Un problème à la Direction du Trésor à Bercy ?

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Ministère des Finances à Bercy (Crédits : Pline, licence CC-BY-SA 3.0), via Wikimedia.

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Un problème à la Direction du Trésor à Bercy ?

Publié le 19 mai 2015
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La direction du Trésor au ministère des Finances a été traditionnellement considérée comme la division la plus estimée de Bercy, par la qualité des études qu’elle publiait autant que par son influence sur la politique économique de la France.
Son directeur, Ramon Fernandez, a été remplacé fin 2014 par Bruno Bézard, polytechnicien, major de l’ENA, sorti comme Fernandez à l’Inspection des finances.

Par Bernard Zimmern.

Ministère des Finances à Bercy (Crédits : Pline, licence CC-BY-SA 3.0), via Wikimedia.
Ministère des Finances à Bercy (Crédits : Pline, licence CC-BY-SA 3.0), via Wikimedia.

L’étude n° 147 Trésor-Eco de mai 2015 intitulée « Inégalités, pauvreté et mobilité sociale aux USA : un enjeu économique et social d’envergure » nous laisse nous demander si l’information économique de cette direction ne traduit pas un problème au sein de cette importante direction de Bercy.

C’est d’abord le niveau d’information des auteurs de cette note qui suscite l’inquiétude : ils notent en effet qu’il y a eu une augmentation du niveau des inégalités aux USA depuis les années 1980, mais dès le départ, ils ne se sont pas demandé si cette augmentation était bonne ou mauvaise, la considérant a priori comme mauvaise et la reliant, comme si le lien était évident, à d’autres évolutions constatées aux USA.

Il se trouve que comme nous l’avons montré dans nos études antérieures, cette augmentation est BONNE, son principal ressort étant le développement de succès entrepreneuriaux. C’est cette augmentation qui manque à la France et dont l’absence peut expliquer un chômage croissant.

L’augmentation des inégalités aux USA est essentiellement liée au succès d’entrepreneurs devenus très riches. Cela se voit statistiquement sur la fortune des milliardaires américains de l’enquête annuelle Forbes ; ils ont vu leur fortune mondiale multipliée de 1983 à 2010 par un coefficient compris en 4 et 10[1] alors que le revenu moyen américain augmentait environ 3 fois moins vite.

Mais cela se voit aussi sur le 1%, une population beaucoup plus étendue que les 400 milliardaires de cette série Forbes, qui ne représentent que 0,0001 à 0,0002% de la population. Grâce à l’enquête Survey of Consumer Finance de la Federal Reserve, la Banque fédérale américaine, on peut voir qu’environ 80% de l’énorme accroissement de fortune du fameux 1% des plus fortunés, étaient dus à l’accroissement de leur patrimoine industriel et, notamment à la valeur prise par des petites entreprises dont le 1% est actionnaire et gérant. L’un des commentateurs de cette enquête, cité par le Trésor, E .Wolff, a été effaré de découvrir que 74% du 1% des individus les plus riches possédaient leurs entreprises.

Si le Trésor avait regardé les travaux d’Arthur B. Kennickell, le meilleur spécialiste des enquêtes SCF, cela lui aurait probablement évité de répéter l’une des âneries reprise de Thomas Piketty qui voudrait que l’augmentation des inégalités de revenu du 1% le plus riche soit dû à la hausse des hauts salaires.

Ce cliché facile ne résiste pas à l’analyse de Kennickell, dont les statistiques montrent que, si les salaires constituent en effet une part en hausse pour la plus grande partie des américains, cela n’est pas vrai pour le 1% qui tire les augmentations de ses revenus de l’augmentation de son patrimoine industriel.[2]

Le reste de l’article incite à se demander s’il s’agit d’une légèreté dans le travail des analystes ou si ce travail est moins le résultat d’une recherche scientifique que de statistiques mises au service d’une idéologie.

Il est en effet frappant de les voir ressortir la pauvreté relative comme mesure de la pauvreté aux USA alors que les USA sont l’un des rares pays à utiliser la pauvreté absolue.

La pauvreté relative est simplement la mesure du pourcentage de la population dont le revenu serait inférieur à 50% du revenu médian. La pauvreté absolue est la mesure du pourcentage de la population qui ne pourrait couvrir avec un tiers de ses revenus le prix d’un panier de marchandises déterminé.

Avec la pauvreté relative, lorsque le revenu de la population croît, croît également le revenu médian et donc le seuil de pauvreté relative.

Nous avions vu ainsi dès 1995 une étude montrer que le taux de pauvreté relative du Bangladesh plus faible que le taux de pauvreté relative des USA.

