Par Gilles Dryancour
Ce jeudi 18 septembre l’Assemblée Nationale a adopté une nouvelle loi, dite loi Cazeneuve, visant au renforcement de la lutte anti-terroriste. Les objectifs affichés par le texte législatif sont, notamment, d’empêcher les candidats au djihad de quitter le territoire français et de lutter contre la propagande islamiste sur internet.
Les principaux moyens envisagés prévoient l’interdiction administrative de sortie du territoire et le blocage des serveurs hébergeant des sites djihadistes.
Pour l’instant, les mesures annoncées semblent réunir un large consensus au sein de l’opinion publique. Nul ne semble se soucier de leurs effets pratiques ni de leurs conséquences pour les libertés publiques. Un brin de réflexion s’impose donc pour se faire une opinion qui ne soit pas seulement dictée par les émotions du moment.
Dans ce papier, nous concentrerons notre analyse sur l’interdiction de quitter le territoire. Une mesure symbolique s’il en est, puisqu’elle s’oppose directement à la liberté de circulation, telle que consacrée par de nombreuses conventions internationales.
Comment cette interdiction se réalisera-t-elle ? La loi prévoit qu’elle se fera par la confiscation du passeport et de la carte d’identité. Comment cette interdiction sera-t-elle justifiée ? Si l’on comprend bien le texte adopté, il s’agira d’une simple décision de police, fondée sur l’opinion qu’un individu donné aurait des raisons de partir à l’étranger afin d’y participer à des activités terroristes. L’intention est louable. Mais, comme souvent, le démon liberticide se cache dans le détail juridique.
Selon nous, cette forme de sanction remet en cause l’un des principes fondamentaux du droit, à savoir que nul ne peut être sanctionné sans avoir commis d’infraction. Or, dans le cas présent, la sanction – la confiscation des pièces d’identité – interviendra sans qu’aucun délit ne soit constitué. Elle se fondera sur une appréciation subjective des intentions particulières. C’est là une dérive majeure du droit qui ne peut nous laisser indifférent. Par ce biais, on rétablit, en effet, l’arbitraire comme un banal mode de sanction des comportements réputés déviants.
Du seul point de vue de la psychologie, on observera qu’il n’est pas possible de dissuader les individus d’avoir des intentions peu louables. Certes, on peut essayer de les criminaliser, comme le firent l’U.R.S.S. de Staline, la Chine de Mao ou le Cambodge de Pol Pot. Mais, pour cela, il faudrait établir un système généralisé de délation et de confession sous la contrainte dont les seuls effets sont de répandre la terreur à tous les étages de la société.
Faute d’un tel système, les forces de l’ordre qui devront appliquer la loi Cazeneuve auront bien du mal à identifier les « malintentionnés ». Gageons, au passage, que ces derniers s’adapteront et dissimuleront, de mieux en mieux, leurs coupables intentions à leurs proches et à la police. Aussi, loin de construire un rideau de fer, contre le départ des apprentis-djihadistes, la loi Cazeneuve rendra leur identification encore plus difficile qu’elle ne l’est aujourd’hui. Ce n’est pas là le moindre de ses paradoxes.
Rappelons ici que, selon la conception occidentale du droit, les lois doivent avoir une portée générale et ne s’appliquer que dans l’ordre juridique dans lequel elles ont été adoptées. Or la loi Cazeneuve concernera uniquement des catégories distinctes d’individus pour des délits qu’ils n’ont pas encore commis… à l’étranger.
De ce point de vue, la loi Cazeneuve viole nombre de principes fondamentaux. Il faut bien y prendre garde. Car les dictatures n’ont nul besoin d’un coup d’État pour s’instaurer. La perversion systématique des catégories du droit y suffit amplement.
À ce raisonnement, certains objecteront que la nouvelle loi a pour principal objet d’empêcher les mineurs de céder aux appels de la propagande islamiste. Cet argument, basé sur la rhétorique des bonnes intentions, n’est pas dépourvu d’une certaine valeur. Nous y reviendrons. À ce stade, nous remarquerons toutefois qu’il est, alors, paradoxal d’avoir utilisé l’émotion créée par l’attentat commis contre le musée juif de Bruxelles, pour justifier l’adoption, dans l’urgence, de cette nouvelle loi anti-terroriste. L’auteur des faits, Mehdi Nemmouche, était déjà âgé de vingt-huit ans quand il a quitté la France pour la Syrie. Aurait-il été dénoncé et lui aurait-on confisqué son passeport français qu’il aurait pu faire usage de son passeport algérien. La nouvelle loi n’aurait donc pu prévenir son forfait.
En ce qui concerne les mineurs, on admettra aisément que certaines lois sont nécessaires à leur protection en matière de mœurs. Néanmoins, aucune de ces lois ne remplacera jamais l’éducation parentale ni l’adhésion individuelle des futurs citoyens aux valeurs qui assurent la cohésion d’un pays. C’est sans doute là où le bât blesse le plus.
