Par Francesca Willemsen.
Un article de Trop Libre.

Le 13 janvier 2016, le ministre de l’Intérieur italien Angelino Alfano signait le premier décret d’expulsion de l’année, à l’encontre du ressortissant macédonien Ljimani Redjep. L’homme, salafiste, et dont la radicalisation devenait pour l’Italie une menace terroriste, habitait l’Italie depuis 1998.
Ce décret, le 67ème depuis 2014, s’inscrit dans la ligne d’action choisie par le gouvernement italien de Matteo Renzi pour faire face à la menace terroriste. Cette action a subi une intensification depuis les attentats de Paris du 13 novembre dernier et touche désormais plusieurs secteurs, bénéficiant en outre, fin 2015, d’une augmentation des fonds disponibles.
La culture pour contrer le terrorisme
L’Italie appuie sa réponse au terrorisme sur deux facteurs clés : l’informatique et l’échange d’informations entre les agences nationales antiterroristes. “Une réponse de prévention qui passe par la police et par la voie législative”, expliquait Alfano, à l’occasion d’une rencontre avec Gilles de Kerchove, coordinateur de l’UE pour la lutte contre le terrorisme. Le plan d’action italien est intégré par un travail aux frontières centré sur la cyber-sécurité et sur les investissements technologiques pour permettre l’identification faciale des sujets qui y passent.
Toutefois, à la suite des attentats de Paris en novembre dernier, le gouvernement de Matteo Renzi a dû adapter son action à la situation et face à l’inquiétude grandissante des Italiens. Il a élaboré des mesures concrètes qui ont débouché sur un plan d’action doté d’un budget conséquent.
Son discours a surpris : un rôle prépondérant y est accordé à la culture. Ainsi, le slogan “un euro à la culture pour chaque euro à la sécurité” caractérise la proposition de budget de deux milliards d’euros annoncée : un milliard pour la défense, l’autre pour la culture. Ainsi, chaque Italien recevra à ses 18 ans un budget de 500 euros qu’il pourra dépenser en tant que « carte culture ».
Les sondages d’opinion laissent transparaître une hausse de confiance de la population italienne envers ses dirigeants politiques. Le 20 novembre dernier, selon le sondage Ixé, réalisé par une émission télévisée d’information, Ballarò, la confiance du peuple italien envers le gouvernement de Renzi était aux alentours de 32%, avec une hausse de 2 points par rapport aux semaines précédentes. Le rapport annuel “Les Italiens et l’État”, publié fin décembre dernier par le site Demos, révèle, quant à lui, une timide reprise de confiance de la population italienne dans les institutions.
L’insécurité profite-t-elle à l’extrême-droite ?
La réponse du gouvernement italien s’avère d’autant plus sereinement menée qu’elle semble jusqu’ici freiner l’ascension d’une extrême droite qui, ailleurs en Europe, profite de l’insécurité.
Au lendemain des attentats du 13 novembre, espérant pouvoir instrumentaliser la vague de peur et de panique qui déferle sur l’Italie, le parti d’extrême droite La Lega Nord choisissait de réaffirmer sa position radicale. Le parti propose ainsi une possible intervention italienne en Libye contre Daech et réaffirme son refus catégorique de voir dans l’Islam une religion modérée.
En reprenant les sondages d’opinions, il est intéressant de constater que cette exclusion de toute une communauté ne procure pas à la Lega Nord le soutien populaire dont bénéficient les autres partis populistes d’Europe. Contre toute attente, Salvini a perdu des points de confiance dans les sondages (Ballarò).
La solution sera européenne ou ne sera pas
Le plan d’action italien s’inscrit dans un contexte européen de peur et d’insécurité générale. La menace du terrorisme touche désormais l’Europe entière et l’Italie n’est pas exemptée : en novembre 2015, le FBI mettait urgemment l’Italie en garde contre cinq suspects et une possible attaque à Milan. L’Italie, qui manifeste depuis plusieurs années sa peur d’isolement quant à la question des conséquences du chaos en Afrique et en Orient sur ses côtes, rappelle régulièrement l’importance d’une réponse à échelle communautaire. C’est d’ailleurs là que pourrait prendre forme une société civile européenne, dont l’attachement aux droits fondamentaux et l’ADN pacifique est un acquis communautaire indélébile.
Sources :
www.interno.gov.it – Site du Ministère de l’Intérieur italien
www.ilsole24ore.com – Terrorismo espulso padre ragazzo che inneggio all’isis attentati Parigi
www.lastampa.it – Renzi e il piano da miliardi, sicurezza e cultura contro l’Isis
www.repubblica.it – Consiglio Europeo, vertice UE
www.ilfattoquotidiano.it – Terrorismo Renzi : rafforzeremo cyber security ma investimenti anche in cultura
- Article rédigé en partenariat avec l’Association du Master Affaires Européennes de Sciences Po
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Lire sur Contrepoints notre dossier spécial Italie ainsi que l’article “la droite italienne en décomposition“
L’avenir des libertés se jouant en Italie?
Sur l’intervention en Lybie, un excellent paper démontant dix mythes: http://jbjv.com/IMG/pdf/JBJV_2016_-_Dix_idees_recues_sur_l_intervention_en_Libye.pdf