Et Dieu créa la Montbéliarde…

La Montbéliarde est une vache appréciée pour sa fertilité, sa longévité, sa résistance aux maladies. Elle supporte bien la vie au grand air et à la montagne. Elle s’exporte maintenant jusqu’en Asie.

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Et Dieu créa la Montbéliarde…

Publié le 27 février 2015
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Par Michel Gay.

Droit dans les yeux credits Jean-Marc Desfilhes (CC BY-NC-SA 2.0)
Droit dans les yeux credits Jean-Marc Desfilhes (CC BY-NC-SA 2.0)

 

En 1710, une décision politico-religieuse locale prise par Leurs Excellences de Berne, en Suisse, allait ébranler de proche en proche, et au fil des siècles, la vie des paysans en Franche-Comté puis dans le Jura, l’Auvergne, les Alpes, les Flandres, et maintenant le Maroc et même l’Argentine, l’Australie et la Mongolie.

Cet événement initial, passé inaperçu dans les soubresauts de l’Histoire, a pourtant contribué involontairement à améliorer le niveau de vie des éleveurs, le développement économique de la France, et la santé d’une partie de l’humanité.

Cette année-là, une cinquantaine d’anabaptistes est expulsée du canton de Berne. Il s’agit de mennonites parmi les membres les plus radicaux de ce mouvement issu de la Réforme, et dont un autre mouvement dissident donnera les fameux Amish1.

Après avoir songé à les envoyer en Amérique, ils sont finalement accueillis en Franche-Comté avec leurs vaches Simmental, dans la région de Montbéliard, où le seigneur des lieux, Léopold-Eberhard de Wurtemberg, leur attribue des terres autour de la localité d’Héricourt (Haute-Saône). Ils fondèrent notamment une ferme à Essouavre2, qui semble être un des points de départ de la lente sélection qui allait aboutir à « la Montbéliarde3« , descendante de l’Auroch qui vivait dans l’arc jurassien il y a… 6000 ans.

Jusqu’en 1793, date à laquelle Montbéliard fut annexée par la France, la ville faisait partie du Saint-Empire romain germanique. Elle formait le cœur du comté fondé par l’empereur Henri III en 1042 et qui devint ensuite la principauté de Montbéliard (« Grafschaft Mömpelgard »). Au XVIe siècle, Montbéliard avait adhéré à la Réforme protestante, de même que la République de Mulhouse et quelques cités suisses.

Auparavant, l’Alsace étant devenue française en 1648, un édit de Louis XIV obligea les protestants, et notamment les anabaptistes, à fuir pour s’installer en Lorraine, et… au pays de Montbéliard. Ces terres ne dépendaient pas alors de la couronne de France. Actuellement, on retrouve les mennonites français principalement dans ces régions.

hollande vache rené le honzecDurant son règne, Léopold-Eberhard s’est surtout distingué par ses mœurs déplacées. Méprisé de ses sujets pour ses injustices et la vie licencieuse qu’il menait publiquement, il s’attacha par des méthodes frauduleuses à augmenter ses biens. En 1713, il envoya, dans chaque localité, des agents chargés de saisir en son nom les biens immobiliers dont les possesseurs étaient hors d’état de produire les titres de propriété. Cette mesure entraîna de nombreuses expropriations. Les habitants craintifs et peu instruits n’osèrent pas s’y opposer. Le prince plaça ses fermiers, dont des anabaptistes, dans de grands domaines, notamment à Etobon (près d’Héricourt). Chèvres et moutons fournissaient alors principalement le lait nécessaire à la fabrication du fromage.

Les anabaptistes introduisirent de bonnes pratiques dans le pays pour la culture des terres et l’élevage. Ils exercèrent une influence sur les populations locales qui, peu à peu, renoncèrent à leur routine. Ils « créèrent » ce qui deviendra la vache « Comtoise » puis « la Montbéliarde » par des croisements avec des races locales (Taurache et Fémeline). Elle sera nommée ainsi en 1872 pour la première fois à la foire agricole de Langres, par un éleveur anabaptiste de Couthenans (près de Montbéliard).

À cette date, la vache montbéliardaise était appelée « l’Alsacienne ». Cependant, après la défaite de la France en 1871 et la perte de l’Alsace, les éleveurs du Pays de Montbéliard considérèrent que leurs vaches ne pouvaient porter le nom d’une province perdue. Les mennonites se rappelèrent alors que leurs ancêtres avaient été bien accueillis par le prince Léopold-Eberhard de Wurtemberg. Ils donnèrent à leurs bêtes le nom de « Montbéliarde » et elle fut reconnue en tant que race en 1889.

Dans les campagnes, les paysans se sont longtemps désintéressés de la sélection du bétail. Seule la reproduction comptait. Le taureau du village servait seulement au troupeau de la commune. L’obsession céréalière a également été longtemps un frein à l’extension des surfaces herbeuses car les paysans avaient peur de manquer de pain. Il n’y a donc pas eu vraiment d’économie laitière avant 1850.

À partir de 1850, la lente adoption de la Montbéliarde va révolutionner le cheptel comtois en devenant un pilier de la filière laitière. Mais cela ne se fera pas sans heurt, sans réunions houleuses et même sans affrontements jusque dans les années 1980. Ainsi, en 1964, un ingénieur agronome jurassien « frondeur » (Émile Richème) dû s’exiler en Haute-Saône parce que son programme novateur d’élevage et de sélection heurtait de front les vieilles habitudes. En 1980, des batailles rangées eurent lieu entre « richémistes » et leurs adversaires « légalistes » appuyés par des CRS et des hélicoptères !

