Banques centrales : prévenir la formation ou répondre à l’éclatement des bulles ?

Une Banque Centrale a-t-elle pour rôle d’empêcher la formation de bulle, de limiter la casse quand une bulle explose ou de ne rien faire du tout ?

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Banques centrales : prévenir la formation ou répondre à l’éclatement des bulles ?

Publié le 5 mars 2015
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Par Thomas Renault.

Bulles de savon credits ICU (CC BY-NC-ND 2.0)
Bulles de savon credits ICU (CC BY-NC-ND 2.0)

 

Une bulle peut se définir comme un écart important et persistant de la valeur d’un actif par rapport à sa valeur fondamentale. Cette définition, qui parait assez simple, comporte pourtant une hypothèse très forte : la possibilité de déterminer la valeur fondamentale d’un actif. Une bulle devient donc « bulle » uniquement après son explosion : avant, il est très difficile de savoir si la forte appréciation d’un actif financier est due (1) à une réelle hausse rationnelle des anticipations et donc à une hausse de la valeur fondamentale de l’actif ou bien (2) à une déviation par rapport à la valeur fondamentale, due à des comportements mimétiques ou au fait que la moitié du marché soit sous perfusion de coke (euphorie des marchés / irrationalité). Et encore… Selon Eugène Fama, prix Nobel d’économie 2013, les bulles n’existent même pas : une forte hausse du prix d’un actif suivie d’une forte baisse peut exister simplement car l’arrivée d’une nouvelle information entraîne un changement des anticipations et une révision forte et brutale de la valeur fondamentale. En mettant de côté la vision « néo-classique / efficience des marchés » poussée à l’extrême (car sinon l’article est terminé, les bulles n’existant pas, difficile de faire un article sur les bulles…), une Banque Centrale a-t-elle pour rôle (1) d’empêcher la formation de bulle (2) de limiter la casse quand une bulle explose ou (3) de ne rien faire du tout ? Pour cela, nous allons nous appuyer largement sur un excellent Working Paper du FMI : « Asset Bubbles: Re-thinking Policy for the Age of Asset Management » (Brad Jones, 2015).

La question du rôle d’une Banque Centrale est sous-jacente aux effets de l’explosion d’une bulle et à la capacité de détecter les bulles. Concernant le premier point, il est maintenant largement accepté, plus encore depuis la crise des subprimes et la bulle immobilière américaine, que l’explosion d’une bulle peut avoir des effets négatifs très importants sur l’économie réelle. Ceci nous permet déjà d’éliminer la solution (3) proposée en introduction. Sur le papier, la meilleure solution entre (1) et (2) serait d’empêcher les bulles de se former. Mais pour empêcher quelque chose de se former, il faut être capable de l’identifier. Et là, cela devient beaucoup plus complexe ! Selon Alan Greenspan, l’ancien président de la Federal Reserve américaine, cela implique donc qu’une Banque Centrale soit en mesure d’estimer la valeur fondamentale d’un actif, et surtout de le faire mieux que le marché et ses millions d’investisseurs, ce qui est selon Greenspan « l’un des défis les plus redoutables pour une Banque Centrale ». Cela implique aussi d’être capable de séparer la composante rationnelle (hausse de la valeur fondamentale) de la composante irrationnelle (bulle), ce qui est loin d’être simple.

« There is a fundamental problem with market intervention to prick a bubble: it presumes that you know more than the market … Identifying a bubble in the process of inflating may be among the most formidable challenges confronting a central bank, pitting its own assessment of fundamentals against the combined judgment of millions of investors« . Alan Greenspan

Si l’on se base sur l’idée qu’il est impossible de prévoir et de détecter une bulle, l’important est alors d’y répondre de manière appropriée lors de son éclatement pour « nettoyer » le marché et le faire repartir, c’est le paradigme « ex-post clean ». Ce paradigme place l’objectif d’inflation au centre de la politique monétaire : l’objectif unique d’une Banque Centrale doit être d’assurer la stabilité des prix des biens et services, sans se soucier de l’évolution du prix des actifs. De plus, vouloir contrôler le prix des actifs aurait un coût important : « le remède est pire que la maladie » (« cure is worse than disease »). En effet, empêcher la formation de bulles via la politique monétaire implique donc une hausse de taux d’intérêt, qui aurait des répercussions négatives sur la croissance et l’emploi sans forcément d’ailleurs totalement « calmer » les marchés.

