Par Jean-Philippe Delsol.

Le député socialiste Yann Galut veut protéger les délateurs. Déjà , dans son rapport sur le projet de lutte contre la fraude fiscale déposé en 2013 il avait demandé d’inscrire dans la loi un amendement de M. Éric Bocquet qui avait pour objet de reconnaître et d’encadrer le recours aux informations transmises par des « aviseurs ».
L’amendement n’avait pas été retenu au motif qu’il était inutile d’inscrire dans la loi ce qui est déjà une pratique habituelle de l’administration ! M. Galut revient à la charge avec une proposition de loi pour protéger les lanceurs d’alerte au sein de leur entreprise et les rémunérer au regard du “dommage moral et financier” que subiraient ceux qu’ils glorifient comme des « héros citoyen… esseulés, sans moyens, sans protecteurs, sans accompagnement ». Le ministre de l’Économie paraît ouvert au projet qui pourrait permettre d’inciter à la dénonciation des fraudeurs fiscaux.
Les mots sont des armes. En parlant de signalement, en appelant lanceurs d’alerte ceux qui se livrent à de la délation, le projet semble presque sympathique ! Pourtant, la pratique relève de périodes noires que la mémoire a conservées. Surtout si sont désormais officiellement admises des dénonciations anonymes que la République avait voulu interdire dès la loi du 9 octobre 1789 par laquelle les procureurs du roi ou fiscaux étaient tenus de déclarer s’ils avaient un dénonciateur ou non à peine de nullité et, s’ils en avaient un, de donner ses coordonnées.
Malheureusement la pratique des dénonciations anonymes a longtemps perduré, ainsi qu’en témoignent régulièrement les décisions de justice qui en font état et les valident : Cassation chambre commerciale, 1er juin 2010 n° 09-16128, Cassation chambre criminelle, 28 juin 2006 n° 05-83.782 ou 3 octobre 2007 n° 06-82.317… Elle se poursuit peut-être encore en dépit de la demande formulée par Nicolas Sarkozy en 2007 pour l’interrompre.
Il avait déclaré :
« À quoi sert-il d’expliquer à nos enfants que Vichy, la collaboration, c’est une page sombre de notre histoire, et de tolérer des contrôles fiscaux sur une dénonciation anonyme, ou des enquêtes sur une dénonciation anonyme ? »
Mais il avait admis la délation ouverte :
« Si quelqu’un veut dénoncer, qu’il donne son nom et l’administration garantira son anonymat. »
D’ailleurs, une loi du 21 janvier 1995 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité avait déjà prévu la rémunération des indics dont un arrêté du 20 janvier 2006 précise comment en est fixé, discrétionnairement, le montant, et demande que l’identité de l’informateur soit conservée.
Pourtant, si la dénonciation anonyme relève d’une pratique vile et ignominieuse, la délation rémunérée n’est pas moins indigne. Et si les dispositions légales et réglementaires qui, par réalisme, permettent cette vilenie en matière de crimes et délits étaient généralisées, notamment en matière fiscale, l’esprit de la société française pourrait en pâtir.
Car lorsque la délation est encouragée, lorsque l’État en vient à demander à chacun de suspecter son voisin et de rapporter, lorsque chacun peut satisfaire ses petites jalousies en en obtenant un prix, le tissu social se délite. La méfiance s’instaure entre des individus isolés et une bureaucratie étatique qui gère la mesquinerie élevée en règle de comportement. À grande échelle, c’est ainsi que tous les pays totalitaires ont fonctionné de l’Union soviétique à la Chine en passant aujourd’hui par Cuba et la Corée du Nord, pour que la police soit partout, entre collègues et amis, comme dans les familles. Et pour autant la fraude fiscale n’en serait probablement pas mieux combattue. Au contraire peut-être, tant l’institution de cette surveillance populaire inciterait chacun au secret, tandis que les professionnels de la fraude fiscale, qui sont les vraies cibles à atteindre, sauraient s’organiser.
Et quand bien même ce serait un peu efficace, la fin ne justifie jamais les moyens, sauf détruire à terme l’objectif recherché. Ceux qui justifient le vol de listes de comptes bancaires occultes ou de documents quelconques, accusateurs de pratiques illégales, au prétexte, bien souvent utilisé, que ce n’est que justice de voler des voleurs, légitiment en même temps les fraudeurs qui réduisent leurs impôts versés à un État mauvais gestionnaire et négligent de leur argent.
Le meilleur moyen de réduire la fraude n’est pas de mettre la société sous contrôle généralisé, mais au contraire de la libérer de trop de dépenses et procédures inutiles et coûteuses. Face aux périls qui menacent notre société, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, tant au plan militaire et politique qu’au plan social et économique, plus que jamais le rôle des gouvernants est de favoriser la confiance plutôt que la défiance. De la confiance renaîtra naturellement la dynamique individuelle et sociale qui saura redonner force à notre pays.
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Lire sur Contrepoints notre dossier Fraude fiscale
“Le meilleur moyen de réduire la fraude n’est pas de mettre la société sous contrôle généralisé”
… mais de mettre l’état sous contrôle généralisé.
ils le joue vraiment petit ce ps ; car il va sans dire que la délation , si elle se fait , se fera à l’encontre des petites gens , petits entrepreneurs , et certainement pas au niveau des grandes fortunes ou même des zélus dont l’honnêteté laisse plus qu’à désirer …..ceci dit , je ne suis guère étonnée de ce type de proposition de la part de ce parti qui fout la merde à tout les niveaux parce qu’incapables de réformer le pays pour en réduire les problêmes ;
Le collectivisme mène toujours à la surveillance des membres de la communauté. En RDA, on encourageait les enfants à surveiller et dénoncer leur parents. François, le pétainiste des bacs à sable ne dérogera pas à la règle.
Nos adeptes du vivrensemble ne manquent pas d’idées lumineuses!
De plus, notre organisation sociale est devenue complexe: à côté de la fraude, il y a une multitude d’actions qui ne font que profiter de lois mal calibrées ou au contraire, votées pour assurer des avantages légaux mais illégitimes aux obligés de la République…
Thévenoud, “fraudeur” avéré, est toujours député. Andrieux, condamnée pour détournements de fonds, est toujours député.