Ma vie d’expat’ aux Pays-Bas

Le témoignage de Laurent : « Une fois le projet enclenché, les doutes s’effacent devant l’excitation et… le manque de temps pour douter ! »

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Moyan Brenn Amsterdam(CC BY 2.0)

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Ma vie d’expat’ aux Pays-Bas

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 18 janvier 2016
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Une interview par la rédaction de Contrepoints.

Moyan Brenn Amsterdam(CC BY 2.0)
Moyan Brenn Amsterdam(CC BY 2.0)

 

Une petite présentation ?

Je m’appelle Laurent, j’ai 40 ans, je vis aux Pays-Bas, à Amsterdam. Je suis originaire du nord de la France.

 

Quel est votre métier ?

Je travaille comme développeur logiciel dans le domaine du web depuis 15 ans. J’ai d’abord déménagé du nord de la France pour commencer ma carrière à Paris où j’ai travaillé pour des entreprises franco-françaises et d’autres étrangères et internationales. J’ai ainsi pu au passage expérimenter, sans être à l’étranger, les différences de culture et d’approche dans la gestion d’entreprise et les relations entre collaborateurs : ça a été un élément qui m’a amené à penser à l’expatriation comme un moyen d’élargir une carrière professionnelle avec un plafond de verre assez bas en France. La culture d’entreprise française est très hiérarchisée, avec un mille-feuille assez impressionnant, et finalement assez peu tournée vers l’international (la relativement faible maîtrise de l’anglais expliquant sans doute ce manque d’ouverture).

Durant ma carrière j’ai aussi rencontré des expatriés d’autres pays européens, ce fut l’occasion d’en découvrir un peu plus sur ces pays que par le tourisme et d’avoir un regard extérieur sur la vie en France. On peut déjà faire quelques comparaisons. Et dans l’autre sens faire des déplacements professionnels à l’étranger permet aussi d’appréhender mieux la réalité du terrain.

 

Pourquoi être parti ?

Une accumulation de signaux négatifs sur le futur de la France, des petites choses qui rendent le quotidien usant et évidemment l’envie d’aller vérifier si l’herbe est effectivement plus verte de l’autre côté de la clôture. Et j’ai aussi eu l’exemple d’amis qui ont franchi le pas.

Au niveau des signaux négatifs il y a la question de la dette : évidemment beaucoup de pays ont aussi un gros stock de dette, mais ce qui est important c’est surtout la tendance et la capacité à faire passer des réformes difficiles. Un autre problème est que la société française est de plus en plus clivée et incapable de débattre rationnellement : des mouvements plus ou moins spontanés de protestation parfois violente se sont multipliés ces dernières années.

Dans le quotidien, un gros ras-le-bol de la morosité ambiante en France : les Français sont inquiets pour le futur, pessimistes, méfiants et ça se ressent dans les relations quotidiennes. Et je m’inclus dans le lot car j’envisageais aussi le futur de façon pessimiste lorsque j’étais en France : c’est quelque chose dont on se rend encore plus compte une fois qu’on ne baigne plus dedans. Il y a aussi le problème de l’incivilité : c’est souvent anecdotique, comme se bousculer dans le métro, mais ça participe d’une atmosphère générale assez délétère.

Ensuite pour la qualité de vie : Paris est devenue une ville très chère pour se loger et le cadre s’est dégradé à vue d’œil ces dernières années (saleté, insécurité). Sans parler des fameux « mouvements sociaux d’une certaine catégorie de personnel » qui pourrissent rapidement la vie.

En tout cas pas pour raisons fiscales : dans mon cas, la différence n’est pas si énorme qu’elle puisse justifier à elle seule un départ.

La vue depuis mon balcon-Tous droits réservés
La vue depuis mon balcon-Tous droits réservés

 

Pourquoi avoir choisi les Pays-Bas ?

C’est un pays plutôt bien situé : pas trop loin de la France, mais pas trop près non plus !

Blague à part, les Pays-Bas sont un pays relativement vertueux en termes de finances publiques et plutôt prospère économiquement avec un taux de chômage pas trop élevé. Donc en bref : un système politique, judiciaire et fiscal stable ; une société qui voit l’avenir avec confiance et remplie d’opportunités ; des relations sociales franches et détendues. C’est déjà un gros plus par rapport à la France !

Et il est possible pour un non néerlandophone de trouver un emploi et s’insérer dans la vie quotidienne facilement : les Pays-Bas ont fait de la pratique de l’anglais une priorité et pratiquement tout le monde parle anglais. Évidemment certains emplois nécessitent de parler néerlandais, mais il ne faut pas croire que tout est bouché si on ne parle pas la langue.

C’est aussi un pays de tolérance et où existe une culture du dialogue qui permet de désamorcer les conflits : il y a évidemment des problèmes comme partout, mais ici je n’ai jamais vu des mouvements de protestation aussi durs et importants qu’en France.

Mais quoiqu’il en soit, il ne faut pas y aller pour la météo !