De l’autre côté, même en acceptant le fait que les bulles soient difficilement détectables et que cela ait un coût d’essayer de prévenir leur formation, le paradigme « ex-ante lean » se base sur le fait que les coûts associés à l’éclatement d’une bulle sont tellement élevés qu’il faut absolument prévenir la formation des bulles. L’objectif d’une Banque Centrale ne doit donc plus être uniquement la stabilité de l’inflation (l’inflation étant calculée uniquement en fonction de l’évolution du prix des biens et services, sans inclure le prix des actifs financiers), mais inclure, en plus de l’objectif d’inflation, un objectif de stabilité financière (en surveillant par exemple le prix des actifs ou l’évolution du crédit). Cette méthode préventive permet de plus de limiter l’aléa moral qui est très présent dans le paradigme « ex-post clean », avec un raisonnement pour les investisseurs basé sur le principe « tant que la bulle gonfle je gagne, si elle explose la Banque Centrale va intervenir et me sauver, donc je n’ai aucune raison de ne pas prendre un max’ de risque ».

Le tableau ci-dessous, extrait de l’étude du FMI, résume le débat « Clean Versus Lean » et ce que cela implique au niveau du rôle d’une Banque Centrale face aux bulles.

clean-lean-debate / Tableau thomas renalut tdr

Depuis la crise des « subprimes », la balance penche de plus en plus fortement du côté « Ex-ante Lean », avec un certain consensus sur le fait (1) que la stabilité du prix des biens et services ne permet pas la stabilité financière ni la stabilité économique et (2) que les bulles sur les marchés financiers peuvent avoir un effet dévastateur sur l’économie réelle. Concernant le point (1), il est intéressant de rappeler la théorie du paradoxe de la tranquillité de Minsky : lors d’une période de stabilité économique (dont la stabilité des prix), la confiance des agents économiques augmente et ces derniers ont tendance à prendre davantage de risques, ce qui peut déstabiliser par la suite les marchés. Et concernant le point (2), la crise des subprimes est une démonstration claire de cela, comme le souligne Frederic Mishkin dans « How Should Central Banks Respond to Asset-Price Bubbles? The ‘Lean’ versus ‘Clean’ Debate After the GFC » (2011).

« The global financial crisis undermined one of the key linchpins of the argument for the Greenspan doctrine that the cost of cleaning up after an asset price bubble burst would be low. To the contrary, it is now recognized that the cost of cleaning up after an asset-price bubble bursts can be very high if it is followed by a financial crisis, as occurred during the Global Financial Crisis period. » F. Mishkin

Il faut cependant distinguer deux types de bulles : les « bulles de crédit » et les « bulles d’exubérance irrationnelle ». Les « bulles de crédit », comme par exemple la bulle immobilière américaine, sont en général beaucoup plus nocives pour l’économie réelle que les « bulles d’exubérance irrationnelle », comme la bulle Internet de la fin des années 1990. F. Mishkin explique qu’il faudrait donc principalement s’attaquer aux bulles de crédit en mettant en place des régulations macro-prudentielles afin de limiter l’expansion du crédit lorsqu’une situation de « surchauffe » est identifiée par la Banque Centrale, par exemple en cas d’explosion du nombre de crédits accordés ou de baisse du niveau d’exigence des banques lors de l’octroi de crédit…

Conclusion

La crise financière a fait évoluer le débat concernant le rôle des Banques Centrales et la prévention de la formation des bulles. Un consensus semble se former autour du fait que la stabilité des prix ne permet pas de garantir la stabilité économique, et donc qu’une Banque Centrale doit aussi s’intéresser à l’évolution du prix des actifs et à l’évolution du crédit. Ensuite, il y a un fossé assez large de « il faut le faire » à « comment le faire », et il faudra du temps pour que différentes mesures soient mises en place. Mais bon, au moins la crise aura servi à quelque chose ! Eugène Fama ne serait pas super content de cette conclusion, (ci-dessous sa réponse lors d’une interview de 2010 à propos de la crise des subprimes)…

« – Journalist : Many people would argue that, in this case, the inefficiency was primarily in the credit markets, not the stock market that there was a credit bubble that inflated and ultimately burst.

