Les œufs d’or de la taxe sur les transactions financières

À l’heure où Michel Sapin tente de relancer la TTF à l’occasion de la réunion de l’Ecofin, un témoignage sur l’impact d’une telle taxe pour une entreprise d’investissement indépendante.

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Les œufs d’or de la taxe sur les transactions financières

Publié le 26 janvier 2015
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Un témoignage de Hugues Morin, Président de Mosaic Finance

bourse - crise financière - CC0 Pixabay

« Il crut que dans son corps elle avait un trésor.
Il la tua, l’ouvrit, et la trouva semblable
À celles dont les œufs ne lui rapportaient rien…
 »

Au plus fort de la crise financière, en 2009, je décidai de créer une entreprise d’investissement totalement indépendante, sans affiliation à un établissement bancaire ou institutionnel.

Créer une entreprise indépendante me semblait épouser les principes que la régulation voulait alors promouvoir dans l’industrie financière et qu’avec mes associés et collaborateurs, je partageais : la responsabilité financière personnelle des opérateurs et des dirigeants, la sécurité des transactions par la promotion des marchés organisés, l’absence de conflit d’intérêt avec des clients, la nécessité de renforcer l’encadrement et le contrôle des intervenants sous l’autorité de la Banque de France et de l’Autorité des marchés financiers.

Dans le prolongement d’une carrière de trading sur produits dérivés commencée dans la salle des marchés de la BNP, cette démarche n’avait rien d’exceptionnelle : comme moi, de nombreux traders ont monté des hedge funds, des analystes financiers ont créé des sociétés de gestion, des hommes de corporate finance ont constitué des fonds de private equity ou des boutiques spécialisées en fusions-acquisitions.

En revanche ma décision d’établir Mosaic Finance à Paris plutôt qu’à Londres ou Genève suscita l’étonnement.

Mosaic Finance, après un début chaotique, a connu un fort développement. Moins de cinq ans après son lancement, nous sommes l’un des leaders européens de la tenue de marché sur options sur actions et indices boursiers. Notre métier consiste à fournir de la liquidité sur les marchés organisés qui traitent ces produits dérivés, et donc à fournir aux investisseurs la contrepartie que la loi de l’offre et de la demande ne leur présente pas spontanément. L’enjeu premier de notre activité n’est pas de « spéculer », mais de contrôler et gérer strictement les risques de marché que nous prenons face à ces investisseurs pour lesquels nous agissons comme un assureur. Pour « réassurer » ce risque à notre tour, nous sommes conduits à réaliser des volumes très importants de transactions sur d’autres produits financiers, dont les actions sur lesquels portent ces produits dérivés.

Depuis lors, nous avons recruté plus de trente salariés, intervenant tous depuis Paris sur les huit marchés européens dont nous sommes membres, principalement de jeunes ingénieurs issus des écoles françaises au profil si convoité par les établissements anglo-saxons. Nous avons investi et continuons à investir plusieurs millions d’euros dans des technologies de pointe. Nous sommes assujettis à l’impôt sur les sociétés, payons la TVA sur nos achats et acquittons plus de 60% de charges patronales et taxes assises sur les salaires que nous versons.

En 2013 et 2014, notable exemple des « relocalisations » que la réussite de notre société encourage, nous avons finalisé le recrutement de plusieurs traders expérimentés installés depuis de nombreuses années à Londres, Genève ou Amsterdam et désireux de revenir s’établir à Paris.

Dans les années 90, la finance de marché a découvert bien avant les autres secteurs d’activités, la brutalité d’une concurrence mondiale, les marchés devenant électroniques et interconnectés. Les marges pratiquées dans notre métier, la tenue de marché sur options sur actions, se sont alors effondrées : elles sont aujourd’hui de l’ordre du « basis point », c’est-à-dire du centième de pourcent de la valeur de la transaction sur laquelle elles sont réalisées. Ce montant est à rapprocher des taux évoqués pour la taxe européenne sur les transactions financières, qui représentent de 1 à 20 fois la marge brute des activités visées (intermédiation, tenue de marché, activités d’arbitrage, prise en pension…).

Comment imaginer ainsi que l’application d’une TTF procurerait un bénéfice fiscal ? Comme dans la fable, elle tuerait les activités qui en sont l’assiette sans qu’elle ne rapporte rien, ou du moins entraînerait leur migration vers des contrées ou des produits y échappant. Ce n’est pas seulement la perte de TTF qui est en cause, mais aussi celle de toutes les recettes fiscales et sociales que génèrent ces activités et qui seront alors déversées ailleurs…

Ce résultat est d’autant plus paradoxal qu’appliquer la TTF sur les produits traités sur des marchés organisés, transparents et sécurisés par une contrepartie centrale, contrevient par ailleurs à la volonté des États réunis au sein du G20 de promouvoir cette organisation, au détriment des marchés opaques ou de gré à gré.

Six ans après le début de la crise, l’industrie financière est aujourd’hui une industrie propre, où la France excelle. Il n’y a aucune raison de laisser à d’autres le soin de tirer parti à notre place des activités dont notre économie a besoin pour son fonctionnement, et où des dizaines de milliers d’emplois sont à créer ou à relocaliser en France.

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