Dans une France, où la social-démocratie a conduit à la déresponsabilisation de larges couches de la société et dans laquelle la citoyenneté a été démonétisée, il ne faut pas s’étonner de voir se manifester des comportements dysfonctionnels de toutes sortes. La fuite dans le djihad n’en est qu’une forme parmi bien d’autres. En cela, cette nouvelle loi anti-terroriste ne servira pas à grand-chose. Si ce n’est, peut-être, à donner aux électeurs l’illusion que leurs dirigeants font quelque chose pour les protéger d’un phénomène dont ils sont en partie à l’origine.
Tout à fait d ‘accord , et d’ailleurs je ne vois pas pourquoi on se « bat » pour garder ces jihadistes en herbe , je serais prête à leur payer le billet et les soulager de cette « pesante » nationalité française.
L’autre gros problème de ce type de loi, outre le fait de créer un « précrime » des plus virtuels, c’est le risque très tangible de la voir s’étendre à d’autres domaines.
Comme par exemple « l’évasion fiscale ».
Article pertinent et bien argumenté, mais un peu trop gentil. Comme pour Hadopi et Lopsi, ce n’est pas de bonnes intentions qu’il s’agit, mais de mauvaises, astucieusement masquées. Le cas des djihadistes est un pur prétexte, et Cazeneuve pourrait probablement signer (en « off » bien sûr) les passages de cet article qui démontrent l’inefficacité de la mesure. Il le sait aussi bien que nous, mais le but n’est pas là : il est de glisser une fois de plus dans le droit français un nouveau délit à définition vague, donc extensible à qui on veut, et le plus proche possible du délit d’intention ou d’opinion, sans en porter officiellement le nom.
@jesrad : bien vu, le risque d’extension à d’autres domaines ; pour l’évasion fiscale, la question n’estpas de savoir « si » mais de savoir « quand » : l’idée d’empêcher les riches de partir vient déjà d’être formulée dans un grand parti politique de droite (FN) et elle était depuis toujours présente chez les gauchistes et communistes, en accord avec la pratique des pays « socialistes ». L’exit tax de Sarkozy est aussi un premier pas vers ce nouveau goulag qui se dessine à petites touches
Oui, je rajouterais aussi les « délits de malpensée » que constituent le fait de nier les monopoles de facto de la sécurité sociale, de l’URSSAF et du RSI.
Et que dire du « risque de troubles à l’ordre public »?
Le terrorisme intellectuel lui a toujours droit de cité!
Bon, ok, on leur retire leur passeport et leur carte d’identité. Bien. Et ils restent en France. Ok. Donc on fabrique nos propres sans papier et c’est cool ?
L’ auteur peut il prouver que le régime politique français est social démocrate ?
étant économiste il ne peut ignorer que ce régime accumule depuis 40 ans des budgets négatifs sans que le commun en ait été informé par nos puissants médias , pourquoi ?
et ces gens sont toujours aux manettes ! je confirme que ce pouvoir est certainement aristocrate bon on peut ajouter » social «
« Citoyenneté a été démonétisée » ? Le mot est faible.
Allons plus loin : le « contrat social » a été tout simplement rompu, atomisé façon puzzle. Il n’existe plus. C’est chacun pour soi, et chacun contre tous.
Plus largement, soulignons la démence d’une telle « loi » : plutôt que d’empêcher les dhijadistes de rentrer sur le territoire national… on tente de les empêcher de… sortir.
Pirouette grotesque d’une société malade, malade d’elle-même, stade terminal d’une maladie mentale collective.
Hélas, comme vous le soulignez, tout ceci passe comme une lettre à la poste, ou comme un député qui dort durant une séance de questions au gouvernement.
C’est une faillite collective totale.
Et le pire c’est que les gens en redemanderont quand quelques bombinettes finiront par exploser ici ou là, en France, quand nous aurons quelques « mass shootings » bien sales. D’autres lois aussi scélérates que liberticides seront votées, sous les applaudissements des veaux.
Rien ne peut désormais arrêter cette mécanique infernale.
Une et une seule loi :
Toute personne ayant commis un acte terroriste à l’étranger et souhaitant rentrer sur le territoire national français sera arrêtée et jugée pour ses actes.
Si cette personne est de nationalité française, elle sera jugée par la France.
Si cette personne est de nationalité étrangère, elle sera remise aux autorité de son pays d’origine.
Voila une loi simple et efficace et qui n’enfreint pas les règles de la nécessité de l’infraction.
On ne peut pas empêcher les gens de penser ou de se déplacer, mais on peut les juger et les condamner pour les actes commis !
La France au. côté des USA en Irak.combattent l’ennemi
Pourquoi n’y a t’il pas eu d’information au touristes dans tous les aeroports sur les risques encourus ?