– Fama : I don’t even know what that means. People who get credit have to get it from somewhere. Does a credit bubble mean that people save too much during that period? I don’t know what a credit bubble means. I don’t even know what a bubble means. These words have become popular. I don’t think they have any meaning. »


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  • C’est clair. Lorsque le m2 à Paris était à 2800 euros en 1994 puis 20 ans après à 8100 euros… ce n’est pas une « bulle » ?

    Et le crédit ? Lorsque les banques américaines donnent des crédit à des gens qui ne peuvent pas rembourser, puis s’amusent à saucissonner/titriser ces mauvais prêts en « produits financiers » pour les vendre à des gogos… ce n’est pas une « bulle » ?

    Et les marchés financiers ? Lorsque la moindre startup avec le mot « internet » dedans pouvait lever des dizaines de millions de dollars en s’introduisant sur le Nasdaq, ce n’est pas une « bulle » ? Le Nasdaq était à 1000 points en 1995. En 2000 (mars)… il atteint 5000 points, avant de revenir à 1000 points en 2002. Ce n’était pas une « bulle » ?

    Fama est gentil. Son ingénuité fait de lui une sorte de Candide moderne. Mais franchement…. prix nobel d’économie… Tout ça pour ça ?

  • Que de belles paroles pour dissimuler les véritables ressorts de l’action : jouir de son pouvoir, le montrer et le faire sentir, avec de toute façon la bonne excuse de toujours pouvoir dire que ça aurait été pire sinon ! La pire des catastrophes pour une banque centrale serait que la situation s’arrange et qu’elle n’y soit pour rien.

  • Les mots bulle ou krach sont issus d’une terminologie adaptée tant bien que mal aux graves distorsions causées par les banques centrales sur les taux d’intérêt.

    « La popularité de l’inflation et de l’expansion de crédit, source originelle des tentatives répétées pour rendre les gens prospères en poussant le crédit, et donc raison profonde des fluctuations cycliques de l’économie, se manifeste clairement dans la terminologie courante. Pendant le boom on dit que les affaires sont bonnes, on parle de prospérité, d’essor.

    La suite inévitable, qui est un réajustement aux exigences des données réelles du marché, est appelée crise, marasme, mauvaises affaires, dépression. »

    Action Humaine – Ludwig Von Mises

  • Demander aux banques centrales de corriger des évolutions de marché dont elles-mêmes ou leurs patrons sont responsables du fait de décisions politiciennes irresponsables et inconséquentes, relève au mieux du moquage de face, au pire de la folie furieuse.

    Il n’y a qu’une chose à demander aux banques centrales : qu’elles cessent leurs activités délétères.

  • Fama a raison, il est impossible de determiner ce qu’est une bulle. Outre le fait qu’on peut remettre en question leur monopole, les actions des banques centrales relevent de la manipulation de marche.

    • Je suis aussi d’accord aussi avec Fama. Il existe toujours une confusion entre la valeur d’usage (le « fondamental ») et la valeur d’échange (le prix de marché) : ce n’est ni soit l’un ni soit l’autre car les deux se mélangent partout et toujours de telle sorte qu’il est impossible de définir ce qu’est une bulle en soi.

    • On pourrait dire que l’expression désigne un point de vue, pas un fait économique.

      Il a été démontré depuis longtemps que, si une banque centrale existe, le mieux est qu’elle ne fasse rien. Sous-entendu, il serait préférable qu’elle n’existe pas. Mais c’est visiblement trop demander aux banquiers centraux qui, par quelque mystérieuse et irrépressible pulsion, ne peuvent s’empêcher de provoquer toutes les crises. Etrange, cette manie…

  • Lorsque le PIB augmente de 1% , la dette doit augmenter de 1% +/- de pouillèmes .
    Si la dette augmente de 10% aucun jargon pseudo-économique ne pourra justifier l’incompétence et surtout l’irresponsabilité des banques centrales et du monde politiques.
    Mais il y a pire. Les actuelles bulles ont crée des gagnants (les .1%) et des perdants (les 99.9%).
    Donc inutile de prétendre a ne pas voir a qui profite le « crime », et comment est-il possible qu’il perdure !!

