Pourquoi les prix à la pompe baissent, mais pas tant que ça

Comment expliquer le décalage entre la chute vertigineuse du prix du baril et celle beaucoup plus modeste de l’essence à la pompe ?

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
pompe à essence credits Cobalt123 (licence creative commons)

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Pourquoi les prix à la pompe baissent, mais pas tant que ça

Publié le 5 janvier 2016
- A +

Par Emmanuel Martin.
Un article de l’IREF-Europe

pompe à essence credits Cobalt123 (licence creative commons)
pompe à essence credits Cobalt123 (licence creative commons)

Les prix du baril de pétrole sont à des niveaux historiquement bas. La révolution du pétrole de schiste aux États-Unis, la course aux parts de marché entre pays de l’OPEP et la levée des sanctions à l’encontre de l’Iran sont des causes importantes d’une offre abondante. Le ralentissement de l’économie chinoise a de son côté contribué à la baisse de la demande. Cette combinaison d’augmentation de l’offre et de baisse de la demande fait chuter les prix.

Voilà qui devrait au final ravir, en théorie, les consommateurs automobilistes.

Pourtant, alors que prix du baril est passé de plus de 100 $ en mai 2014 à 36 $ en décembre 2015, soit un prix presque divisé par trois, la baisse du prix à la pompe a été par comparaison assez modeste, de l’ordre de 15 %. Le différentiel est donc énorme. Comment l’expliquer ?

On entend souvent hommes politiques et associations critiquer les compagnies pétrolières qui ne répercuteraient pas la baisse et en profiteraient pour refaire leurs marges. Si cela peut être vrai, le facteur est en fait minime dans le prix final, de l’ordre de quelques centimes. De même la baisse de l’euro face au dollar (devise d’échange du pétrole) n’explique qu’en partie la faible répercussion.

Pompe rené le honzecL’élément essentiel, qui est généralement passé sous silence, est que la baisse du pétrole est peu répercutée du fait de la part énorme des taxes fixes dans le prix à la pompe. La TICPE (Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Énergétiques) est une taxe fixe de 62,41 centimes par litre pour le super 95 et de 46,82 centimes par litre pour le gazole (les régions peuvent modifier très légèrement ces taux).

À cela il faut ajouter la TVA qui est payée non seulement sur le hors-taxe mais aussi sur… la TICPE : l’automobiliste paie donc une taxe sur une taxe. Cela signifie qu’il y a sur un litre de carburant une partie fixe de TICPE + TVA, de l’ordre de 74,89 centimes pour le super et de 56,18 centimes pour le gazole. Reste la TVA réellement variable, sur le hors-taxe (c’est à dire sur le service rendu).

Faisons un calcul éclairant. Pour un litre de Super 95 à 1,24 € par exemple, l’automobiliste paie 62,41 centimes de TICPE + 20,66 centimes de TVA à 20 %, soit 83,07 centimes de taxes. Les taxes représentent donc ici 66,99 % du prix à la pompe et c’est d’ailleurs souvent comme cela que les hommes politiques présentent la chose, afin d’en minorer l’impact.

Subtil stratagème rhétorique : en réalité, c’est le taux de taxation du HT qui compte pour bien saisir l’importance d’une taxe (comme pour la TVA). Car deux tiers de taxes dans le prix final cela signifie un taux de taxation à… 200 % (ou ici : 0,8307 de taxes / 0,4093 € de HT (1,24 – 0,8359), soit 203 %). En clair, sur un plein de Super à 60 € il y a 40 € de taxes et 20 € de services-carburant… Une taxe à 200 %, voilà un chiffre qui passe mal en termes de communication politique.

C’est donc sans doute pour cela que la TICPE ne figure pas sur les tickets de caisse des pompistes et qu’il faut aller sur une page obscure du ministère de l’Écologie pour en obtenir les chiffres, donnés, au surplus, sur une base en hectolitres, sans doute dans un souci de « simplification » pour le citoyen…

Le consentement à l’impôt est une pierre angulaire de toute démocratie. Bien sûr, dans nos démocraties modernes c’est aux représentants de « voter » le consentement au budget. Or, on sait comment sont votés les budgets… Avec assez peu de reddition des comptes au final, d’où 40 ans de déficits. Ensuite, et notamment dans ces conditions de dysfonctionnement parlementaire, il semble important que le citoyen lambda ait au moins droit à savoir combien il paie d’impôts et taxes.

S’il est normal de payer des impôts pour financer les biens publics, dans une optique de reddition des comptes et de transparence il paraît crucial que les taxes ne soient pas cachées ou même sérieusement camouflées aux citoyens-contribuables. D’ailleurs savez-vous que la TICPE a augmenté au 1er janvier ?

Sur le web

Lire sur Contrepoints notre rubrique pétrole

Voir les commentaires (24)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (24)
  • ce n’est pas gravissime , si ces taxes n’existaient ,l’état serait obligé de nous surtaxer autre chose et puis on consommerait d’avantage de pétrole , cela mettrait en péril la politique communiste des transports en commun , l’edf et ces centrales serait démantelé car son électricité serait trop cher , la CGT et le socialisme ferait faillite !

