,qui faisait 12 kms pieds nus pour aller quotidiennement à l’ecole de Barcotxe, et qui sera pendant quarante ans femme de service pour élever ses dix enfants
      Non il etait sans doute preferable de nous vendre une marocaine enfoulardée ,afin de donner une bonne leçon d’anticolonialisme aux français de souche

  • Pas vu le film mais rien que le fait de nommer cette dame aux « meilleures actrices » est révélateur de la politisation que vous dénoncez. Cette dame n’est pas une « actrice ». Elle le dit d’ailleurs elle-même en interview en racontant qu’elle n’a pas joué la comédie, mais qu’elle a juste été « elle-même » ; tout le contraire d’une actrice.

    Bref, le France va vraiment mal … …

    • Ca me fait penser au film Babel, où on voyait un Brad Pitt (que j’aime beaucoup) à la mode de l’Actor-Studio être jurant aux côtés d’acteurs amateurs réellement plus crédibles et provoquant plus d’émotion. En fait le cinéma permet beaucoup plus de se contenter d’être que le théâtre, il y a même des acteurs qui font de belles carrières seulement sur leur personnalité avec toujours le même rôle et sans jamais vraiment jouer la comédie.
      On a le droit de ne pas aimer le cinéma ou la trop grande médiatisation des acteurs de cinéma, on peut aussi considérer que les comédiens de théâtre ont plus de mérite… je pense que croire que tout est question de mérite, et donc qu’il y aurait des injustices de ce style (mais je n’ai pas vu le film, peut-être cette dame joue très bien, ou peut-être que le metteur en scène l’utilise à merveille), est de l’ordre du fantasme. Cette femme ne mériterait pas autant de reconnaissance ? ce n’est quand-même pas un scandale national.

  • Un chiffre: 66 000 entrées…

  • encore un film qui fleure bon la victimisation permanente des minorités. Les clichés sont légions, pour ma part, je suis femme de ménage depuis 12 ans, à raison de 6 maisons par semaine et je n’en fais pas tout un fromage. Alors arrêtons de flageller les français, cela est totalement contre productif et énerve tout le monde, ce film est là pour faire ronronner de plaisir la classe politique complètement à plat ventre devant les gens issus de l’immigration.

    • Tout à fait d’accord, on pourrait parler de victimisation en général, pas uniquement des minorités… en tous cas ça ne mérite pas qu’on joue la compétition entre minorités (kabyles ou arabes, algériennes ou marocaines, européennes ou africaines… bretonnes ou corses : on s’en fout). Mais remarquons que ce ronronnement est général dans la production cinématographique française, un film comme Les Petits Mouchoirs ne parle pas de minorité ni de victime, mais enfin bon c’est de la bien-pensence pure avec une mise en scène nue du discours (du coup forcément simpliste). La fiction française est complètement à la ramasse et n’a pas réussi à se sortir de la déconstruction des années 50 à 70 (c’est pareil pour toute la production culturelle française : littérature, danse, peinture, musique…).

  • Bonjour M Oulahbib,

    En effet, comme dit précédemment dans un autre commentaire, il existe le film :
    « Les femmes du sixième étage » à propos de femmes de ménage d’origines espagnole, il y a eu aussi le film « La Cage dorée », ici à propos certes de concierges (ménages des parties communes), d’origines portugaise… (dans ce dernier d’ailleurs, c’est assez intéressant à noter, le sujet du film est que : « les gens les adorent tellement qu’ils ne veulent pas qu’ils repartent vivre au Portugal… » = encore une autre ambiance, et d’autres clichés probablement un peu aussi, mais ce sont des films qui ont eu aussi des récompenses, et que cela soit pour le premier film ou le second, et peut-être d’autres encore, croyez-vous qu’on en fasse » des gorges chaudes » ? dans le sens : « pourquoi ce film est plus que… » ? Il ne semble pas. Cependant, à la toute fin de votre article vous abordez quelque chose qui est très présent et dont peu en parle (en tant que métisse arabe-français, j’ai vécu cela).

    Je cite : « Mais en France, on en est toujours à la vieille vision ethnocentrée de grand-papa (même liftée depuis les années 1970) où l’étranger est toujours renvoyé à ses supposées racines, de peur en réalité qu’il ne fasse concurrence par son intégration aux autochtones, supposés, eux, connaître d’emblée ce qu’il en est d’être Français. Il semble, par les nombreuses récompenses obtenues avec ce film, que se perpétue la même antienne… avec les résultats que l’on sait. »

    C’est à la fois très réaliste ce que vous dites, et cela engendre une sorte de discrimination quotidienne et ordinaire de type : l’arabe qui ne joue pas bien le jeu de « l’arabe de service », n’est finalement pas mieux accepté/toléré que ceux qui sont plus traditionnelles, même, ils vont dans certains cas se voir (de manière insidieuse et non franche) reprocher de  » probablement renier leurs origines … »
    En gardant le thème du cinéma, le film : « Qu’est-ce qu’on a fait au bon dieu » est un film qui ne dérange pas, bien au contraire, car ici… « On joue le jeu, point barre ». Dans « Fatima », il peut y avoir un peu de malaise (apparement déjà juste autour du synopsis) car l’on r-envoi UNE DES réalités en face, cela n’empêche absolument pas que selon la génération, le vécue, un autre type de personnes issus de l’immigration, ou/et immigrées, ressentent effectivement bien une frustration comme décrite dans le film. Et cela n’empêche pas non plus de ne pas oublier qu’il existe (majoritairement), qu’il a existé et qu’il existera des films qui parlent uniquement de français et françaises d’origine qui vivent toutes sortes de situations, et des films qui parlent d’autres origines et même de plusieurs qui vivent aussi des situations.

    Cordialement,

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