  • Je suis très étonné de l’absence d’une question évidente : Et si les bulles de credit étaient le RESULTAT de l’action des banques centrales ? La bulle immobilière américaine de 2007 résulte tout de même largement de la politique de credit de la FED combinée à une réglementation publique poussant les actifs immobiliers au-delà du raisonnable.

  • Le problème avec cette dichotomie entre « bulles de crédit » et « bulles d’exubérance irrationnelle » qui d’ailleurs ne devrait pas avoir lieu c’est que le premier a tendance à générer le second, et que le second n’existerait pas sans le premier type. Il est par conséquent assez faux de dire que la bulle dot-com est du second type, comme si le crédit n’avait eu aucun rôle à jouer. Une bulle de second type ne peut pas gonfler très longtemps, vu que les taux d’intérêts vont augmenter, ce qui mettra fin immédiatement à la bulle dès le début de sa formation.

    Concernant les problèmes de planification pour la banque centrale, je crains qu’elle ne puisse malheureusement pas s’y prendre efficacement; de toute évidence, ce n’est pas un problème macro, mais micro économique. Les autrichiens disent que les bulles ne sont pas détectables dans le mouvement des prix dans leur ensemble mais plutôt dans les prix relatifs et que, surtout, la bulle est le résultat de crédits ayant causé plus d’investissement (dans les industries plus intensives en capital) que ne l’aurait permis une épargne réellement disponible. Puis, pour une explication détaillée sur les erreurs inhérentes des planifications de la banque centrale, voir le livre The Theory of Free Banking (Selgin, 1988) au chapitre 7. La meilleure alternative, donc, c’est d’abolir les banques centrales et d’établir un système de banques libres, chose qui malheureusement, n’est pas prêt d’arriver.

    • @MH

      « Le problème avec cette dichotomie entre « bulles de crédit » et « bulles d’exubérance irrationnelle » qui d’ailleurs ne devrait pas avoir lieu c’est que le premier a tendance à générer le second, et que le second n’existerait pas sans le premier type. »

      Exact! Nommez-moi une bulle qui ne fut pas accompagnée d’une expansion signficative et « artificielle » du crédit.

    • Supprimer les banques centrales parce qu’elles font des erreurs et les remplacer par des banques privées qui ne feraient pas d’erreur ? Comme si le problème du volume de monnaie serait réglé par la fixité (étalon) ou par la volatilité totale.

      • Bien sûr que les banques privées feraient des erreurs. La différence, c’est qu’elles seraient sanctionnées et qu’elles apprendraient donc assez vite à ne plus en faire.

      • Vous faites une erreur d’interprétation. On ne dit pas que les banques privées ne feraient jamais d’erreur. On dit que quand elles feront des erreurs, l’impact de ces erreurs sera limité. Contrairement à un système centralisateur.

        • Je pense que vous vous voilez la face, à part complétement cloisonner les monnaies de chaque banque (ce qui ne tiendrait pas un semaine, je ne vois pas comment on pourrait ni même quel sens cela aurait d’empêcher un système de change) ce n’est pas dit qu’en multipliant les banques cela permettrait d’éviter les effets dominos et autres bulles spéculatives, voir même de les amortir : un soucis sur une monnaie verrait rapidement les actifs se déplacer sur une autre monnaie : contrairement aux marché de marchandise, où le volume est forcement limité par la réalité et finit par retomber sur ses pattes, il n’en est rien sur les monnaies.

          Le marché ne s’équilibre que parce que l’offre et la demande sont reliées au réel, pour la monnaie ce n’est pas le cas : à partir du moment où l’on considère des achats/vente à terme, le marché ne fixe pas les prix, le marché donne une ‘idée’ des prix, ce qui reste très virtuel et donc volatile et encore plus pour une monnaie.

          Je ne voit vraiment pas comment en créant un mécanisme de volatilité sur les monnaies, on réglerait le mécanisme de volatilité sur les biens. Mais je veux bien être convaincu 🙂

          •  » le marché ne fixe pas les prix, le marché donne une ‘idée’ des prix » : précisément, avoir une « idée » du prix, c’est bel et bien le prix.

