Un billet d’humeur de Philippe Bilger
Le Festival de Cannes n’intéresse guère que le monde du cinéma stricto sensu. Producteurs, réalisateurs, acteurs et critiques apposent leur grille de vision en espérant que le profane, plus tard, l’approuvera. Là est le risque. Le public ne suit pas forcément les conseils des spécialistes.
Il y a des exceptions pourtant et parfois même de bons films. Mais si on est un amateur de cinéma, on voit bien quels ingrédients sont nécessaires au cinéma français d’aujourd’hui pour plaire sinon aux spectateurs du moins à l’élite à la dernière mode artistique qui juge, célèbre ou démolit souverainement.
Un cours de cinéma comme il y a des cours de cuisine. Quelques éléments indispensables sans lesquels l’œuvre peut-être ne serait que tristement plaisante ou même classiquement belle.
D’abord une histoire sans souffle ni élan. La quotidienneté réduite à sa plus simple expression, à sa traduction la plus basique. Un réalisme qui ne transcende pas les êtres et les choses mais les abaisse autant que possible.
Des dialogues quelquefois acceptables quand on a la chance de les entendre et de les comprendre. Mais la plupart du temps le son est délibérément catastrophique et l’articulation des acteurs contraint à une forme d’ascèse. Tendre l’oreille ne suffit pas : il m’est arrivé ainsi de perdre au bas mot la moitié d’un film. Toujours cette obsession absurde de vouloir faire « vrai » en pire !
Il est nécessaire de favoriser le voyeurisme du spectateur en montrant de manière ostensible comment les personnages font l’amour. L’allusion, la finesse et l’élégance seraient insupportables. Le comble de l’audace – sinon on est ringard – est de ne nous priver de rien même si ces scènes, dans leur crudité, n’apportent rigoureusement rien au développement de l’histoire. Quand elle est intelligible.
La nudité est indispensable. On constate que les acteurs sont comme tout le monde. Rien de ce qui est inutile n’est étranger à la convention moderniste et à la banalisation forcenée.
Le prosaïsme va plus loin. Il est capital, ici ou là, de nous signifier que les protagonistes du film ont, comme tout le monde, besoin d’aller aux toilettes. On a le droit de s’interroger sur la nécessité de telles séquences mais puisque c’est du progressisme, on n’a pas le choix : il faut admirer.
Un film français, aujourd’hui, ne peut pas prétendre à un label enthousiaste de la part des « connaisseurs » si l’homosexualité n’est pas une donnée consubstantielle au récit. Sans le moindre goût pour la litote évidemment.
Comme cela m’a été suggéré par un commentateur, en effet un autre poncif. Le migrant surgit dorénavant à tout coup pour manifester qu’on a une conscience politique et de la compassion à revendre. Les meilleurs films en sont dégradés. Je songe notamment au dernier opus de Robert Guédiguian. Un migrant sinon rien !
Cette relation est incomplète qui pourrait être affinée par d’autres préciosités – elles peuvent être celles du ridicule ou du sordide – mais en ayant forcé le trait il me semble que j’ai résumé le pire d’une invention cinématographique qui s’impose un certain nombre de règles et d’obligations, non pas comme au 17e siècle pour favoriser le génie de la création classique mais pour complaire à un prurit de la provocation qui, systématique, est devenu un conformisme plus accablant encore.
Cette dérive va être accentuée par la chape de plomb qui pèsera désormais, au nom de la parité, sur l’imagination même la plus débridée. Bientôt il ne sera plus admissible de n’avoir pas autant de personnages féminins que masculins dans une histoire. On a déjà entendu une association féministe militante réclamer la parité absolue pour les réalisateurs. Il conviendra de dénicher à toute force des femmes réalisatrices pour que nous ayons sinon le sentiment de la qualité du moins celui de l’équité bête et mécanique.
J’admets que les actrices de couleur ont des raisons de se plaindre tant certaines réactions peuvent être offensantes à leur égard mais sur ce plan également, passer de cette légitime dénonciation à l’obligation de les engager pour faire nombre et diversité me paraît abusif.
