Que sont devenues les études de médecine ?

À la veille d’un Black Friday des blouses blanches, le Docteur Bernard Kron témoigne, avec une certaine nostalgie, de l’évolution des études de médecine.

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Que sont devenues les études de médecine ?

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Publié le 12 novembre 2015
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À la veille d’un « Black Friday » des blouses blanches, le Docteur Bernard Kron témoigne, avec une certaine nostalgie, de l’évolution des études de médecine.

Par Bernard Kron

Médecin (crédits Alex Proimos, licence Creative Commons)
Médecin (crédits Alex Proimos, licence Creative Commons)

 

Les médecins se dressent contre l’étatisation de la médecine qui est en marche avec la Loi Santé. Parallèlement s’engage un début de réforme du troisième cycle qui ne va pas dans le bon sens. Il faudrait en effet refonder tout l’édifice depuis la base.

Je voudrais pour ce faire revenir sur l’époque des concours élitistes, en particulier de l’Internat des hôpitaux. On pouvait le passer dès la réussite de celui de l’Externat permettant d’être nommé dès la cinquième année de médecine.

Les gardes étaient fréquentes, de l’ordre de deux à trois par semaine avec un réel bénéfice formateur. On y était responsable de l’accueil, du diagnostic et des soins que l’on pensait être capable de faire sous condition qu’une anesthésie générale ne soit pas nécessaire. La petite chirurgie n’avait plus de secrets au bout de quelques mois mais les nuits sans sommeil étaient fréquentes.

En cas d’anesthésie générale, la présence du chef-de-clinique était obligatoire. Très compétents, ils nous formaient en nous laissant opérer sous leur direction. Ces gardes furent souvent des premières chirurgicales.

L’apprentissage

On vivait quasiment à plein temps à l’hôpital dans un milieu fermé, monde clos qui allait former notre propre univers pendant plus de dix ans. Les salles de gardes nous apparaissaient comme un lieu magique, amical, ludique et hors du temps. Certaines étaient décorées de fresques évocatrices encore célèbres de nos jours. On y partageait entre nous, à l’abri du monde extérieur, une vie d’échanges. Mais dès que le téléphone sonnait, l’un d’entre nous repartait vers le monde des malades et de la douleur.

Les services n’étaient pas encore spécialisés à cette époque et comportaient en moyenne une centaine de lits. Les urgences étaient nombreuses et variées. Une fois la confiance acquise, le patron nous laissait rapidement opérer après nous avoir observés en nous lâchant dans l’arène pour une première appendicite ou une hernie mais toujours aidé par un senior.

Les complications postopératoires n’étaient pas très fréquentes et ne surprenaient pas les patients car on était encore pour quelques temps un peu des magiciens. Il n’y avait de leur part aucune plainte, sauf lors de fautes réelles et avérées, ce qui était quand-même très rare.

Aider le patron pour une opération était un honneur. Souvent, nous avions alors la responsabilité des nœuds pour l’hémostase des vaisseaux et de la suture finale de l’incision sous son contrôle et ses conseils.

Le grand jour était celui de la première « grosse intervention ». Je me souviens encore de ma première gastrectomie, sous la direction du professeur Robert Aurousseau qui fut mon chef de service à l’hôpital Boucicaut en troisième année d’Internat (1967). L’angoisse de tout interne était de réussir correctement cette toute première intervention, ce qui fut le cas.

Certaines interventions lourdes et complexes sont en effet rarement pratiquées. Il faut parfois attendre des années avant d’en avoir l’opportunité et c’est de là que naîtra peu à peu l’évolution vers l’ultra spécialisation.

L’évolution actuelle

Cette époque est révolue et nombre d’Internes finissent leur Internat sans avoir fait ce type de chirurgie. Le compagnonnage en salle d’opération, base de la formation est peu à peu remplacé par les simulateurs, les mannequins et l’apprentissage sur l’animal. La chirurgie viscérale n’est plus la voie royale que j’ai connue. Elle devient avec la robotique de plus en plus ultra spécialisée.

