Élections régionales : pour quoi vote-t-on ?

À quoi servent les régions ?

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Vote élections urne (Crédits JaHoVil, licence CC-BY-NC-SA 2.0), via Flickr.

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Élections régionales : pour quoi vote-t-on ?

Publié le 2 décembre 2015
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Les élections régionales de 2015 auront lieu les 6 et 13 décembre 2015. Elles donneront des mandats de six ans aux conseillers régionaux et présidents des 14 nouvelles régions du pays ainsi que l’assemblée de Corse, l’assemblée de Guyane et l’assemblée de Martinique. Pour quoi nous demande-t-on de voter ?

Par Victoria Melville

Vote élections urne (Crédits JaHoVil, licence CC-BY-NC-SA 2.0)
Vote élections urne (Crédits JaHoVil, licence CC-BY-NC-SA 2.0), via Flickr.

 

À quoi servent les régions ?

La création des régions françaises n’allait pas de soi. Elle a fait l’objet d’un référendum en 1969 en vue d’une modification constitutionnelle dont le résultat a été négatif. Les Français ne voyaient pas l’utilité d’un découpage régional du pays. Pourtant, dès 1972, des embryons de régions apparaissent et réunissent des élus et représentants d’autres collectivités (parlementaires du territoire, représentants des communes ou des conseils généraux). Ceux-ci ont vocation à financer des équipements d’intérêt régional à partir d’une tranche des taxes déjà en place – taxes locales (taxe d’habitation, taxe foncière et ex-taxe professionnelle devenue contribution économique territoriale et droits de mutation à titre onéreux), prélèvements sur les permis de construire et les cartes grises – ainsi que par l’emprunt.

Le rôle anecdotique des régions prend de l’ampleur par les vagues successives de décentralisation qui les ont dotées de compétences obligatoires préalablement assumées par l’État, du statut de collectivité territoriale et d’un exécutif indépendant de la préfecture de région et élu pour un mandat de quatre ans. Le premier acte de décentralisation, entre 1982 et 1983, voit l’attribution de la responsabilité de l’entretien et de la construction des lycées, de la formation professionnelle, de l’aménagement du territoire et du développement économique. À ces compétences obligatoires s’ajoute également un large panel de compétences facultatives que les régions s’auto-attribuent par la grâce de la clause générale de compétence inscrite dans la loi. C’est ainsi que le financement de tout un éventail d’événements plus ou moins culturels et touristiques revient notamment aux régions et qu’elles se targuent de développement durable ou de protection de la biodiversité.

Les compétences des régions s’étoffent en 2002 lorsqu’elles acquièrent la responsabilité des transports ferroviaires (loi SRU de 1997) et plus encore par l’acte II de la décentralisation entre 2002 et 2004. Celui-ci transfère aux régions la coûteuse responsabilité de l’employeur sur les personnels non-enseignants des lycées (et aux départements ceux des collèges) et instaure quelques gadgets comme le droit de pétition locale ainsi que la comique autonomie financière des collectivités territoriales.

Pour bien saisir la question de l’autonomie financière des collectivités, il convient de comprendre quelques notions de finances locales. Les collectivités territoriales disposent en France de trois modes de financement possibles : la fiscalité locale (communes, départements et régions fixent, dans les limites de la loi, le taux de prélèvement correspondant à la tranche destinée à leur collectivité sur les taxes locales et les DMTO), les dotations de l’État et l’emprunt. Ce dernier est en principe strictement réservé à l’investissement, le budget de fonctionnement devant être équilibré sous peine d’être réglé par le préfet. Au fur et à mesure des vagues de décentralisation, l’équilibre savant entre dotations et fiscalité locale a évolué en faveur des dotations (de fonctionnement, de décentralisation ou de péréquation), notamment du fait du transfert de la responsabilité des personnels d’entretien des établissements d’enseignement qui devait être compensé à l’euro près par l’État, au moins les premières années, au moyen de dotations de fonctionnement et de décentralisation. Ainsi, les régions n’ont guère en réalité, en guise d’autonomie financière, que le droit de répartir les sommes attribuées par l’État entre compétences obligatoires sur lesquelles elles n’ont pas vraiment de marge et compétences facultatives. L’autonomie financière est donc véritablement un leurre puisqu’elle n’existe que dans la dépense et quasiment pas dans les recettes. Il faut ainsi comprendre que les collectivités n’ont aucun intérêt à être économes puisque quoi qu’il arrive, leurs manquements sont compensés par l’emprunt, les dotations de fonctionnement ou, pis encore, les dotations de péréquation (des régions dites « riches » vers les régions en difficultés).

