Festival de Cannes 2015 : une ouverture à l’image de la France

Un drame social français pour ouvrir le festival de Cannes. Le cinéma qui ne fait pas rêver.

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Festival de Cannes 2015 : une ouverture à l’image de la France

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 13 mai 2015
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Par Phoebe Ann Moses

La tête haute - film - affiche de promotionIl est des films qui font rêver, voyager, qui sont la vitrine du cinéma, au point d’être peut-être un moteur dans le choix de devenir acteur ou réalisateur, ou éclairagiste ou preneur de son. Le festival de Cannes a pour habitude de faire l’ouverture avec un film qui reflète plus ou moins cet idéal cinématographique, parfois consensuel, mais dans tous les cas à la hauteur d’un festival qui se veut luxueux, qui déroule le tapis rouge aux stars mondiales, qui remet à la une de l’actualité les somptueux palaces qui vont accueillir d’intouchables idoles. Bref, Cannes, c’est du rêve.

Et voilà que sera présenté en ouverture La Tête haute d’Emmanuelle Bercot. Vous ne savez pas qui c’est ? C’est normal. Est-elle internationalement connue ? Non. Mais la présentation en ouverture va lui donner une visibilité certaine. Et il ne s’agit pas d’un film « strass et paillettes » mais bien d’un drame social comme le cinéma français sait le faire. On a échappé à une ouverture avec les frères Dardenne.

Le pitch : un jeune (Rod Paradot) rejeté par sa mère (Sara Forestier) refuse la main que lui tend le système social français (Benoît Magimel, Catherine Deneuve), parce qu’il est trop défavorisé dans la vie et qu’il a du mal à avoir envie de s’en sortir. Le tout filmé comme un documentaire, couleurs sans filtre, prise de vue simpliste, prise de son à l’avenant, dialogues scolaires dégoulinants de bons sentiments : « Mon rôle c’est de protéger les enfants en danger », « C’est dans les foyers qu’il a pris le mauvais pli », « Ce ne sont pas les murs sombres d’une cellule qui vont l’aider à y voir clair », « Saisis ta chance, t’es ici pour ton bien » ou enfin : « Je suis un bon à rien – Ça c’est à moi de l’dire et chuis pas d’accord avec ça ».

Alors oui, on trouvera quand même une Catherine Deneuve, dans la version « sociale » de l’actrice. Mais une Sara Forestier crédible, pour ne pas dire plus vraie que nature en pauvre mère perdue, secondée par le jeune Rod Paradot qui dit lui-même qu’il n’est pas acteur, et a été choisi par un casting sauvage, alors qu’il était en CAP de menuiserie (la réalisatrice, elle, a fait le cours Florent) ça commence à sentir l’amateurisme ou pire, la démagogie.

Après des films qui ont eux aussi fait l’ouverture du festival, comme Gatsby le Magnifique, Midnight in Paris, le Robin Hood de Ridley Scott, Moulin Rouge, le Cinquième Élément… et qui, s’ils sont inégaux, témoignent quand même d’une qualité cinématographique, sinon d’un réalisateur qui connaît son métier, la Tête haute fait un peu désordre. Non pas que le film, en soi, n’ait pas une place dans le cinéma, car il trouvera son public, mais pas la place qu’on lui a octroyée ici. Choisir un tel film pour l’ouverture est un message politique (au passage, largement financé par l’argent public : coproduit entre autres par France 2 Cinéma, Rhône-Alpes Cinéma et la Région Nord-Pas de Calais). Le message est encore une fois celui du larmoiement. La France qui peine déjà à justifier son « modèle social que le monde nous envie », sert aux people de la croisette un film sur l’aide sociale. Il faut comprendre un jeune défavorisé et violent (blond et qui ne touche pas à la drogue, car sinon ce serait « trop cliché » d’après la réalisatrice), et grâce à tout ce que l’État met en œuvre pour lui, il va s’en sortir. C’est beau et subtil comme les escaliers du Cuirassé Potemkine.

Mais c’est un choix assumé par Thierry Frémaux, échaudé par le mauvais accueil fait à Grâce de Monaco l’année dernière, et qui prend un contrepied avec un film français : « Le choix de ce film pourra paraître surprenant au regard des codes généralement appliqués à l’Ouverture du Festival de Cannes. C’est évidemment le reflet de notre volonté de voir le Festival commencer avec une œuvre différente, forte et émouvante. Le film d’Emmanuelle Bercot dit des choses importantes sur la société d’aujourd’hui, dans la tradition d’un cinéma moderne, pleinement engagé sur les questions sociales et dont le caractère universel en fait une œuvre idéale pour le public mondial qui sera au rendez-vous à Cannes. »

Pierre Lescure, président du festival déclarait que son ambition suprême « ce serait vraiment que, comme chaque année, à la fin du festival, l’écho de Cannes fasse qu’il y ait encore des millions de gens en plus à travers le monde qui aient envie d’aller au cinéma ». Pas sûr que le drame social qu’on trouve en bas de chez soi donne envie d’en voir encore plus. Un film normal, qui montre une réalité normale, avec un acteur principal normal, c’est dans l’air du temps. Pour un peu, on penserait que la réalisatrice est normale aussi.

Le directeur de la photographie (lui-même fils d’une réalisatrice proche de Truffaut, Godard, Rohmer, Rivette) est le compagnon de la réalisatrice. Qui fait souvent tourner son propre fils dans ses films (pas dans celui-là) quand elle ne le case pas au casting de The Voice Kid. Décidément, les préoccupations sociales affichées par des acteurs ou des réalisateurs sur un tapis rouge laissent toujours un peu perplexe.

