Non à la suppression du Sénat, oui à sa réforme

Plutôt que d’envisager la suppression du Sénat, il serait préférable de renforcer son autonomie vis-à-vis du gouvernement.

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Sénat (Crédits sénat sénat, licence creative commons)

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Non à la suppression du Sénat, oui à sa réforme

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 2 mars 2015
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Plutôt que d’envisager la suppression du Sénat, il serait préférable de renforcer son autonomie vis-à-vis du gouvernement. Quelques propositions en ce sens.

Par Jean-Baptiste Noé

Sénat (Crédits sénat sénat, licence creative commons)
Sénat (Crédits sénat, licence creative commons)

 

L’incantation répétée sur la nécessité de supprimer le Sénat cache en fait une méconnaissance totale de nos institutions. Ceux qui prônent sa suppression devraient au moins commencer par lire la constitution de la Ve République pour comprendre à quel point le Sénat est essentiel au fonctionnement de notre vie politique. L’erreur de beaucoup est de croire que c’est une Assemblée Nationale bis. Ce n’est pas le cas : c’est la chambre des territoires, représentant les élus locaux, c’est-à-dire des personnes qui, contrairement à la population électorale de l’Assemblée Nationale, connaissent les règles de fonctionnement de l’administration locale et nationale, et sont au fait des enjeux d’aménagement du territoire. Le Sénat est la seule chambre véritablement autonome par rapport au gouvernement.

réforme du sénat rené le honzecOn l’a constaté lorsque le Sénat était à gauche, jusqu’en 2014, et où de nombreuses lois portées par le gouvernement ont été retoquées. Nul doute que si la droite gagne en 2017, elle trouvera dans la Chambre haute une opposition qui lui fera défaut à l’Assemblée. Avec la réforme du quinquennat, l’Assemblée est élue dans la foulée de l’élection présidentielle, et il est fort peu probable que les députés soient d’une autre couleur politique que le président. Devant leur élection à cet homme, et leur réélection étant conditionnée à la sienne, sauf dans les circonscriptions à électorat acquis, les députés ne peuvent être que les godillots d’un gouvernement tout puissant. Nous le constatons en ce moment : même si de nombreux élus PS sont opposés à la politique de Manuel Valls, ils n’ont pas voté la défiance du gouvernement.

À l’inverse, élus par des élus locaux, dans une élection où les étiquettes politiques comptent peu, les sénateurs ont une réelle indépendance par rapport à l’exécutif. Bénéficiant d’une expérience certaine de la gestion publique, ils sont très efficaces lorsqu’il s’agit d’aborder les sujets de fond de la politique nationale. C’est cette indépendance et cet usage des compétences que l’on pourrait renforcer en apportant quelques réformes essentielles à une chambre indispensable :

1. Sur une chambre composée de 300 sénateurs, 100 sénateurs nommés à vie et âgés, à ce moment là de 50 à 70 ans ; 40 seraient élus par leurs pairs, les 60 autres à proportion égale, par le Président de la République, le Président du Sénat, et par celui de l’Assemblée nationale. Ils devraient avoir effectué au moins deux mandats d’élu local. Un sénateur ne pourrait être remplacé qu’à sa mort.

Nommés à vie, et bénéficiant d’une large expérience d’un mandat local, ces hommes seraient tout à la fois indépendants et compétents. Sous la Restauration, le Second Empire et les débuts de la IIIe République, il y avait des pairs de France puis des sénateurs nommés à vie. Ils ont été supprimés par calcul politique, dans un premier temps afin de limiter leurs accointances supposées avec le régime en place, pour, à l’inverse, se rendre compte qu’ils pouvaient en être les plus farouches opposants. Ne devant plus rien à personne, ils peuvent se permettre de faire les remarques qu’ils estiment essentielles.