            La valeur des choses n’est pas cet absolu intangible que vous semblez chercher. Un prix n’apparaît que dans le cadre de la rencontre d’au moins deux volontés distinctes qui s’accordent pour un court instant. Tout ceci est forcément relatif et temporaire, en un mot volatil ou plus précisément subjectif. C’est le prix instantané donné par le contrat exprimé sur le marché qui rend la valeur objective. Mais cette objectivité a un caractère dynamique, en évolution permanente et ne sert de référence qu’un court instant. L’instant suivant, une autre référence apparaît.
            Voir ceci : http://www.wikiberal.org/wiki/Subjectivité_de_la_valeur

            Par suite, vous semblez considérer la volatilité comme un problème. Détrompez-vous ! Loin d’être un problème, la volatilité des prix sur les marchés est un bienfait perpétuellement renouvelé pour l’humanité. Un prix non volatil serait nécessairement déterminé par un tiers irresponsable dans l’échange volontaire en cours, décision néfaste allant jusqu’à empêcher ce dernier. Ce serait un faux prix conduisant à tous les abus. C’est le cas des tarifs publics déterminés par les fonctionnaires dans la plus parfaite irresponsabilité. Parmi d’autres raisons, les tarifs irresponsables expliquent pourquoi les politiques socialistes échouent toujours et partout dans la ruine et la pauvreté, quand ce n’est pas la guerre.

            • Je ne parlais pas de la volatilité des prix, mais de la volatilité de la monnaie, dans le cas de multiples monnaies en concurrence.

              Mon point était de dire qu’avec des monnaies en concurrence, l’on créerait forcement une subjectivité de la monnaie, comme on crée une subjectivité de la valeur et des phénomènes de volatilité sur les monnaies.

              Désolé ci ne n’était pas clair.

              Et donc : je ne vois pas en quoi cela réglerait le problème…

      • Lisez « The Theory of Free Banking » (Selgin 1988) s’il vous plait.

        Et chapitre 7 s’il vous plait.

        http://oll.libertyfund.org/titles/2307

        • Aucun problème pour reconnaitre les limites des banques centrales, je suis juste très sceptiques sur le fait que l’option banque privée ne reproduirait (voir n’amplifierait pas) les mêmes ou d’autres travers.

          • Le monopole monétaire explique l’irresponsabilité des banques, parce qu’il impose une solidarité de fait entre les porteurs de la même monnaie et permet de dissimuler dans la masse les turpitudes des indélicats. Cette irresponsabilité sera réduite autant de fois qu’il y aura de monnaies en concurrence. Par exemple, quand l’Argentine ou la Russie ont fait défaut, nous ne nous en sommes pas rendu compte car Ils faisaient défaut dans leur monnaie, pas la nôtre. En revanche, la Grèce… La concurrence monétaire permettra en outre d’informer rapidement les consommateurs de monnaie qu’un problème existe et leur donnera la possibilité de s’adapter en conséquence. Actuellement, on ne peut pas fuir une monnaie monopole, sauf au coût élevé d’un investissement tangible peu liquide, voire au coût exorbitant d’un exil.

            Le monopole monétaire favorise l’irresponsabilité, piège ses utilisateurs et sert à dissimuler la vérité des prix (donc des taxes, bien sûr).

            • Désolé, mais votre exemple Russe ou Argentin est assez difficile à accepter : c’est justement parce que les Russe et le Argentins avaient une monnaie nationale qu’ils se sont permis de faire absolument n’importe quoi.

              Il est carrément plus facile de faire de la gabegie budgétaire avec une monnaie locale qu’avec une monnaie commune et les soi-disant ‘faible part de l’Etat’ dans l’économie d’avant l’Euro et d’avant la dématérialisation des monnaies étaient en grande partie cachés par les bricolages monétaires (dévaluations régulières, cavalerie sur les émissions d’obligation, bricolages de taux pour rachat d’obligation, défaut, etc …)

              Combien de temps aurait tenu l’URSS si elle n’avait pas bricolé le Rouble ? Peut-on nier que l’usage du dollar en URSS comme monnaie parallèle et comme monnaie internationale n’a pas joué un rôle prépondérant dans la chute du régime ?