    • Bah les transports en commun sont un des rares services de l’État que j’apprécie. Devoir prendre la voiture pour tout c’est lourd et ça engraisse alors que le transport en commun nous fait marcher davantage.

      • Bah les transports en commun sont un des rares services de l’État que j’apprécie.

        C’est idiot, car cela peut très bien opéré par des entreprises privées ❗

      • Les transports publics sont avec le logement les meilleurs outils des politocards pour pratiquer le clientélisme. A droite autant sinon plus qu’à gauche.

        • Un jour quelqu’un m’a dit que le fameux slogan du RPR (le parti chiraquien) : « tous propriétaires ! » n’était qu’un subterfuge pour mieux tenir en état de dépendance voire de museler les citoyens.

      •  » Bah les transports en commun sont un des rares services de l’État que j’apprécie. Devoir prendre la voiture pour tout c’est lourd et ça engraisse alors que le transport en commun nous fait marcher davantage.  »

        L’important est de pouvoir toujours choisir de son mode de transport. Contraindre les automobilistes a utiliser les transports en commun au lieu de la voiture c’est finir par prendre en otage les usager. Pris en otage par les hausses continuelles du prix des billets pour financer les infrastructures comme en Suisse ou pris en otage par les grévistes comme en France.

        D.J

  • Pour une fois que les taxes orientent la consommation dans le bon sens, il ne faut pas s’en plaindre. Compte tenu des nombreux dégâts collatéraux des industries minières (pas seulement le pétrole), il n’est d’ailleurs même pas sur que ces taxes puissent couvrir les externalités et dégager un surplus pour alimenter les dépenses régaliennes de l’état.
    En bonne logique libérale, il faut réduire le poids des dépenses de l’état (ce qui correspond aux « vraies » taxes) mais il n’y a aucune raison de faire de cadeaux à ceux qui exploitent les biens communs en les rendant ensuite dans un état dégradé, il faut leur faire payer le cout de la remise en état et les autres couts annexes comme les couts géopolitiques associés. S’agissant du pétrole ces derniers couts sont d’ailleurs gigantesques et sans doute sous-estimés : opérations extérieures, opérations policières liées aux attentats, instabilité générale du monde s’opposant à un commerce serein qui est une source majeure de prospérité…

    • @ JCB :

      donc, la seule chose à faire, c’est de faire respecter les droits de propriété et d’attribuer les biens communs à des personnes bien identifiés.

      Pas besoin pour cela de taxer le consommateur final, c’est parfaitement inefficace…

      • Tous les biens ne peuvent pas avoir un propriétaire privé. L’air et l’eau en particulier. Si vous polluez un cours d’eau, vous devez au moins payer le cout de traitement de l’eau pour que ceux qui sont en aval puisent avoir une eau de qualité équivalente à ceux qui sont en amont. Les taxes de type pollueur-payeur, si elles sont gérées équitablement (ce qui n’est pas le cas puisque en tant que particulier je paye une fortune en assainissement pour une pollution anodine alors que de gros pollueurs comme les agriculteurs ne paient quasiment rien) ne sont pas des vraies taxes.
        Pour l’usage du sous-sol c’est plus compliqué mais il faut savoir que les activités minières sont particulièrement polluantes et remettent en circulation dans la biosphère des quantités énormes de polluants majeurs (plomb, arsenic…) qui étaient stockés de façon stable dans le sol avant que l’on ne perturbe l’équilibre. Donc là aussi l’exploitant minier doit payer pour ces dégâts et ce n’est pas non plus une vraie taxe.
        Il est important de distinguer dans les prélèvements de l’état ce qui est une vraie taxe (impôt sur les bénéfices par exemple) et ce qui est un dédommagement pour ne pas laisser la nature dans l’état dans laquelle on l’a trouvé. Dans le cas du pétrole, le prélèvement est manifestement mixte.
        D’un point de vue libéral, je suis bien convaincu qu’il faut respecter la propriété privé lorsqu’elle résulte d’une création de richesse, ce n’est pas le cas s’il s’agit d’une simple appropriation de ce qui devrait rester un capital commun à préserver. Je ne pense pas qu’un véritable libéralisme soit incompatible avec une véritable approche écologique (ce qui n’a rien à voir avec l’écolo-gauchisme de certains politiciens).

    • @ JCB,

      En Suisse les automobilistes via les taxes rapportent à l’état près de 9 milliards de francs par an dont seul 2 milliards sont utilisés pour l’amélioration du réseau routier. Malgré ça l’état cherche à nous imposer des hausses de la vignettes autoroutières ou des taxes sur l’essence sous prétexte de pour voir financer le réseau routier. Je veut bien payer pour financer le bien commun comme le réseau routier. Mais si c’est pour voir la majorité de mon financement allé pour financer tout est n’importe quoi en me redemandant de faire encore plus d’effort financier par des hausses de taxes; alors je dit non.

      Du reste par votation les suisses ont récemment envoyé boulé le gouvernement qui voulait faire passer le prix de la vignette autoroutière de 40 fr à 100 frs.