La commune des Fins, dans le Val de Morteau, a été un des hauts lieux de l’essor de la race Montbéliarde grâce à l’action de lignées d’éleveurs, notamment les Mamet. Le cheptel français compte aujourd’hui environ 700.000 bêtes qui consomment chacune 100 kg d’herbe chaque jour et qui fournissent de 6000 à 7000 litres de lait par an pour fabriquer, entre autres produits, des fromages comme le Comté, le Cantal, le Reblochon ou le Beaufort.

Aujourd’hui, la Montbéliarde est une race appréciée pour sa fertilité, sa longévité, sa résistance aux maladies. Bonne marcheuse, elle supporte bien la vie au grand air et à la montagne. Elle est devenue un marqueur identitaire de la Franche-Comté autant, sinon plus, que le lion comtois.

En septembre 2013, 155 Montbéliardes se sont envolées par avion pour la Mongolie, et, dorénavant, des paillettes congelées de semence de la Montbéliarde voyagent par avion partout dans le monde.

  1. En 1693, Jakob Amman, un des principaux leaders de l’anabaptisme, en divergence théologique avec la branche suisse des Mennonites, fonde le mouvement Amish.
  2.  Commune de Saulnot (70400).
  3.  La Montbéliarde appartient au rameau « pie rouge » des montagnes. C’est une cousine de la Simmental suisse. Elle a été croisée avec des races locales, notamment la Taurache et la Fémeline.
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  • A la montagne on a une race, l’herens, que l’on fait combattre lors de la descente des alpages donc début septembre, pour élire la reine, C’est impressionnant! Qd vous en croisez une en alpage vous faites pas la malin 🙂
    Belle histoire 😉

  • en fait, la montbéliarde est un peu prise en étaux entre la race holstein, plus productive en lait, plus vigoureuse au stade juvénile ( il est trés facile de faire veler une génisse holstein à deux ans alors que ce n’est vraiment pas conseillé chez la montbéliarde … ) et qui est l’étendard des éleveurs laitiers spécialisés, et les races vraiment rustique:
    comme la simmental, dont la mixité, la grande vigueur juvénile, la richesse du lait en taux protéique, reste incoutournable dans tout l’arc alpin, et de plus en plus populaire chez ceux qui cherche à produire de manière plus intelligente.
    ou la jersiaise, qui se distingue par la richesse de son lait, sa prolificité recort, sa facilité de vêlage, sa capacité à transformer des fourrage grossier en lait ainsi que sa gentillesse …
    il faut savoir aussi que la race montbéliarde possède une base génétique très étroite, et que l’obsession de ses promoteurs à vouloir courir derrière la holstein en terme de productivité laitière depuis 30 ans, a fait multiplier les croisements consanguins, affaiblissant largement sa rusticité originelle.
    pour moi, le meilleurs atout de la montbéliarde, reste encore sa capacité à produire des veaux croisés ( avec un taureau ou des semences charollaises ) à forte valeur à 25 – 35 jours ( de 350 à 550 euros )

  • « La montbéliarde […] est devenue un marqueur identitaire […], autant sinon plus que le lion comtois ».
    Essayez de traire un lion, vous comprendrez pourquoi.

  • Mais concrètement, la montbéliarde elle produit du lactel ou du candia?

    • La valeur ajoutée est de faire du comté, du mont d’or, du mamirolle…
      Le lait en tant que produit est secondaire sur cette race.

      Merci de valoriser cette race méconnue, pourtant très intéressante.

  • A quoi reconnait-on la Montbéliarde parmi les vaches à robe rousse et blanche ?
    Elle a toujours une tête complètement blanche.

  • Pour l’anecdote, Un des défauts de la montbéliarde, c’est de faire des veaux qui sont extrêmement têtus à faire boire au seau. Cela peut paraitre mineur, mais ça a déjà rebuté certains éleveurs .

    • je n’ai jamais eu de problème pour faire boire les miennes, mais c’est vrai que la montbéliarde n’est pas forcément la plus facile à élever : cela peut poser des problèmes économiques assez sérieux, si notamment l’éleveur groupe les vélages sur une partie de l’année : comme il ne peut guère faire veler ses génisses au bout de deux ans ( elles ne seraient pas assez lourde … ) il est obliger d’attendre 3 ans ! quand on sait que dans l’élevage moderne, le taux de réforme est parfois extrèmement important ( non fertilité, accident divers, leucocyte … ) et qu’ainsi, parfois , le nombre moyen de lactations ne dépasse pas le chiffre de 2,5 et que la valeur de la carcasse d’une vache de réforme est trés inférieur au coût de l’élevage de la génisse qui va la remplacer, on imagine facilement les problèmes de rentabilité que cela engendre…
      en californie, dans l’élevage laitier hyperintensif, les primholsteins n’arrivaient plus à produire un nombre de génisses suffisantes et la survie même de ce type d’élevage était posé : les éleveurs ont du croiser avec de la montbéliarde, de la scandinave et probablement de la ayrsher, pour insuffler un peu de rusticité et d’effet hétérosis, même si évidemment , la productivité en lait a baissé …

  • Le « herbock » quelque chose comme cela organisme de sélection ?

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