Les élections de 2015

Les dernières élections régionales se sont tenues en 2010. Les régions devaient donc être renouvelées en 2014. Cependant, les nombreux projets de réforme des collectivités ont eu pour résultat une prolongation d’autorité des mandats, d’abord jusqu’en mars 2015, du fait du projet avorté de fusionner les conseillers généraux et régionaux en conseillers territoriaux, puis jusqu’à décembre 2015 pour permettre l’acte III de la décentralisation, ayant pour conséquence la réduction du nombre de régions métropolitaines à 14 au lieu des 22 précédentes. Ne revenons pas sur les polémiques qui accompagnent ce redécoupage mais soulignons toutefois les incertitudes que les fusions engendrent sur les équilibres partisans et les doutes des électeurs sur les prétendues économies que le dispositif aurait vocation à engendrer.

Les conseillers régionaux sont élus au suffrage universel pour un mandat de six ans (autrefois quatre ans) selon un scrutin proportionnel par liste à deux tours mais la répartition des sièges, une fois les bulletins dépouillés, introduit une dose de scrutin majoritaire. En effet, la liste ayant remporté le plus de suffrages se verra d’office attribuer 25% des sièges de l’assemblée afin d’assurer une majorité à celle-ci. Il faut donc savoir que selon pour qui vous votez, votre voix n’aura pas le même poids.

Pour se maintenir au second tour, une liste doit recueillir 10% des voix, une limite très basse qui devait garantir de fait aux deux grands partis, PS et LR, la possibilité de se répartir les régions. C’était naturellement sans compter la progression spectaculaire qui Front national qui ne se contentera pas cette fois-ci de jouer les arbitres mais pourrait bien remporter un nombre important de régions, d’autant que les tragiques attentats auront certainement un effet important sur la participation, phénomène que les instituts de sondage ont bien du mal à anticiper, à quelques jours du premier tour.

On vous rabâche à longueur de spots radio et de sites internet niais qu’il faut absolument aller voter le week-end prochain pour élire votre conseil régional alors même qu’une part appréciable d’entre vous ignore véritablement les missions et le fonctionnement de la région, tout comme des multiples strates du mille-feuille administratif français d’ailleurs. Or il est absolument essentiel de savoir pour quoi l’on vote. Il faut le savoir, nous voterons ici pour élire des conseillers régionaux dont les Français ne voulaient pas, dont la durée des mandats est incertaine, selon un nouveau découpage qui, de l’aveu même de certains présidents actuels de région, n’économisera pas un sou, et pour leur donner des compétences dont on peine à comprendre pourquoi elles sont attribuées aux régions, plutôt qu’aux départements et vice-versa, ou pas du tout attribuées d’ailleurs, tout en sachant que nous ne pouvons pas vraiment savoir quel poids notre bulletin aura dans la répartition finale des sièges. Voilà une étrange manière de concevoir la démocratie, ne trouvez-vous pas ? Voulez-vous vraiment voter dans des conditions pareilles ?


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  • je m’abstiendrai bien, mais par égard à ceux qui tiennent les bureaux de vote, je vais aller voter blanc ?

    • @ beizh

      Bravo le Breton! Mas le vote est secret et vous avez le droit de changer d’avis au dernier moment.

      Cet article ne donne pas, à mon avis, la vraie explication de l’existence, maintenant, de vastes régions qui commencent, par leurs pouvoirs et l’étendue de leurs décisions de ridiculiser doucement les velléités des départements, lesquelles sont d’ores et déjà les sacrifiés du « mille feuilles ».

      Ensuite, ces régions seront des « interlocuteurs » valables du pays « France » réel.

      Enfin, ce la « dégraisse » en partie, le pouvoir central de Paris.

      À votre avis qui a envie de cela? La réponse me parait pourtant claire!

      * Changer les mentalités en amenant les décideurs à négocier avec d’autres que les habituels
      * Diminuer le pouvoir central.
      * N’avoir que des zones suffisamment étendues comme interlocuteurs.
      * Décentraliser une partie du pouvoir central pour le faire gérer par ces entités.
      * Avoir comme interlocuteurs des responsables de régions plutôt que des chefs d’état ou de gouvernement
      * Changer la donne en diminuant la fraction nationale et en augmentant l’importance de la fraction régionale

      Franchement, à votre avis, qui a envie de tout cela si ce n’est l’Union Européenne , fatiguée de ces zones prospères et modernes opposées à d’autres tenues par un système rural familial de fermes en difficulté, mais toutes représentées par un seul et unique « chef d’état ou de gouvernement » obnubilé uniquement par ses résultats ou ceux de sa majorité au prochain scrutin électoral!

      C’est bien à cause de ceux-là, jamais d’accord, sauf parfois, à 4 ou 5 heures du matin, de guerre lasse, sur une solution minimaliste de principe, que l’Union Européenne n’est jamais préparée pour l’événement qui arrive, sans qu’une mesure d’ensemble soit déjà prévue!

      Par contre, des régions de la taille d’un « Land » (Ben oui, vous croyez que ça vient d’où et de qui?) peut lui s’exprimer de façon claire, en + et en -, pour sa région. Il y a une opposition claire entre une U.E. , masse significative de 500 millions de consommateurs face aux autres « blocs » du monde et les exportateurs de toute région se doivent d’être aidées en « club »!

      Il est clair que « particularisme français », lié à sa velléité « nationaliste » ne sera pas le dénominateur commun dans l’Union Européenne: de ce côté, le Gaullisme est mort avec l’entrée du Royaume-Uni dans l’Union, ce qu’il n’aurait jamais accepté mais Lui, était lucide et cohérent!

      J’observe que les « Valeurs Républicaines » restent plus attachées à un système majoritaire et que la démocratique proportionnelle n’est toujours pas de mise, en France, ce qui explique que le nombre de cocufiés par le pouvoir prévaut: malhonnête!

      • Mikylux
        Vous imaginez le régionalisme essentiellement sous un angle de vecteur d’opposition au pouvoir central français.
        Je pense qu’un véritable régionalisme devrait être examiné comme une avancée démocratique destinée à permettre à un ensemble économique de pouvoir se développer en prenant en compte des spécificités régionales.
        Actuellement, les français ont le sentiment que tout ce qui touche à l’économie, et qui donc impacte de quotidien de tout un chacun, est le résultat de décisions prises à un niveau inaccessible – c’est à dire à un niveau national ou au niveau des instances de la CEE – Pour beaucoup d’entre nous, la régression économique de notre pays, notamment au niveau industriel est le résultat de décisions inadaptées prises par des « technicien » – énarques pour la plupart – Des décisions prises sans aucun consens des populations concernées.
        Dans la réalité de la « réforme régionale » de Monsieur Hollande, les élections régionales ne sont que l’antichambre de l’élection de 2017. Une imposture de plus …

  • Le prinicipal enjeu de ces élections c’est l’attribution au FN d’un tremplin pour 2017: une tribune, des financements et d’autres avantages moins palpables mais importants. Une (ou deux) Le Pen présidentes de région, c’est un coup de booster pour les militants.