      D.J

    • @ JCB

      L’instabilité actuelle du monde n’est pas causée par ceux qui acheminent le pétrole jusqu’en Europe, mais par des politiciens, qui pour des raisons de pouvoir, de religion, et d’enrichissement personnel, utilisent la force armée qui est à leur disposition pour tenter de s’imposer…

      Ce devrait être à eux de payer de leur poche les conséquences de leurs actes, mais au lieu de cela, ils arrivent à s’enrichir sur le dos de ceux-là même qu’ils méprisent et spolient… 

    • si vous ne savez pas à quoi sert l’argent des taxes….vous ne pouvez rien dire même sur la consommation de pétrole…

    • JCB: « Mais il n’y a aucune raison de faire de cadeaux à ceux qui exploitent les biens communs en les rendant ensuite dans un état dégradé »

      Les patron des compagnies pétrolière ne creusent la terre pour se faire plaisir.
      Vous consommez environ 400 esclaves-equivalent-pétrole en énergie pour votre niveau de vie
      ce que vous pouvez faire modestement c’est donner un euro DE PLUS pour chaque euro dépensé en énergie.

      Il va falloir faire un bilan parce que votre impact va bien au delà de votre facture EDF ou essence.
      Un steak, une bouteille d’eau, un service etc. etc.

      Une fois le bilan fait, estimez combien il en couterait pour tout remettre en état et payez !

      • C’est bien ce que j’ai dit. Sans doute me suis-je mal exprimé. Il est tout à fait normal de faire payer les dégâts et pollutions réelles (pas les imaginaires bien sur). Cela peut passer par des taxes qui ne sont pas de l’argent de poche pour que les états fassent des folies mais bien au contraire pour qu’ils puissent à peu près maintenir notre capital commun (notre terre !) en état. La bonne gestion de la terre est de ne vivre que sur les bénéfices sans entamer le capital.

        • « La bonne gestion de la terre est de ne vivre que sur les bénéfices sans entamer le capital. »
          Non, ce n’est pas de la bonne gestion.
          La bonne gestion c’est de produire au moins autant de capital que celui qu’on consomme. Reste à évaluer la valeur capitalistique des combustible fossiles ou d’une nature « non polluée », et ça, c’est pas gagné d’avance…

          • oui… payer les dégâts à qui? à la nature?
            en général on donne de l’argent à des gens pour des dégâts qu’on a fait à leur bien sinon c’est fort compliqué sinon complétement arbitraire

        • JCB: « Cela peut passer par des taxes qui ne sont pas de l’argent de poche pour que les états fassent des folies »

          ça tombe bien, l’état français prélève 20% de plus par rapport à l’état d’à coté qui s’en sort parfaitement sans dette et sans chômage.

          Il y a de quoi réparer tous les dégâts possible et imaginable chaque année.

  • Si c’est pour gaspiller 40 milliards € en ronds points inutiles c’est absurde car cette masse d’argent pourrait servir à investir dans l’avenir pour créer des emplois et pour améliorer le bien être des citoyens. On mange notre pain blanc car lorsque le prix du pétrole va remonter, que l’euro va baisser encore un peu plus et que les taux d’intérêt vont monter cela va faire très mal.

  • L’état a besoin de sous et taxe le carburant, on peut comprendre. Mais les médias nous ont bassines ad nauseam surle diesel a moins de un euro, fin décembre. J’ai fait le plein hier : un euro et 6 centimes. Personne n’en parle. Nous prendrait on pour des billes ? C’est idiot, la réponse est dans la question.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Après les élections du 28 juillet 2024, Nicolas Maduro pense pouvoir rester au pouvoir malgré l’exil forcé de son opposant en Espagne. En dépit des critiques, rien de concret n’a été fait pour assurer la transparence des élections.

 

Même les États-Unis envoient des signaux contradictoires. La saisie, le 2 septembre, de l’avion du dictateur en République dominicaine par les États-Unis a semblé être une mesure concrète, bien que largement symbolique. Dans le même temps, le Trésor américain a délivré des licences à plus de di... Poursuivre la lecture

Si une part importante des vecteurs a été interceptée par le système israélien de défense antimissiles, le Hezbollah estime que l’opération de représailles a atteint son objectif, car l’une de ses fonctions était de démontrer sa capacité à frapper en profondeur le territoire d’Israël. Toutefois, le secrétaire général du Hezbollah a précisé que cette opération n’engageait que son organisation, laissant à l’appréciation discrétionnaire de l’Iran la décision de mener à son tour des frappes de rétorsion à la suite de l’assassinat sur son sol du l... Poursuivre la lecture

Contrepoints a publié le 8 août 2017 un article de Samuel Furfari intitulé « Venezuela : malédiction du pétrole ou du socialisme ? ». Sept ans plus tard, cet article est malheureusement toujours d’actualité. L’auteur l’a adapté pour prendre en compte les changements intervenus depuis, mais le même constat s’applique : la malédiction du socialisme perdure au Venezuela.

 

Les élections du 28 juillet rappellent le désastre économique que les politiques socialistes infligent au peuple vénézuélien. Depuis l’arrivée au pouvoir de... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles