Après la marche républicaine : quelle laïcité défendre ?

Quelques réflexions de Jacques Garello sur la « laïcité d’État » et ses limites.

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Après la marche républicaine : quelle laïcité défendre ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 28 janvier 2015
- A +

Par Jacques Garello.

012014_religion_laique_credit_alepsIl y aura un « après 11 janvier », nous dit-on. La « marche républicaine » ouvrirait une ère nouvelle, la barbarie devrait être anéantie, l’union nationale devrait se prolonger. Qui ne se réjouirait de telles perspectives ? Mais je m’interroge sur les arguments et les moyens envisagés pour bâtir une France nouvelle, du moins à court terme.

Mon scepticisme est total quand j’entends que l’on met la laïcité au cœur du dispositif de renaissance nationale. Certes la laïcité pourrait être la solution si on la concevait comme le principe du libre choix individuel de sa religion. On parlerait alors de « laïcité libérale », reconnue comme un droit fondamental de tout être humain. Mais elle est devenue le problème du jour où elle est devenue « laïcité d’État », interdiction de se référer à une religion dans la vie publique, dans toute relation sociale. Dieu doit être exclu de la société et l’État doit y veiller. Et il y a veillé avec beaucoup de soin à ce jour.

Depuis plus d’un siècle, la gauche milite pour un « service public unique et laïque de l’Éducation Nationale », le fameux Spulen du programme commun formulé en 1973. Le monopole d’État a complètement failli, parce qu’il n’a que faire de la religion, puisqu’il est lui-même religion. La laïcité est devenue « le nouveau Christianisme » comme disait Saint Simon au début du 19ème siècle pour expliquer la naissance et le développement de la religion socialiste.

Mais y a-t-il une religion sans Dieu ? Chassez le naturel, il revient au galop. Par nature imparfait, l’être humain est en recherche de perfection. Il aspire à donner un sens à la vie, à sa vie. Les religions monothéistes sont des passerelles avec Dieu. Retirez les passerelles et c’est la chute. C’est le vide religieux sidéral. Il crée un appel d’air dans lequel vont s’engouffrer tous les orphelins de Dieu.

C’est sans doute ce qui a attiré tant de jeunes vers une religion qui avait au moins un mérite : elle existait, elle signifiait (à tort sans doute) la victoire sur tous les autres, y compris les plus puissants. Nul doute que l’ambition politique des dirigeants islamistes, et surtout des sunnites qui ont toujours prôné un Islam mondialisé, ait fait beaucoup pour diffuser le « rêve musulman » et le transformer en réalité barbare. Mais cet impérialisme et ce radicalisme n’auraient pas reçu autant d’adeptes s’il y avait eu en face quelque ferme croyance des « incroyants ».

L’incroyance est à son tour la conséquence du système éducatif. Qu’il y ait ici carence de la famille et de l’école, et les jeunes sont livrés aux manipulations de toutes sortes. Il serait temps de revenir à une vraie liberté religieuse, qui inclut en particulier une vraie liberté scolaire : la possibilité d’ouvrir des établissements vraiment autonomes où l’on pourrait parler de Dieu aux enfants et aux jeunes. Ici, on objecte souvent le danger des écoles coraniques, mais combien de temps pourraient-elles supporter la concurrence des écoles religieuses, catholiques, juives ou protestantes, qui exercent aujourd’hui un tel attrait sur les familles, en dépit des privilèges et des interdits qui permettent à l’État de garder la main sur l’ensemble du système d’enseignement ? Ce n’est pas par hasard que l’on voit à nouveau autant de jeunes dans les églises, ou dans les « manifs pour tous » : la majorité d’entre eux sont issus de l’école libre – fût-elle en liberté surveillée. Mais ces jeunes sont des privilégiés, ils ont échappé, avec l’aide de parents croyants, aux délires intellectuels et pédagogiques de l’Éducation Nationale : ils n’ont pas été élevés dans la religion d’État.

La concurrence des religions est ainsi le seul moyen d’éviter les guerres de religion. Gary Becker, prix Nobel 1992, rappelait à juste titre que les vertus de la concurrence s’expriment dans tous les domaines, et pas seulement entre les producteurs. La concurrence est exigence, elle doit répondre aux attentes. Elle seule peut donc combler le vide religieux où la laïcité d’État a précipité les jeunes générations.

Je ne fais pas pour autant l’apologie du relativisme : si le choix est entre toutes religions, certaines répondent sans doute mieux à la liberté et la dignité de la personne humaine. Le chemin de la Vérité n’est ni facile, ni unique ; et la découverte de Dieu procède d’une démarche personnelle, éclairée sans doute et par l’éducation et par la grâce divine.

Il serait peut-être temps de se convertir au christianisme, ou à toute autre religion concurrente, si l’on veut en finir avec la religion d’État, qui engendre le vide religieux et multiplie les conversions à la chaîne, les conversions qui enchaînent.

Comme d’autres l’ont dit, la crise dans laquelle l’Occident s’est plongé n’est pas essentiellement économique, elle est sociétale, elle est politique, elle est morale. Et l’Occident ne s’en sortira qu’au prix d’une renaissance spirituelle. Des millions de Chrétiens d’Orient persécutés ont aujourd’hui le courage de nous montrer la voie.

Que la foi se perde et la peur grandit. La peur sème la haine, engendre la xénophobie, assimile l’immigration à une croisade. « N’ayez pas peur ! » : la célèbre apostrophe de Saint Jean Paul II a trouvé un écho dans le « Nous n’aurons pas peur » du 11 janvier. L’après 11 janvier ne peut être salutaire que s’il rompt avec la laïcité d’État et libère la foi.


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  • Oh oh ! Je prévois un vent de commentaires de force 9; tous aux abris !

    Entre les gauchistes directement attaqués (par exemple ce discours est impossible à tenir en salle des profs, c’est la bronca assurée) et les libéraux qui se pensent libérés par ce qu’ils ne croient plus en rien, ça nous fait un paquet de gens outrés.

    « Il serait peut-être temps de se convertir au christianisme », j’adore le culot de notre ami Jacques.

    • Je ne crois pas qu’on puisse être libéral en ne croyant en rien. Il faut absolument croire en quelque chose pour pouvoir résister aux tentatives de manipulation du monde extérieur, ça élimine les religions où le dieu se comporte en dictateur, mais c’est tout.

      • Locke était du même avis : le libéralisme étant basé sur le contrat, donc sur la confiance, donc sur la foi, cela excluait les athées.

    • Vous n’avez rien compris au libéralisme.

  • Humm, je suis d’accord avec le constat mais je trouve Mr Garello peut empathique, il prêche pour sa paroisse comme le camp adverse en fait. L’état devient une religion c’est vrai, les demandes faites aux profs sont les mêmes que celles faites à un prêcheur. Alors imaginez si les profs faisaient exactement ce qu’on leur dit? On créerait un monde de bons petits soldats bien plus efficace qu’ ajd… Si on demandait aux hommes d’avoir fois, de croire en une religion, l’état serait là comme contre-poids, le monde serait tjs le même. Pour moi ce n’est pas une solution efficace.

  • Il me semble que le principe de laïcité appliqué aujourd’hui n’est plus le même qu’édité par Jules Ferry.
    De nos jours, l’école (et par extension le service publique) doit nier la religion. La seule chose qui nous rassemble c’est l’Etat qu’on appelle en ces temps « la République », la « citoyenneté ». Nier la religion c’est nier une part d’identité. On ne peut pas être français et chrétiens ou français et juif. Il faut être français et laïque dans le sens croire en l’Etat. Le message est là. On est dans le collectivisme pur et dur.

    De nos jours, il est interdit de montrer des signes de sa religion au sein du service publique. Jules ferry ne disait pas ça, il disait que l’éducation doit être la même pour tous, peu importe qui on est et d’où on vient.

  • La première chose à faire si l’état Français se veut laïque est de ne pas interféré avec la pratique religieuse.

    Comment un état peut se prétendre laïque quand on doit recevoir son approbation pour pouvoir se marier devant Dieu?

    Article 433-21 du code Pénal :
    « Tout ministre d’un culte qui procédera, de manière habituelle, aux cérémonies religieuses de mariage sans que ne lui ait été justifié l’acte de mariage préalablement reçu par les officiers de l’état civil sera puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. »

    En France il y a un Dieu en qui doit croire tout citoyen c’est l’Etat, un Dieu tout puissant qui sait ce qui est bon pour vous au point de pouvoir vous interdire d’épouser qui vous souhaitez devant votre Dieu.

    • La laïcité française est la religion d’Etat. Il ne faut pas chercher plus loin.

      Le mot a été tellement galvaudé que cela en devient risible.

  • Voilà un raisonnement bien biscornu. La foi aveugle tue mais vous voulez la libérer !

    L’école a pour but de diffuser des savoirs et non pas des croyances, ou encore des opinions. La foi n’a donc pas sa place à l’école.

    Je suis par contre d’accord avec vous lorsque vous évoquez le désenchantement du monde. Mais contrairement à vous, je ne m’en prendrait pas à la laïcité française, étant donné qu’on trouve un phénomène semblable dans quasiment tous les pays développés. J’y verrai plutôt la conséquence d’un consumérisme effréné source de frustration, ou encore d’un subjectivisme extrémisme dans certains discours. Plus généralement, si tellement de jeunes se tournent vers la religion, c’est sans aucun doute parce qu’ils ne sont pas satisfaits du monde terrestre.

  • Absolument du même avis : chapeau bas Mr Garello !

  • « Dieu doit être exclu de la société et l’État doit y veiller. Et il y a veillé avec beaucoup de soin à ce jour. »
    Bravo et merci M.Garello pour cet excellent résumé de la situation.
    C’est particulièrement vrai pour les chrétiens qui sont sommés en toutes circonstances de raser les murs et surtout ne jamais évoquer un point de vue religieux.

    Libérer l’école est une priorité.

  • « Mais y a-t-il une religion sans Dieu ? Chassez le naturel, il revient au galop. Par nature imparfait, l’être humain est en recherche de perfection. Il aspire à donner un sens à la vie, à sa vie. Les religions monothéistes sont des passerelles avec Dieu. Retirez les passerelles et c’est la chute. »

    il n’y a pas de religion sans dieu mais on peut croire en dieu sans religion

    « Dieu est en vous et tout autour de vous, pas dans des palais de bois et de pierre…..etc… « 

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