La robotique, l’ultra spécialisation et la formation de plus en plus tardive (j’avais 29 ans le jour de mon installation en clinique) pose donc avec acuité la question que je décris dans mon livre Chirurgie chronique d’une mort programmée : « Serons-nous soignés demain ? »

Il faut ainsi peut-être revenir en arrière pour certaines spécialités et revoir de fond en comble les études de médecine.

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  • Bien au contraire, la sur-spécialisation précoce tire la qualité vers le haut. La chirurgie est de plus en plus complexe, s’agissant en particulier du matériel , des bilans pré-opératoires, de la nécessité de décider à plusieurs médecins ou chirurgiens en réunions de concertation. En tant que gynécologue-obstétricien en milieu de carrière, je suis toujours surpris de constater que des confrères âgés de la soixantaine continuent l’échographie + la chirurgie fonctionnelle + la chirurgie carcinologique + la prise en charge de l’infertilité + l’obstétrique, le tout en solo, sans s’investir dans les réunions de concertation, sans dispositif d’annonce en cancérologie ou diagnostic anténatal, bien entendu avec un bonheur et une réussite fort variables.

  • Nous connaissons la simulation en aéronautique depuis quelques décennies. Parallèlement, la plupart des tâches sont devenues procédurales, le milieu devenant de plus en plus « aseptisé » des menaces que l’on rencontrait par le passé. Il n’empêche qu’il faut toujours au minimum un dizaine d’années de copilote pour passer en place Captain… avec les mêmes qualifications. La différence se situe entre le savoir-faire et le savoir-agir. Le savoir-agir ne peut s’enseigner avec un simulateur, il est au contexte ce que le savoir faire est à la situation : c’est la gestion de la complexité, des impondérables, des signaux faibles…Ensuite, ce sont les approches probabilistes qui valident les évolutions. En aérien, cela ne se passe pas trop mal, mais on commence à percevoir certains signaux inquiétants dans l’acquisition de certaines bases.

    • bonsoir michel

      Je pense que les médecins ont bcp à apprendre des pilotes, retour d’incidents, protocoles, check-list ect..

      Si les pilotes d’avion étaient formés comme les médecins, nombreux seraient les avions qui auraient des accidents, surtout le week-end.

      La différence avec les pilotes c’est que si décision thérapeutique se passent mal, les médecins ne sont pas parmi les victimes.

      • Il existe une également une autre différence importante entre ces deux métiers. Dans le milieu aérien nous considérons que l’erreur est « normale », elle fait partie du paysage et n’est pas sanctionnée. Cela nous permet, après les avoir accepté, de travailler dessus, de les anticiper, avec des formations efficaces peuvent diviser le nombre d’erreurs par 2 facilement, et même plus. Ces programmes sont repris par le milieu médical chez les anglo-saxons avec succès. C’est une approche très pragmatique qui vise les vulnérabilités humaines.

        • Merci pour ces commentaires:
          La check list est en route, mais les EIG restent nombreux
          La loi santé de 2002 HSPT 2011et Santé 2015 au lieu de protéger les patients vont entrainer une baisse de la qualité car les situations chirurgicales ne sont pas codifiables et la formation dure 14 ans au moins.
          Il faudrait la commencer plus tôt comme pour les pilotes certes!
          Le corps humain n’est pas un avion et ce n’est pas « l’équipage et le robot qui opère, mais un homme!
          Tout est décrit dans mon livre Chirurgie…….

      • « La différence avec les pilotes c’est que si décision thérapeutique se passent mal, les médecins ne sont pas parmi les victimes. »
        J’hallucine… et le taux de suicide de médecins ? l’espérance de vie du médecin ?

        Vous croyez que l’on sort indemne d’une erreur !
        Vous croyez qu’il n’y a pas de protocoles ?
        Vous vous pensez en avion ?… comparer un avion à un humain ! bof !
        Bonjour les clichés avec le WE. C’est vrai d’un coup le WE on devient tous moins bons. Le vendredi soir quand je m’endors, je me dis : « allez demain je me fais 2 à 3 conneries, histoire de changer un peu le train-train !  »
        Cool.