Un cauchemar, une caricature. Dans quelque temps on exigera que le public soit composé à parité de femmes et d’hommes.
L’étonnant est qu’on va avec gaîté de cœur et d’esprit vers le désastre. L’art n’est plus l’expression libre, imprévisible, talentueuse ou non, de tempéraments qui aspirent à offrir de l’universel à ceux qui en ont besoin pour mieux comprendre leur existence ; et sortir des salles de cinéma enthousiastes, que le film ait été sombre ou drôle…
Le corset périphérique va de plus en plus enserrer la création, au point que l’accessoire étouffant va détourner de la seule interrogation qui vaille, essentielle : est-ce un bon, un grand film ou une médiocrité qui n’aurait jamais dû voir le jour ?
Des considérations désabusées sur la création cinématographique française.
La cause en est que la France tombe dans une sorte de médiocrité inconsciente; à force de vouloir tout assimiler, notre pays y perd ses fondamentaux culturels.
mais non, le Festival de Cannes réunis des personnes ICONOCLASTES et INSOUMISES qui osent aller contre l’ordre en place.
Prenons-le pour dit : ce sont des révolutionnaires !
« …Ce sont des révolutionnaires » dites vous…
Dans l’industrie de cinéma, comme dans d’autres domaines d’activités, vos « révolutionnaires » sont en fait des parasites au talent incertain qui ont besoin de la manne étatique afin de pouvoir perdurer dans la médiocrité et la vulgarité de leurs productions.
Révolutionnaire seulement si le côté provocateur rapporte une certaine somme non négligeable. Combien pour me promener à poil sur le tapis rouge en faveur de l’imatogénèse. J’attends les offres ! (au fait si on peut me définir l’imatogénèse, c’est beau comme mot!)
Il y aura de plus en plus de médiocrités exclusives 🙁
On pourrait dire « tant que ces merdes sont produites sans l’argent du contribuable, ils peuvent bien pondre ce qu’ils veulent » … Le problème est qu’elles ne le sont pas !
Qu’on supprime le CNC, le statut d’intermittent, le Ministère de la Culture, etc.
Chaque payeur pourra alors bien produire les bouses qui lui sied et ce ne sera rien que là son affaire …
Tocqueville dans son voyage en Amérique décrivait une évolution « démocratique » péjorative ! Les gens occupés à leurs affaires s’intéressent de moins en moins aux choses de « l’esprit ». L’exactitude, la pertinence, l’esthétique les intéresse de moins en moins. Comme par ailleurs leur jugement dépend du jugement des autres…temps démocratique oblige ! Par un jeu d’enfantement réciproque les « créateurs » finissent par ressembler à leur public. Ici cependant les « créateurs » semblent précéder leur publique. La subvention des partis politiques, des syndicats, des journaux, des associations pensantes, etc…semble précipiter cette évolution. Nos sociétés « de consommation » semble produire beaucoup de déchets, et il ne sont pas qu’industriels…mais peut être cul-turels.
Merci pour votre analyse
la production française manque de dialoguiste, de thèmes , d’acteurs.
les Audiard, Ventura, Delon, Gabin sont loin et ce n’est pas avec des « acteurs de series b » souvent mauvais dans des roles bobos ou pipi ca ca, que le cinéma français regagnera des places au box office!
avoir osé refaire KNOCK avec Omar SY il fallait le faire , le jour de la sortie en salle ce film fut fiasco complet. et ce sont nos taxes et impôts qui paient de telles nullités!
nous tombons dans la médiocrité généralisée celle ci touche touche le domaines . en evitant au peuple d’avoir un pouvoir critique on en fait ce que l’on veut.
je crois que c’était César qui avait dit pour éviter la colères de Rome:
« qu’on leur donne du pain, et des jeux »
on en est hélas là !
Avant sa sortie, j’ai vaguement entendu parler du remake de Knock. Etant accroc des grands acteurs Français d’autrefois, je n’ai même pas daigné y prêter attention tant cette nouvelle était abérrante. Que le film fut un four n’est pas étonnant.