2. Les 200 autres sénateurs élus pour un mandat non renouvelable de 10 ans. C’est là encore la garantie de leur indépendance. Cette durée laisse aussi le temps d’une bonne connaissance et approfondissement des dossiers. Comme aujourd’hui, ils seraient élus par le collège des grands électeurs.

3. Donner au Sénat la décision finale sur les lois. C’est aujourd’hui l’Assemblée qui a le dernier mot. En permettant au Sénat de clore les textes législatifs, on évite les passages en force du gouvernement et son autoritarisme.

Ces réformes permettraient de renforcer l’indépendance des parlementaires, notamment par rapport aux aléas électoraux, et de limiter, autant que faire se peut, la démagogie et les mensonges inhérents au système démocratique universel.


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  • Touchez pas au sénat, il fonctionne pas mal comme il est.
    C’est l’assemblée nationale qui a besoin d’un bon coup de réforme, elle ne sert plus à rien d’utile depuis la synchronisation du calendrier qui en a fait une dépendance de l’Elysée. Pire même, elle ne sert qu’à pousser vers ce que même le gouvernement du même bord trouve extrême (à l’image des « frondeurs » aujourd’hui).

  • Il faudrait surtout baisser leur nombre, leurs privilèges et en faire un vrai contre-pouvoir en le fusionnant avec la Cour des Comptes et le Conseil Constitutionnel. Une véritable assemblée moins gangrénée par l’esprit partisan et chargée de faire respecter voir de censurer les lois ou budgets en contravention de la Constitution (qui inclue les traités dont le Pacte de Stabilité). Le problème de la Vème République c’est qu’en voulant assurer plus de stabilité, on a ouvert la porte à l’amateurisme en politique. Les parlementaires n’ayant que peu de contrepouvoir, c’est la porte ouverte aux incompétents ou aux retraités de la vie politique (dans le cas du Sénat).

    A titre d’exemple, un reportage du Petit Journal pendant les sénatoriales a montré certains sénateurs (dont Esther Benbassa) incapables d’expliquer quel était le rôle du Sénat. C’est une honte.

    Idéalement il faudrait plutôt une assemblée de 100 Membres : Une partie d’Élus des collectivités à la proportionnelle. Mandat unique non cumulable (interdiction d’absentéisme) non renouvelable de 10 ans. Une partie plus techno avec des juristes/finance éco ou hauts fonctionnaires nommés par les anciens présidents+Président de l’AN.

  • mouef,

    je pense que ce sont surtout les acteurs et non les règles qui sont mauvais.

    par ailleurs, l’instauration du quinquennat et le couplage élection présidentielle et élection législative font que l’assemblé et le gouvernement sont systématiquement de la même couleur politique : ce n’était pas le souhait du fondateur de la Vème selon Alain Peyrefitte.

  • si, si ; il faut supprimer le sénat. Diminuer les dépenses de l’état obèse.
    Et pas que le sénat !!

  • peut etre pas supprimer mais reduire le nombre de sénateurs a un par département de même pour les députés,cela ferait 600 a ne pas engraisser avec notre pognon,plus tout ce quji va avec,secretariat permanences etc etc c’est au moins 1 milliard économisé

  • Le plus grand défaut de notre Parlement c’est de ne pas faire usage de ses prérogatives pour contrôler les dépenses du Gouvernement ! C’est donc le contribuable qui n’y est pas assez représenté. Au Parlement et au Gouvernement les payeurs (net) d’impôts (secteur privé taxé) sont moins nombreux que les mangeurs d’impôts (secteur public et subventionné).

    Par ailleurs le ratio ressources propres / dotation+péréquation baisse dans de nombreuses collectivités locales (dites pauvres, mais en fait ruinées par le clientélisme local). Le suffrage indirect de collectivités largement subventionnées par l’Etat peut-il aboutir à une chambre haute favorable à la baisse des dotations ?

  • Désolé, mais votre argument tombe à l’eau.

