Communales 2015 au Maroc : quelle représentativité féminine ?

Alors qu’elles constituent plus de la moitié de l’électorat, les Marocaines n’occupent qu’une place restreinte parmi les élus.

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Communales 2015 au Maroc : quelle représentativité féminine ?

Publié le 17 novembre 2015
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Par Siham Mengad.

Drapeau Maroc (image libre de droits)

Renforcées par le quota d’un tiers au niveau de la vice-présidence et au niveau des membres du conseil régional, les femmes ont remporté 6.673 sièges lors des élections communales et régionales du 4 septembre dernier, soit presque le double du nombre de sièges décrochés lors du scrutin de 2009. Un chiffre qui en dit beaucoup mais rapporte peu car la représentativité féminine au sein de la société et des instances politiques demeure insuffisante.

Cette progression des femmes marque l’importance et la portée inédite de leur rôle dans le processus démocratique au Maroc. Alors même qu’elles constituent un peu plus de la moitié de l’électorat, les Marocaines n’occupent qu’une place restreinte parmi l’ensemble des élus au niveau national comme au niveau local. Les carences de la démocratie marocaine en la matière, constituent un véritable obstacle à l’intégration des femmes dans le champ politique et à l’établissement d’une citoyenneté égale pour toutes et tous.

En effet, durant l’ensemble des échéances électorales, le taux de féminisation des candidatures n’a pas dépassé 2,1 %, soit 72 femmes candidates sur un total de 3 288 candidats. C’est grâce à un long travail de plaidoyer et de lobbying mené par plusieurs associations féminines, que l’idée d’adopter quelques mesures volontaristes susceptibles d’améliorer la représentation politique des femmes a fait son chemin dans le champ politique marocain.

Au niveau communal, malgré leur majorité en nombre et leur capacité de mobilisation en politique, les femmes ne sont pas représentées dans les instances de décision. Lors du scrutin communal du 4 septembre 2015, plusieurs mesures ont été prises pour améliorer la représentativité féminine au sein des élections communales et régionales, mais les résultats ont été décevants. L’application,  dans certaines communes, d’un taux de 27% comme seuil minimal était en deçà de ce que prévoit le principe de la parité inscrit dans l’article 19 de la Constitution et confirmé dans les articles 30 et 146.

L’absence d’une réelle représentativité politique féminine au Maroc est due à un ensemble de facteurs. Il s’agit des pesanteurs socioculturelles enracinées dans certains partis politiques. Telle que l’image faussée de l’incapacité de la femme à s’engager dans le travail politique.

Aussi, la scolarisation des filles, et l’accès à l’éducation constituent un tremplin important favorisant l’investissement personnel de la femme, et la possibilité de se construire un avenir en dehors des rôles socialement attribués. La scolarité des filles permet la disponibilité de gisement suffisant pour puiser les bonnes candidates. Malheureusement, la scolarisation des filles a accumulé beaucoup de retard handicapant l’émergence d’une élite politique féminine.

Dans une autre mesure, le népotisme, le clientélisme, le verrouillage du système politique et les méthodes d’exclusion au sein des partis, sont autant de facteurs qui accentuent la problématique de la représentativité féminine. Lorsque les femmes accèdent à des sièges, elles sont exclues de postes de haute responsabilité. La raison principale en est le maintien, dans les mentalités traditionnelles, de l’idée que la politique est une affaire d’hommes.

Aucun changement social ne s’est produit dans la sphère privée où la coresponsabilité continue à être une utopie et où les femmes se voient obligées de conjuguer leur profession avec leurs responsabilités familiales. Les femmes engagées politiquement n’ont pas été suffisamment soutenues, ni mises en avant par leurs partis. Ces derniers se défendent en mettant en avant l’argument selon lequel les femmes ne souhaitent pas vraiment s’engager politiquement ou ne sont pas suffisamment formées. Mais ils continuent à faire de l’émancipation féminine, un thème de mobilisation. Bien que la majorité des partis possèdent des comités de femmes, ils n’ont pas favorisé une prise en compte réelle des revendications propres aux femmes.

Une forme de tutelle sur la  femme s’est établie au sein des partis politiques. Une fois de plus, la conception culturelle des relations hommes-femmes intervient dans ce milieu ; le parti fait en sorte que la femme perçoive son rôle comme étant prédéterminé au sein du parti et celui-ci ne s’établit pas en termes d’égalité. Le rôle des femmes est souvent réduit à celui d’un simple appui.

Par ailleurs, on assiste à une absence de prise en compte des questions de genre au moment des élections et durant la période pré-électorale, et lors de l’élaboration des programmes électoraux. Pour la majorité des partis politiques, la problématique de la femme est perçue exclusivement à partir d’une optique sociale, ce qui signifie que l’on ne s’engage pas dans une vision globale du problème. En outre, les partis les plus conservateurs soulignent l’importance de la famille comme structure de base de la société et le rôle de la femme comme éducatrice et formatrice des nouvelles générations.

Enfin, la mise en place d’un seul quota sans qu’il y ait un travail de qualification en amont créera une rente «  genre » profitant aux femmes qui ont du relationnel, ce qui sera au détriment de la qualité des femmes-candidates. Certains partis politiques donnent l’occasion à des femmes incompétentes de se présenter aux élections au détriment des femmes militantes car ils ne s’ouvrent pas assez sur les femmes. Ils ne les sollicitent qu’au moment des élections comme rabatteuses de voix. C’est ainsi que la femme élue est souvent perçue comme une personne qui a accédé aux instances électives non pas par ses compétences mais par ses ruses et ses alibis.

Les femmes vont d’un parti à un autre cherchant leur place. Elles mènent la campagne mais on leur refuse des sièges. Ce subterfuge est un moyen mis entre les mains des hommes afin de nuire à l’image de la femme et de montrer qu’elle est incapable de gérer la chose publique et éviter ainsi toute concurrence de sa part. Par ailleurs, les femmes, elles-mêmes, contribuent à ancrer cette image en transférant des comportements et des pratiques traditionnellement féminines dans la sphère du pouvoir, lieu sérieux et autoritaire.

Si l’instauration des quotas pour les femmes dans les listes des candidatures aux élections a joué un rôle important dans l’accession de certaines d’entre elles à la sphère du pouvoir et dans l’augmentation de leur représentation, il a joué considérablement en leur défaveur dans la mesure où les femmes ne sont pas réellement valorisées pour leur rôle de leader. Elles sont souvent vues comme représentantes pour respecter une règle politique imposée.

  • Siham Mengad est docteur en droit public.

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