  • La tête haute, drame d’Emmanuelle Bercot (sortie le 13 mai 2015), avec Catherine Deneuve, Rod Paradot, Benoît Magimel, Sara Forestier. Durée : 2h.

Voir les commentaires (18)

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  • a la sortie tu peux aller te suicider .

  • vous ne comprenez rien a la Culture !
    ce film est magnifique les acteurs talentueux , les dialogues révolutionnaires , on a rien fait de mieux dans toute l’histoire du cinéma français…enfin c’est ce que vont nous vendre nos pitoyables médias ..c’est un navet comme les autres , peut être pire , je ne l’ai pas vu , ni les autres

  • Avec la « publicité » faite à ce festival par le ministère de la culture, on voit clairement ce qu’il devient ; un produit récupéré par l’état, pour lui même. J’ai le sentiment d’une mort lente. Elle pourrait être rapide et fulgurante si un autre festival prenait la vedette.

  • Comme d’hab, la palme d’or sera dévolue à un navet moralisateur ultra sciant !

  • les rares fois ou je vais au ciné , c’est pour me détendre ; la bande annonce m’a mis mal à l’aise , avec cette violence sous jacente d’un jeune ; on n’en voit suffisament comme ça au quotidien ; je préfère regarder un bon  » don camillo  » , au moins c’est rigolo….

  • Elle ne nous coûte rien ! serinent nos merdias : Ah ! s’ils le disent ! Combien de film avec Julie GAYET, financés par le Fonds de nos impôts ? depuis 3 ans ?? Des navets jamais vus, quel salaire a-t-elle perçu au total ? Il suffit de programmer un film avec elle pour décrocher le gros financement !! On y a échappé à cette, fille connue pour autre chose que ces films.. Elle devait présider le Festival de Cannes, avec l’enthousiasme délirant des merdias..mais bon.. Ils ont su raison garder, et garder leur inconnue du cinéma qui émarge par centaines de milliers d’Euros à chaque navet. Elle ne coûte rien ! Les merdias l’ont dit !

  • « Après des films qui ont eux aussi fait l’ouverture du festival, comme Gatsby le Magnifique, Midnight in Paris, le Robin Hood de Ridley Scott, Moulin Rouge, le Cinquième Élément… » […] la Tête haute fait un peu désordre. Non pas que le film, en soi, n’ait pas une place dans le cinéma, car il trouvera son public, mais pas la place qu’on lui a octroyée ici. Choisir un tel film pour l’ouverture est un message politique »

    Quel est en ce cas le message politique des films cités plus haut ? A moins que ce ne soit un qualificatif réservé aux films dont le traitement de son sujet déplaît. D’ailleurs l’avez-vous vu ou vous êtes-vous contenté de la bande annonce ?

    • La description de ce film est déjà en soi un pensum d’idéologie socialiste: l’étatisme et la « solidarité » mise en oeuvre… encore par l’état, sont l’honneur et la foi de notre pays. C’est là le message qui est déjà répété constamment par nos politiques et nos médias subventionnés.

      En revanche, je vous mets au défi de mettre en évidence le message idéologique/politique de Cinquième élément, Moulin Rouge, ou même de Scratchy le Mirifique. Allez-y, faites-moi rire.

      • D’où ma remarque…

        Mais en clair vous êtes d’accord pour appliquer un procès d’intention à ce film (et donc au festival), par simple soucis d’idéologie. Les gauchistes n’agissent pas autrement quand un film leur déplait à priori et là encore sans l’avoir vu.

        Le nivellement par le haut !

    • « Quel est en ce cas le message politique des films cités plus haut ? »

      Justement ils n’en ont pas de message politique car ce n’est pas le rôle du cinéma excepté dans les états totalitaires. Vous n’avez rien compris au film.

  • Drôle de choix, en effet pour une ouverture:

    Ça sent le copinage !

  • Un film « moral », donc. Avec des dialogues moraux, d’une banalité à pleurer, apparemment… Le cinoche français, désormais, c’est soit ça, ça les comédies « entre-copains-quinquas », soit les comédies « la-banlieue-c’est-super-sympa », soit les comédies « mon-amant-est-dans-le-placard ». J’en viendrais presque à regretter l’élan de jeunesse de la Nouvelle Vague, qui m’a fait pourtant regretter les bons vieux polars de papa, si génialement écrits et dialogués, comme « Le Rouge est mis » ou « Razzia sur la schnouf ». Enfin bref, notre pays est devenu chiant au possible. Un mouroir de momies moralistes et malhonnêtes.

    • On a échappé au pire : un film social, dénonçant le « racisme » et l' »islamophobie », sans oublier les discriminations contre les personnes de petite taille et les homosexuels (pardon les « gays »), non ?

      Vous voyez tout est relatif. Dans le meilleur. Et surtout le pire.

      • Oh mais qui vous dit que ces « déviance » ne sont pas dénoncer dans le film? ça n’est pas parce que le sujet principale est de vanter l’EDNA que leur autre poncifs socialo étatiste seront abscent…

    • « si génialement écrits et dialogués » c’est bien vrai. Mais au combien fantasmés (sur le milieu français) de l’aveu même de ceux qui les faisaient.

      Comparons donc des films qui ont une même ambition.

  • @gc « c’est le copinage »

    @Aster vous êtes bien démoralisé, si vous n’êtes pas fonctionnaire, partez ! Encore 2 ans, mais non, 7 ans, face à MLP il gagnera et pourra imposer toutes son inversion des valeurs..

    @jacques rien pour les petits gros ? ou les chevelus ?

  • Et voilà comment tuer le rêve du cinéma et l’aura d’un festival, année après année.
    Le tout consciencieusement et avec l’argent publique. A pleurer.

  • Les commentaires sont fermés.

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