              Par contre, je vous entend entièrement sur la dissimulation des taxes, mais je ne croit pas une seconde que des monnaies privées empêcheraient l’Etat socialiste de mettre an place un équivalent TVA.

              Ma réticence sur les monnaies privée est liée à la connivence qui à mon avis rajoute un risque pratiquement assuré, pour un bénéfice loin d’être évident.

              • L’exemple avait pour objet de montrer que l’existence de plusieurs monnaies suffit pour confiner les risques de manière satisfaisante. Certes, il y a eu manipulation mais tout aussi clairement, cela ne nous a pas affecté pour la bonne raison qu’on n’utilisait pas la même monnaie. Ce qui est vrai pour les monnaies à monopole territorial le serait encore plus pour les monnaies en concurrence sur un même territoire. En effet, dès lors que vous avez accès à plusieurs monnaies, une tricherie sur l’une d’entre elles n’affectera que la portion de vos avoirs libellés dans cette monnaie, portion aussi réduite que possible parce que vous gérez votre patrimoine en bon père de famille. Voilà qui ne peut que renforcer la sécurité des capitaux, donc la confiance indispensable à la prospérité économique.

                • Encore désolé, cela ne nous a pas affecté parce que nous n’avions aucun actif dans ces pays ni en ces monnaies, ce qui ne serait pas du tout le cas avec des monnaies privées sur le même territoire, comme vous l’expliquez d’ailleurs.

                  Les banques sont championne des gestion ‘en bon père de famille’ donc elles aussi se couvriraient les unes les autres. Donc à part monter une usine à gaz légale, très difficile d’éviter les effets dominos, d’autant plus que plus une monnaie est petite en volume, plus elle est fragile.

                  Je vois pas en quoi l’Etat qui émettrait des obligations en 100 monnaies différentes serait moins susceptible d’aspirer les liquidités dans ses dettes et de bricoler … bien au contraire.

                  Bref, je suis loin d’être convaincu : je pense qu’au contraire, au plus une monnaie est importante en volume et en couverture géographique et au plus ses volumes sont gérés globalement, au plus l’économie se détache de l’influence de cette monnaie : il est alors bien plus facile d’avoir le volume de monnaie qu’il faut pour permettre à l’économie d’investir et de se développer.

                  • « nous n’avions aucun actif dans ces pays » : renseignez-vous un peu !

                    « je pense qu’au contraire… » : vous avez un exemple sous les yeux démontrant que vos craintes se réalisent malgré une monnaie à base élargie. Est-il si énorme que vous ne le voyiez pas, par manque de perspective ou de contraste ? Et malgré l’évidence, vous en redemandez, toujours plus ? On pouvait soutenir l’idée de l’indépendance de l’euro contre le retour monnaies nationales aux mains des politiciens locaux. Mais après la faute majeure et injustifiable du QE, au vu des comédies de maîtrise budgétaire grecques ou françaises, ce n’est à l’évidence plus le cas. Maintenant qu’il est démontré que l’euro n’est plus qu’une monnaie de pacotille, autant revenir aux monnaies nationales ! Les marchés ne s’y trompent pas : le nombre d’investisseurs persuadés que l’euro va exploser d’ici un ou deux ans vient d’augmenter soudainement. Ils vont investir en conséquence.

                    En vérité, le volume de monnaie ne change strictement rien à l’affaire. C’est plutôt l’absence de concurrence qui se trouve à la source de l’irresponsabilité, des turpitudes, des abus de pouvoir. Usine à gaz ? En quoi un marché des changes est-il plus ou moins une usine à gaz qu’un marché interbancaire ? On se le demande… Ce n’est pas parce que vous ne disposez pas (ou peu) d’informations sur un sujet qu’il est moins compliqué pour autant. On peut à la rigueur supposer avec vous que la concurrence ne changerait rien au monopole sur ce point précis. Il est donc préférable de passer à la concurrence, pour tous les autres avantages obtenus par ailleurs.