    Illustration :
    -mon organisation administrative est cauchemardesque
    -les sénateurs connaissent, localement, les spécificités administratives
    -ergo : le sénat est nécessaire car cela… permet de faire tourner la boutique !

    Je caricature… mais à peine.

    Vous cherchez simplement à justifier l’injustifiable. Il faut bien entendu attaquer le problème en amont.

    Cassez le délire administratif français, et vous verrez que vous n’éprouverez plus le besoin d’avoir un Sénat.

    CQFD.

    L’audace, la radicalité, c’est cela.

    La Vème république est à bout de souffle… Il faut être aveugle pour ne pas le voir.

    Il faut tout revoir, à l’aune du 21ème siècle. Et le Sénat ne peut -bien entendu- pas être épargné par une telle révision.

    Je ne fais pas une obsession sur nos pauvres vieux sénateurs (la plus belle sinécure de la république, et la meilleure cantine)… Je mets les préfets (autre exemple) dans le même sac.

    Les bras armés de l’Etat à une « journée de cheval » de la capitale, et des pigeons voyageurs comme moyen de communication… en 2014 faut arrêter hein.

  • Vers la constitution de la liberté de Hyek ? Très bien continuez…

  • Le bicamérisme est une condition essentielle du bon fonctionnement du pouvoir législatif car il atténue les nuisances anti-démocratiques et liberticides qu’une seule Chambre représentant une opinion publique passagère pourrait causer. L’exemple de la Révolution Française avec son Assemblée Législative puis sa Convention en est l’illustration sanglante.
    Tous de pays démocratiques ont une Chambre Haute et une Chambre Basse. Les Chambres basses avec leurs députés sont toutes bâties sur le même principe: les députés représentent la diversité des opinions politiques d’une population dans son ensemble.
    Les Chambres Hautes ont une composition différente. La plupart des pays démocratiques sont des fédérations même si cela n’apparaît pas dans le nom officiel du Pays – Espagne, Italie par exemple mais on peut en faire une liste assez longue.
    Pour la Chambre Haute de tels pays, la démographie n’entre pas en ligne de compte. Ce qui préside à la désignation de ses élus, c’est le souci que chaque province ou communauté (Espagne) soit également représentée quelle que soit la taille de sa population, ce que l’on retrouve dans les Etats affichant dans leur nom qu’ils sont fédéraux. Ainsi, une petite province, mal représentée à la Chambre Basse, est assurée d’avoir le même nombre d’élus qu’une grosse province. C’est une manière d’annihiler toute tentation centrifuge pouvant aller jusqu’à la sécession – pas toujours, voir ce qui se passe en Catalogne ou encore au Quebec.
    L’exemple anglais a d’autres fondations. Le Royaume Uni est une monarchie qui n’a pas connu la révolution française et l’a d’ailleurs vaincue à Waterloo. Ce royaume est passé tranquillement de la féodalité aux temps modernes et à la démocratie sans à coups sanglants. (la république d’Angleterre – Cromwell – qui eut une existence éphémère, rentre dans le contexte d’une guerre de religion entre un roi catholique et un parlement anglican ou puritain)
    Son régime parlementaire correspond à nos anciens Etats-Généraux qui chez nous n’étaient pas permanents mais qui le devinrent en Angleterre puis au Royaume Uni (la Magna Carta) dès le haut moyen âge. Une Chambre représente les Communes du royaume, l’autre la noblesse (lords héréditaires) et le clergé (lords spirituels) auxquels se rajoutèrent des juges au sommet de leur hiérarchie (les law lords) ainsi que des « pairs à vie » qui sont des membres éminents et reconnus de la société que la reine fait barons, exemple les anciens premiers ministres.
    La Chambre des lords actuels compte 603 pairs à vie, 92 lords héréditaires et 26 archevêques et évêques anglicans. Les Law Lords, depuis la réforme de 2009, ont quitté la Chambre des Lords et constituent actuellement les membres de la Cour Suprême du Royaume Uni

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