        • Bonjour ours interrogatif.

          Je vous laisse halluciner, mais il est vrai que si un accident d’avion arrive le ilote est en première ligne. Je ne dis pas que les médecins s’en foutent ou qu’ils n’ont pas de burn-out, mais la différence est de taille.

  • Il faut aussi se faire une raison: l’interne est devenu, à l’image de sa génération, un glandeur…

    Mon épouse, ex chef de clinique à Necker, est atterrée par ce qu’elle constate dans son exercice quotidien…

    Et moi aussi!!! 🙂

    • « Il faut aussi se faire une raison: l’interne est devenu, à l’image de sa génération, un glandeur… »
      Certains vont apprécier ! J’ai du avoir de la chance avec mes internes.

      Peut être que la jeune génération ne souhaite plus l’exploitation outrancière qu’il y a eu par le passé ou plutôt faire moins de connerie (surtout le WE visiblement !).
      Car faire une semaine de garde d’affilée comme je l’ai connu, non seulement c’était délirant (garde SAMU je précise), mais en plus dangereux ! On était moins nombreux et on n’avait pas trop le choix !

      • L’éternel débat du « c’était mieux avant » …
        La surspecialisation est nécessaire pour augmenter la sécurité et l’efficacité des chirurgiens, n’en déplaise aux anciens !
        D’ailleurs, comment expliquer pourquoi les chirurgiens deviennent de plus en plus sur spécialisés sinon ?
        Et la comparaison des chirurgiens avec les pilotes me fais doucement rigoler car justement le chirurgien doit faire face à ses responsabilités si le patient meurt alors que le pilote ne sera plus là pour répondre de ses actes ! La différence est effectivement de taille !
        Les internes sont des glandeurs…j’entendais déjà cette critique quand j’étais interne, et les internes de la génération précédente aussi… Des glandeurs qui bossent du lundi au samedi matin avec en général une garde ou une astreinte dans la semaine, le tout pour 1500-2000 euros par mois sans aucune reconnaissance du personnel hospitalier avec qui ils travaillent…j’ai connu pire glandeurs !

      • l’Ours est un animal plein de bon sens.
        Il est dommage que ce débat devienne polémique
        Sans les internes l’hôpital serait paralysé.
        Je ne dis pas que c’était mieux avant:
        Je dis que par le passé on formait les Internes plus tôt et que l’o était respecté par les prersonnels
        Je ne fais aucune promotion mais défend la corporation des Chirurgiens sacrifiée par le monde politique sur l’hôtel électoral

  • Je craignais que l’Académie nationale de chirurgie ne fût un repaire de réactionnaires retraités : votre article en est malheureusement un élément de forte présomption. Je regrette que Contrepoints soit le lieu de vos épanchements verbeux rétrogrades et de la promotion de votre livre ad nauseam. Ne préféreriez-vous pas écrire dans la section blog du Figaro, FigaroVox?

  • Sans vouloir vous fâcher Je trouve personnellement votre texte intéressant mais assez passéiste et il ne correspond plus à la réalité des Choses Mais en effet peut être faut il le plus tôt possible apprendre la pratique qui est minime et non évaluée lors du 2ème cycle. Nous sommes bien formés sur un plan théorique mais pas assez sur tous les petits gestes qui rendent très vite service aux gens: pourquoi ne pas commencer par une formation de secouriste en 2ème année par ex et assez vite de la psycho
    il faut en effet revoir nos études à la base, la formation des généralistes( il semblerait que celà progresse?); le cursus en spécialités est assez bien fait : Martin Winckler disait que les études médicales étaient faites par des spécialistes pour de futurs spécialistes.
    Fin du fin : reprendre la formation et la nomination de nos élites médicales qui décident de tout et surtout de rien!

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