                    Par ailleurs, on ne voit pas pourquoi des banques libres prêteraient systématiquement à l’Etat. Certaines le feraient peut-être, mais ne doutez pas qu’elles se couvriraient du risque de défaut souverain en exigeant non seulement des taux stratosphériques mais également des gages tangibles (foncier, immobilier, or, argent, etc.) Plus nombreuses seraient celles qui refuseraient ce genre d’opérations douteuses par souci éthique, ou sous la pression de leurs actionnaires et clients scandalisés. Mais plus essentiel, vous auriez le choix des monnaies en fonction de votre appétence personnelle pour le profil de risque de chaque banque.

                    Quoi qu’il en soit, monnaie monopole ou concurrence monétaire, l’interdiction pure et simple des dettes publiques doit être envisagée, éliminant ainsi les multiples crises qui en résultent et favorisant enfin le respect des principes démocratiques élémentaires. Par construction, les dettes publiques sont contraires au principe dictant que « les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée. » Quand vous vous trouvez engagé par une dette que vous n’avez jamais voté, vous perdez tout contrôle démocratique. La dette publique méprise et détruit la démocratie aussi sûrement qu’une dictature.

                    • Je ne m’étendrais pas sur la démocratie, ce n’est pas le sujet.

                      Qui voulez-vous qui soit en mesure d’imposer aux Etats la réduction de leur dette ? Vous pensez vraiment que des banques privées qui monétiseraient ne feraient aucune connivence avec l’Etat : qu’une petite banque en situation de concurrence n’aurait aucune tentation de connivence ?

                      Déjà dans la situation actuelle, qui est loin d’être mirobolante, les banques (qui ne maitrisent pas les monnaies, et en sont quand même bridées) préfèrent prêter aux Etats, à des taux ridicules qu’aux particuliers et aux entreprises …

                      Juste : vous imaginez ce qui peut se passer dans la tête d’un socialiste en voyant des banques privées monétaires … J’entend le mot ‘nationalisation’ tellement fort que s’en est assourdissant.

                      Je ne dis pas que l’option monétariste soit exempte de défaut (en particulier la facilitation des bulles), mais son gros avantage est de séparer politique budgétaire et politique monétaire, c’est à dire de mettre les Etats en face de leurs responsabilités.

                      Je pense qu’il faut juste que cela monte aux cerveaux des gens, ce qui au vu des très mauvaises habitudes peut prendre un certain temps : clairement, avec une vraie politique monétariste, les Etats ne pourront pas tenir longtemps sans réduire leurs déficit à 0%

                    • « les banques (qui ne maitrisent pas les monnaies, et en sont quand même bridées) préfèrent prêter aux Etats »
                      Croyez-vous vraiment que les IFM prêtent dans la joie et la bonne humeur à taux réels négatifs à des créanciers qu’elles savent impécunieux, alors que le risque de désintégration de la zone monétaire vient d’augmenter sensiblement ? La réglementation les y contraint, cette même réglementation qui risque de saper le QE de SuperMariole, tout en préparant, à compter de 2016, la spoliation massive des comptes courants des déposants.

                      L’alignement des planètes, ça semble sympathique, ça donne l’illusion de la reprise, jusqu’au moment où on s’aperçoit que les planètes vont se rentrer dedans.

                    • On verra bien … de toute façon les mêmes causes produisent les mêmes effets : avec les chiffres de déficit budgétaire que la France a, si elle avait une monnaie nationale indexée, on aurait sans aucun doute dévalué un paquet de fois, avec une inflation entre 10 et 25% … le joli scénario qui est écrit dans le programme des Front (N et G) d’ailleurs … la dette n’est qu’un buffer qui montre l’incurie des politiques budgétaires, alors qu’avant elles étaient cachées par les bricolages en tout genre et ‘disparaissaient’ comme par miracle …

                      Au moins la politique monétariste oblige les bricoleurs a se poser les bonnes questions : avec une inflation / déflation sempiternellement à 0, même des hallucinés comme Tsipras sentent qu’ils sont tenus par les c…

        • J’ai lu beaucoup sur l’histoire du free banking pratiqué dans divers pays à diverses époques. Ma conclusion est que ce fut un franc succès. J’ai des listes d’articles sur mon blog. Voir ici.