Amsterdam ouest-Tous droits réservés
Amsterdam ouest-Tous droits réservés

 

Avez-vous eu des doutes ? Comment les avez-vous gérés ?

Oui, je pense qu’il y a de quoi avoir des doutes car il y a évidemment une part de risque dans ce genre de projet. Mais la plus grosse période de doute fut en fait avant de me lancer : une fois le projet enclenché, les doutes s’effacent devant l’excitation et… le manque de temps pour douter !

Pour gérer, j’ai trouvé intéressant d’avoir l’avis d’autres expatriés : j’avais la chance d’en avoir quelques-uns dans mon cercle de connaissances, mais étant donné que beaucoup de Français se sont déjà expatriés ou projettent de le faire, il est facile de trouver des forums de discussion, et des dossiers complets pays par pays. Il faut juste ne pas se laisser trop impressionner par les commentaires négatifs : un peu comme pour tout avis, ce sont souvent les personnes les plus critiques qui parlent le plus, les satisfaites prenant rarement le temps d’aller commenter.

 

Un bilan aujourd’hui : que vous a apporté l’expatriation ?

Beaucoup d’air ! Ça fait un peu cliché, mais il reste vrai que vivre et travailler à l’étranger donne une vision du monde différente et remet les choses en perspective. Le fait de parler une langue étrangère la majorité du temps change aussi un peu la façon de penser les choses. Et puis découvrir une nouvelle culture de l’intérieur est stimulant.

Le plus gros point positif est au niveau de la qualité de vie : un cadre de vie agréable, le fait appréciable de pouvoir presque tout faire en vélo, très populaire aux Pays-Bas, sans passer par la case transports en commun. Et plein de petites choses de la vie quotidienne qui font que l’humeur globale est bonne, il y a beaucoup moins de stress ambiant, un meilleur équilibre entre vie privée et professionnelle. Ici il est très courant et bien vu pour un homme ou une femme de travailler en 4/5ème ou 9/10ème pour s’occuper des enfants ou avoir une autre activité. Il y aurait beaucoup à dire sur la vie quotidienne : c’est certainement l’occasion d’écrire un autre article.

Non loin de la ville-tous droits réservés
Non loin de la ville-tous droits réservés

 

Et au niveau professionnel je me retrouve beaucoup mieux dans une culture d’entreprise moins hiérarchique et davantage basée sur le consensus que la décision du chef.

 

Est-ce que vous vous sentez encore Français ?

Oui je me sens encore Français, et je pense que je me sentirai toujours Français même si je devais me faire naturaliser un jour. Mon attachement à la France doit sans doute venir du fait que c’est le pays où j’ai passé mon enfance, là où j’ai construit ma culture et puis le français restera ma langue maternelle.

En revanche, je me sens de moins en moins concerné par ce qui se passe en France au niveau politique et civique. Donc je dirais que je me sens en revanche de moins en moins citoyen français.

 

Autre chose à ajouter ?

Une question que doivent se poser les candidats à l’expatriation est celle du retour : est-ce une expatriation temporaire ou définitive ? Un retour prévu pour la retraite ? Car le retour peut être assez difficile, ce n’est pas juste « tout revient comme avant ».

Il existe un certain nombre d’embûches non négligeables pour l’expatrié qui souhaite revenir : d’abord l’administration, avec ses nombreux Cerfas, ne facilite pas les choses. Je pense particulièrement à la Sécu, mais aussi les petits soucis du quotidien lorsque l’on doit fournir des justificatifs d’imposition, fiches de salaires, etc. Et certaines conventions font qu’on ne coupe pas toujours complètement les ponts avec l’administration française.

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  • Merci pour ce témoignage. On aurait quand-même aimé en savoir un peu plus sur le néerlandais la nécessité ou non de le maîtriser pour s’intégrer au Pays-Bas. Est-ce un frein de ne pas parler le Néerlandais et faut-il vraiment l’apprendre une fois là bas ?

    • J’ai une amie qui vit là bas depuis 25 ans et apprendre le néerlandais est bien évidemment une « obligation » pour qui souhaite y rester longtemps car si les Néerlandais parlent quasi tous anglais, et beaucoup français, ils restent quand même des Néerlandais très attachés à leur culture. La vie quotidienne se fait en néerlandais. Ce n’est d’ailleurs pas la langue la plus mélodieuse mais la blondeur des cheveux des autochtones compensent ce défaut, pour peu qu’on aime les filles grandes, très grandes.

  • Bonjour
    Il le idt et puis n’oublions pas :ce sont des prostestantS TOLERANCE et PRAGMATIQUE ;
    Un deuxièeme pays très civilisé d’Europe du Nord

  • Tous ces commentaires des plus constructifs, devraient faire réfléchir tous ces gens qui sont responsables de l’actuelle situation de la France et surtout, de son avenir !

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Auteur : Catherine de Vries, Professor of Political Science, Fellow and member of the Management Council of the Institute for European Policymaking, Bocconi University

 

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