  • Victoria pointe du doigt quelques-uns des vices du mode de scrutin pour les régionales. D’autres méritent pourtant qu’on les mentionnent: au premier chef les listes ordonnées avec alternance sexuelle, par section départementale; une très illusoire faculté de fusion (à régler en 48 heures) entre les deux tours; une répartition des sièges au plus fort reste selon un mécanisme tel que des « rattrapages » sont prévus pour permettre à chaque section départementale d’avoir au moins quatre conseillers pour les sections départementales de plus de 100000 habitants, ou deux conseillers si elles en ont moins de 100000.
    Et en cas d’égalité des voix (on prévoit tout!), c’est la liste à la plus forte moyenne d’âge qui emporte le siège en balance… Peu de gens ayant les moyens de vérifier le calcul, autant économiser le vote et surtout le second tour (dans une prétendue proportionnelle)! D’ailleurs plus de la moitié des électeurs ont compris qu’il est inutile de se déplacer.

  • Les régions, version française, ne constituent qu’une couche administrative ayant une partie des compétences de l’administration étatique française.
    Le véritable régionalisme ne peut être constitué que par des entités relativement autonomes ayant des compétences et des pouvoirs au niveau économique et fiscal.
    Le modèle vers lequel il faudrait tendre et celui des Landers de l’Allemagne Fédérale qui, de fait, sont en concurrence les uns avec les autres pour offrir les meilleurs conditions du développement économique notamment au niveau industriel.
    Tendre vers le modèle des Landers Allemands impliquerait que la France devienne un état fédéral….et une remise à plat des enseignements jacobins ENA et autres….même pas en rêve !.

  • Je ne voterai pas, pas de déplacement.
    Ainsi, j’appuie leur illégitimité et accélère leur inscription chez paul.

  • pffff 55% de non votant, ça n’a aucun intérêt ça ne reflète rien et au lendemain ils se gargariseront tous d’avoir gagnés,nos impôts et combien toucheront ‘ il encore , je veux même pas le savoir tellement c’est hallucinant.
    Ce pays est foutu et n’aspire a être qu’une chose le pays des soviet mais qu’ils prennent garde le retour de battons est écrit dans l’histoire ….il mettra du temps mais il arrivera.

  • « un nouveau découpage qui, de l’aveu même de certains présidents actuels de région, n’économisera pas un sou, et pour leur donner des compétences dont on peine à comprendre pourquoi elles sont attribuées aux régions, plutôt qu’aux départements et vice-versa »

    Voilà bien le problème. Cette réforme des Régions est bâclée et obéit à des intérêts électoraux de court terme.
    Aucune vision d’ampleur, aucune structuration claire des compétences des uns et des autres.
    Et tout ça dans la plus grande opacité.

    On prétend décentraliser et se tourner vers le modèle allemand mais cette réforme et les découpages régionaux (ainsi que le Grand Paris) sont annoncés sans aucune concertation dans la plus pure tradition jacobine.

    J’ajoute que le fameux modèle allemand (dont Félix ici vante les mérites) est difficilement transposable en France, en raison, notamment des points suivants :
    La France est un vieil Etat centralisateur – l’Allemagne un pays récent et fédéral
    La France a un territoire beaucoup plus étendu que celui de l’Allemagne (551 000 km² vs 357 000 !!!)
    La France a un relatif dynamisme démographique alors que l’Allemagne a un déclin catastrophique.

  • je ne voulais pas voter, mais finalement je pense voter pour 100%citoyen au premier tour.
    Je n’irais pas voter si ils ne sont pas au 2nd tour.
    Il y a des nouvelles listes que je ne connaissais pas, je me suis renseignée. J’ai vu l’UPR (et j’ai failli vomir) dont le slogan est le parti qui grimpe malgré le silence des médias. J’espère surtout qu’il restera inconnu. Il y a Nicolas dupont aignant qui grossi pas mal vers chez moi et pique des votes au FN.
    Rien de bien nouveau ni révolutionnaire ni interessant, mis à part 100% citoyen associé au Parti libéral démocrate, donc pourquoi pas aller leur donner une voix même si avec ce système de 25% au gagnant ça ne servira pas a grand chose

  • À quoi servent les régions ?

    A rien/à nourrir une classe de parasites.

  • A quoi servent les régions ?

    A gaspiller le pognon du contribuable en achetant une clientèle électorale afin de justifier leurs propres existences.

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