  • Fermer les banques centrales et les remplacer par une monnaie fondée sur l’or et l’argent devient une urgence mondiale…Voir l’exemple de la crise de 29 causé par un dérèglement du crédit…

  • Les banques centrales ont pour but fondamental d’empêcher les individus qui font de mauvais choix de faire face aux conséquences de leurs actes. Pour rendre cela acceptable, il suffit d’utiliser le bon vieux trux de la théorie du ruissellement, à l’effet que si un grand nombre de cigales s’imaginent amasser une grande fortune en chantant et se retrouvent à l’automne sans le sou, les fourmis n’auraient plus de clients à qui vendre leurs surplus de nourriture.

    Parce que l’hypothèse cachée derrière tout celà, c’est que la monnaie de singe de la banque centrale représente une « valeur fondamentale », alors qu’en réalité, il n’en est rien.

    En termes moins figurés, les banques centrales vont chercher des raisons d’introduire de la viscosité dans les marchés afin de les manipuler indirectement tout en prétendant conserver leur liberté naturelle. Ceci permet de préserver grosso-modo le pouvoir des gens proches de la banque centrale qui peut créer la dette, de la même manière que les gens proches d’un parti communiste consolident leur pouvoir à travers le pouvoir de taxation.

  • En tout cas, les jours, les années passent… Et les gens ne se rendent même plus compte de l’énormité de la situation dans laquelle nous nous trouvons.

    Savez-vous quand remonte le dernier mouvement de taux de la part de la banque centrale anglaise ?

    Mars 2009, quand la BOE coupa ses taux à 0,5%

    Six ans…. ! Six ans avec des taux au plancher, et pourtant, chaque matin, c’est la « reprise » hein.

    Autre énormité : la BCE qui dévoile ce jour les détails de son QE… Elle se permet et permet aux banques nationales (dans ce cas la banque de france) d’acheter du papier… de la CADES et de l’UNEDIC !

    Sécu et chômage… !

    Fort quand même. Draghi est le parfait allié de Hollande.

    Bref, ces débats sémantiques sur « bulle » ou pas « bulle » sont obscènes, quand la réalité impose de comprendre que les banques centrales sont des outils… politiques, et absolument pas des entités « indépendantes ».

  • Aussi bonnes soient les intentions, toute planification centralisée est vouée à l’échec, ça vaut particulièrement pour la monnaie et le crédit.

    • Vous avez parfaitement résumé ma pensée. Dans un monde de plus en plus décentralisé à tout niveau (intellectuel, économique, technologique, sécuritaire, …), aucune solution centralisée ne peut fonctionner.

      • Le fait que tout les pays utilisent l’anglais comme langue commerciale et le système métrique comme mesure n’a absolument aucun impact sur l’efficacité économique, bien au contraire : ce sont ces éléments qui permettent la décentralisation en rendant les échanges possibles.

        • Vous confondez standards et systèmes centralisés.
          Un standard est utilisé par – presque – tout le monde permettant aux individus de se comprendre lorsqu’ils communiquent ensemble et utilisent le même standard. La plupart des standards se sont d’ailleurs imposés par la base.
          Un système centralisé est un système très impactant qui s’adapte difficilement et qui impose son point de vue à autrui.

          • Oui, c’est justement les standards(de communication et d’échange) qui permettent la plus grande décentralisation des décisions et des actions

          • La monnaie est un standard qui permet les échanges en formant les prix. Enfin c’est la principale (sinon la seule) valeur réelle apportée par la monnaie.

            • Si vous avez une bonne monnaie, il est facile de comprendre que cela va améliorer la croissance économique. C’est un autre +.

              • Oui je suis d’accord avec le fond de l’article : c’est bien le ´bon’ volume monétaire qui est nécessaire à l’économie,

                A partir de là deux options : soit on adapte en permanence le volume pour assurer une stabilité relative (moyenne) des prix soit on cherche une réfèrence absolue et on est alors limité par la monnaie ce qui permet toutes les manipulations possibles (qu’elles viennent des régulateurs keynésiens ou des spéculateurs)

                A court terme la première options est difficile à mettre en œuvre parce qu’elle oblige tous les acteurs importants dont les États a faire le ménage bufgetttaire mais elle est largement payante à long terme contrairement a la seconde qui laisse la monnaie aux mains des petits malins.

  • Intéressante présentation d’un sujet pas si simple à aborder.

  • Les commentaires sont fermés.

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