Une création par Louis Jouvet de Knock ne peut être égalée ; comme celle de Raimu ou Charpin dans la trilogie « Marius, Fanny, César ». Ces artistes-créateurs sont hors norme tant ils incarnent dans leur jeu subtile et humain des personnages émouvants, attachants et quelquefois comiques. Le génie de ces acteurs est unique et insurpassable. C’est une imbécillité sans nom, voué à l’échec, que de refaire de tel film avec d’autres acteurs.
Ces films intéressent de moins en moins le public. Y ajouter une composante « parité » forcée, ou sans doute aussi, une composante féminisme puritain moderne, ne fera que baisser les audiences anémiques.
Je me sens beaucoup moins seul a la lecture ce jouissif article.
Si ca peut rassurer l’auteur, ce qui serait étonnant, c’est a peu près le même cahier des charges du coté de notre ministère de la culture et du camp du bien a nous, la BBC. Avec quand même beaucoup plus de rechaufisme. Sinon, même ficelle, même combat, même « engagement ». Tu parles. Soyons optimistes. Sous cette épaisse croute de merde subventionnée, il faut croire que les free spirits se cachent et finiront par revenir a la lumière.
Le Palmashow l’avait plus ou moins résumé avec humour:
Le Festival du cinéma politiquement correct depuis la Palme à Michael Moore pour un pamphlet contre Georges Bush!
Constatation faite de nombreuses fois : les « lauréats » de la Palme du Festival de Cannes sont le plus souvent de véritable navets !
Cela fait bien des années que je ne vais plus au cinéma pour voir un film français. Ils sont répugnants de vulgarité tant dans le langage que dans les images. Effectivement, comme vous le dites fort bien, il faut au minimum, soit « une donzelle à poil » et/ou « un couple qui s’envoie en l’air » (sans la moindre discrétion), scènes n’apportant rien à l’histoire, si histoire il y a ! Et ne passons pas sous silence la médiocrité (le mot est faible) du « jeu » des soit-disant artistes. Ce qui est aussi exécrable et inadmissible, c’est l’insidieuse propagande socialo-bobo toujours présente et souvent ouvertement déclaré dans les propos et les actes, au point de vous en donner la nausée.
Si on se déplace pour aller au cinéma ce n’est surment pas pour visionner des scènes du vécu quotidien, ni pour être endoctriné par « le bien penser » (le vire-ensemble), ni pour être abreuvé d’un vocabulaire ordurier. La créativité et l’art sont assassinés au bénéfice d’une abjecte propagande socialiste de caniveau. Sont-ils encore capable de créer, sans cet aveuglement idéologique ?
Une dernière chose : avec la mentalité détraqué et minable des cinéastes français d’aujourd’hui, un film comme « Le Rabbi Jacob », aurait-il vu le jour ?
Pour conclure : actuellement, les meilleurs films sont réalisés par les Anglais qui, en plus, ont une pléiade d’artistes absolument remarquables, jouant avec finesse et subtilité. Un réel plaisir !
Exact pour le cinéma anglais, « À l’heure des souvenirs » et « Les heures sombres » 2 films récents qui changent des « films » psycho-socio-CULturels de nos réalisateurs bobos…
quoiqu’ils en disent les réalisateurs français, même s’ils prônent leur indépendance véhiculent les idées du moment de nos chers politiques, ils cherchent l’acceptation de leurs préceptes moralisateurs et bien pensants en forçant le peuple à adhérer à tous ces nouveaux idéaux électoralistes…logique, ils sont subventionnés par le contribuable et véhiculent la politique de nos élites, bref avec la télé c’est encore un organe de propagande du « politiquement correct »…adieu le 7eme art.
C’est un contre produit typique du socialisme. Le révolté indigné outragé droit debout dans ses bottes…Ah non. On me souffle a l’oreille que c’est plutôt a genoux, courbant l’échine, ramant (avec le courant) pour ramener une pauvre bèquetée qui ne remplira pas, mais alors pas du tout, le grand bol de frustration qui est le moteur de tout ce vide.
Qui a récemment revu La Crise? (Coline Serreau, 1992). Un marqueur de l’ossification française. Rien ou si peu n’a changé, en 26 ans.