Le taux de pauvreté absolue évite de telles énormités. Il est donc assez inquiétant de voir page 4 le Trésor rappeler ces deux définitions mais donner comme justification apparente la publication de la pauvreté relative le fait que la pauvreté absolue ne serait pas une mesure comparable internationalement alors qu’elle est une bien meilleure mesure d’une évolution de la pauvreté.
La pauvreté absolue américaine a considérablement baissé puisqu’elle est passée de 23% en 1960 à 15% en 2010. A noter également que seulement un tiers de ceux qui sont considérés comme pauvres un mois donné y restent toute l’année. Pauvreté comme richesse sont des situations le plus souvent transitoires.

Nous n’avons pas eu le temps de vérifier d’autres statistiques données par le Trésor telle que la mobilité sociale.
Mais à la lumière de ces quelques remarques, on peut se demander si l’objectif du Trésor n’est pas ne nous convaincre indirectement que les USA, avec des inégalités qui augmentent, sont le pays à ne pas imiter et qu’il faut être heureux d’être en France, puisque notre indice d’inégalité est beaucoup plus faible que celui des Etats-Unis et surtout n’a pas bougé.

Se pourrait-il que le Trésor ait raté la seule conclusion valable ? Que, si précisément nous avons un chômage qui est au moins double de celui des USA et un revenu par tête qui sombre, ce serait parce que nous n’avons plus assez de riches dans le 1% des plus fortunés qui investissent dans l’industrie, plus assez de personnes privées qui prennent des risques en créant des entreprises et des emplois ? Les auteurs de cet article font-ils en fait la publicité d’un système étatique dont vit la direction du Trésor mais dont nous sommes en train de payer l’effondrement ?

Rappelons que vous êtes invités le 15 juin de 17 heures à 20 heures à la Maison de la Chimie pour un colloque « L’imposture Piketty : les riches sont-ils le problème ou la solution ? »
https://www.weezevent.com/imposture-piketty

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  • Ramon Fernandez n’est pas sorti à l’Inspection des Finances. Sinon Bruno Bézard est ancien conseiller de Lionel Jospin, ce qui peut expliquer le sujet et la finalité de l’étude. Pour le reste, les jeunes auteurs de l’étude ne font il me semble que régurgiter le discours ambiant.

  • Faute de progresser, on bidouille les statistiques et on dénigre les autres. Suffisance française…

  • On démontre sans effort particulier l’incompétence naturelle de l’Etat nonobstant les compétences spécifiques de ses meilleurs experts. Mais quand, en plus, ces experts sont des abrutis dogmatiques, on comprend que la fin est proche.

  • Est-il normal que de tels études émanent de la direction du trésor français ?
    Existe-t-il des organismes plus indépendant des administrations (qui réclament ce genre d’analyse pour en fait s’auto satisfaire) ?

    • Effectivement, de quel droit, à quel titre, à la suite de quel vote démocratique nos impôts sont-ils détournés pour financer ce genre d’activités illégitimes, gabegies manifestes ?

    • C’était de fait ma propre réaction instinctive et instantanée : de quoi le Trésor se mêle-t-il ?
      Les (hauts ou futurs hauts) fonctionnaires du Trésor n’ont rien de plus intelligent à faire, et surtout, plus en rapport avec les missions régaliennes du Trésor ?

      La Fortune rend fous ceux qu’Elle veut perdre.

  • Il fait bon vivre aux US à condition d’y naître riche.

    • Tout comme en … fRance … ❗

    • Il fait bon vivre partout quand on naît riche. Mais aux US, si l’on ne naît pas riche, on peut le devenir. En France, c’est une autre affaire…

    • supergolem: « Il fait bon vivre aux US à condition d’y naître riche. »

      Non.

      -45% des pauvres possèdent leur maison
      -75% ont une voiture, 31% deux voitures
      -67% ont le câble
      -40% ont un écran plasma
      -92% ont un micro-onde

      Et la pauvreté est souvent temporaire:
      – 51% des ménages restent pauvres moins de 4 mois
      – 19% de 5 à 8 mois
      – 9% de 8 mois à un an

      • OK on va sophistiquer un peu la question puisqu’elle est mal comprise.

        Aux US, la mobilité sociale est nase, encore plus nase qu’en France. En termes d’influence du revenu de vos parents sur votre propre revenu, Il n’y a que l’italie et la Grande Bretagne qui font pire, et encore, les chiffres sont déjà anciens, ca a du encore devenir pire à cause de l’explosion du coût des études (http://www.oecd.org/centrodemexico/medios/44582910.pdf)
        Au Danemark ou au Canada, la mobilité est bien meilleure.

        C’est encore pire pour l’influence du niveau d’étude de vos parents sur votre propre niveau d’étude : les USA sont le seul pays à faire pire que la France.

        • supergolem « OK on va sophistiquer un peu la question puisqu’elle est mal comprise. »

          Vous vous mélangez surtout dans vos slogans et changez d’orientation quand la discussion tourne en votre défaveur.

          supergolem : encore plus nase qu’en France.

          Qui est un des pire pays de l’étude, amusant résultat pour un pays ultra-socialiste qui est actuellement totalement en faillite. Vous oubliez aussi de mentionner que les meilleurs pays de l’étude sont ultra-libéraux en comparaison et oubliez encore que les USA absorbent une bonne partie de la misère des continents américain.

    • lisez« The Haves and Have Nots » de Branko Milanovic qui compare la situation des plus pauvres dans chaque pays. il montre que les Américains les plus pauvres sont plus riches que 70% de la population mondiale. Dans les faits, qu’est-ce donc être pauvre aux États-Unis ? En se fondant sur diverses statistiques publiques, Robert Rector nous rappellait en 2007, dans un article publié par The Heritage Foundation, que parmi ceux que l’on désigne officiellement « pauvres » dans ce pays, 43% possèdaient leur propre maison, 80% l’air conditionné, près des trois quarts au moins une voiture, et 31% deux ou plus, 97% un téléviseur couleur et plus de la moitié deux ou plus, 78% un lecteur vidéo ou DVD, 89% un four à micro-ondes, plus de 50% un équipement stéréo, plus d’un tiers un lave-vaisselle et 62% étaient connectés au câble de télédistribution ou avaient une antenne parabolique. Le « pauvre » des États-Unis moyen dispose également de plus d’espace – 134 m² – pour vivre qu’une famille normale de Paris, Londres, Vienne, Athènes ou d’autres villes européennes (120 m² en moyenne en Europe) : seuls 4% des foyers pauvres américains sont surpeuplés et plus des deux tiers offrent plus de deux pièces par personne.
      http://s3.amazonaws.com/thf_media/2007/pdf/bg2064.pdf
      les 10% les plus pauvres aux US gagnent 2 fois plus que les 10% les plus pauvres en « Europe du Nord »
      ce que veut dire pauvre aux usa: http://www.heritage.org/research/reports/2011/07/what-is-poverty http://acrithene.net/2012/11/29/pauvrete-et-comparaisons-grossieres-le-cas-france-etats-unis/ sans parler du fait qu’il y a une très grande mobilité des revenus aux États-Unis : 73% des Américains ont été pendant au moins un an dans le top 20% des revenus les plus élevés. lisez ceci sur la mobilité sociale aux usa: http://www.nytimes.com/2014/04/20/opinion/sunday/from-rags-to-riches-to-rags.html?smid=pl-share&_r=0

  • Faut quand même lire l’étude de Bercy qui vaut son pesant de cachuètes.

    Lien :
    http://www.tresor.economie.gouv.fr/File/412726

    Le meilleur est page 7 sur les titres de paragraphe:

    « Jusqu’à présent, l’activité américaine ne semble pas avoir souffert de ces évolutions [des inégalités] même si la forte progression de l’endettement a pu contribuer à masquer leurs effets économiques négatifs avant la crise de 2007 »

    « La hausse structurelle des inégalités aurait dû peser sur l’activité outre-Atlantique »

    « Paradoxalement, la consommation des ménages s’est avérée très dynamique entre 1980 et 2010 »
    __________
    Autrement dit ils ont fait une étude dans le but d’établir une corrélation entre les inégalités et la croissance… mais ils ne sont pas arrivés à faire plier la réalité… mais ils publient quand même l’étude !

    Et sinon une super tournure de phrase qui exprime le contraire de la réalité :

    « Selon une étude de M. Corak, les États-Unis seraient, derrière l’Italie et le Royaume-Uni, le pays ayant la mobilité sociale la moins importante parmi douze pays de l’OCDE analysés »

    … et là vous vous dites que la mobilité est pire aux Etats-Unis qu’au R-U ou en Italie… bah non car le graphique à coté dit le contraire… et que la France est juste une place devant les USA.

    • une recherche rapide du cv des signataires de cet article de propagande et bien peu scientifique, m’incite à penser qu’aucun d’eux n’a poussé les études jusqu’au doctorat(je me trompe peut-être).

      En France après des études scientifiques de base, certes de haut niveau), les brillants élèves sont propulsés sur le devant de la scène et à des hauts postes avant même d’avoir fait leurs preuves en tant que scientifique, et surtout avant même d’avoir été confronté à la critique d’experts de leurs domaines.

      C’est une sacré différence avec l’allemagne , par ex, ou le doctorat est souvent un minimum et ou les postes élevés sont au mérite du travail effectué et non au mérite des études.

  • @Ilmryn
    Merci pour ces précisions, ça remettra peut-être en place les abrutis habituels qui dans les médias nous expliquent le contraire.

  • « Inégalités, pauvreté et mobilité sociale aux USA : un enjeu économique et social d’envergure »

    Nos impôts payent donc la propagande de la racaille du gouvernement et en parallèle aussi un polytechnicien, major de l’ENA payé à prix d’or pour sortir une étude sur les USA et même pas la France.

    On est foutu.

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