Hongrie : La démocratie libérale est morte

Une cour constitutionnelle biaisée, un État collectiviste et le culte de la personnalité autour du premier ministre ont achevé l’État de droit en Hongrie.

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Viktor Orban credits EPP (licence creative commons)

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Hongrie : La démocratie libérale est morte

Publié le 1 août 2014
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Par Zoltán Kész et Máté Hajba [*], depuis la Hongrie

Viktor Orban credits EPP (licence creative commons)Il n’est pas exagéré d’affirmer que la démocratie libérale s’est éteinte en Hongrie. Le Premier ministre Viktor Orban l’a dit. Il est bien placé pour le savoir, puisqu’il a asséné deux énormes coups à la démocratie récemment.

La semaine dernière a commencé par une décision de la Cour constitutionnelle (CC) que tout le monde attendait. La CC était notre dernier contrepouvoir dans le pays. Nous étions optimistes, mais ce fut en vain. Le tribunal a craché sur la démocratie quant au système d’élections municipales de la capitale hongroise, Budapest.

Déception constitutionnelle

De nouvelles lois ont modifié les élections au Conseil municipal de Budapest. La nouvelle méthode, qui remplace celle mise en œuvre par le Fidesz en 2010, montre que le parti est prêt à changer complètement ses propres lois si les conditions sont favorables et si le changement peut lui amener du pouvoir. Les membres de l’opposition au sein du parlement affirment que les nouvelles lois violent la constitution que le Fidesz a lui-même implémentée.

Le conseil municipal actuel a été élu par un scrutin de liste, et le nombre de membres est proportionnel à la population : un pour 50 000 citoyens. Dans le cadre du nouveau système, le conseil sera composé de 33 membres : le maire de Budapest, les maires des 23 quartiers de la ville, et neuf membres choisis à travers une liste de compensation, dans laquelle les candidats qui n’ont pas gagné de district partagent leurs votes de façon proportionnelle à la population de leurs quartiers.

Le CC a annulé l’élément de proportionnalité, en disant que certains votes n’auraient pas la même valeur que d’autres voix, violant ainsi la règle de l’égalité. Mais la décision ne fait que modifier la loi. Elle ne l’abolit pas. Le fait qu’il y ait encore beaucoup de doutes quant à savoir si la loi est constitutionnelle parait évident lorsqu’on regarde les votes des juges de la CC. Le tribunal était divisé, à 8 contre 7, avec son président dans la minorité s’opposant à l’idée que la loi est constitutionnelle.

La principale raison pour laquelle beaucoup s’opposent à la loi est qu’elle interdit la tenue d’élections libres pour le Conseil. Dans le système précédent les gens votaient directement pour leurs conseillers ; maintenant ils ne votent que pour les maires de leurs circonscriptions, qui deviennent à leur tour automatiquement majoritaires. Les électeurs n’ont rien à dire si les maires des districts sont aussi leurs propres conseillers municipaux.

Le Fidesz a modifié la loi à la hâte juste deux mois avant les élections. Il peut prendre des décisions aussi rapidement car il dispose de la majorité absolue au parlement. Les changements assurent au Fidesz plus de sièges au conseil de la ville que dans la loi précédente, car la plupart des 23 districts éliront presque certainement des membres du Fidesz en tant que maire.

Ce ne sont pas les seuls changements que le Fidesz a fait pour améliorer ses chances aux élections. Avant les élections législatives d’avril, le parti a redessiné les circonscriptions électorales en faveur de leurs propres candidats.

La Hongrie, État illibéral

Peu de temps après que le CC ait enfoncé le dernier clou dans le cercueil de la démocratie, le travail était fini. Dans un discours prononcé en Transylvanie, Roumanie (où vit une grande communauté de Hongrois de souche), le Premier ministre Orban, dont le gouvernement détient une majorité de deux tiers au parlement, franchit un nouveau cap alarmant en déclarant : « La nation hongroise n’est pas seulement une agrégation d’individus, mais une communauté qui doit être organisée, renforcée et construite. En ce sens, le nouvel État que nous construisons en Hongrie est un État illibéral, et pas libéral. » Le Premier ministre a exprimé son intention d’abolir l’État-providence et de le remplacer par un système basé sur le travail. Néanmoins, l’État-providence est en plein essor. Quant aux promesses d’un système basé sur le travail, Orban veut probablement un marché contrôlé par l’État dans lequel la valeur du travail n’est pas déterminée par l’offre et la demande mais plutôt par l’État.

Orban a également condamné les organisations non gouvernementales sous prétexte d’avoir tenté d’influencer la Hongrie au nom de l’Occident, en particulier les États-Unis. C’est peut-être la raison pour laquelle le gouvernement Orban a harcelé les institutions de la société civile hongroise. Le meilleur exemple de ce harcèlement est l’examen scandaleux des bénéficiaires de subventions norvégiennes en Hongrie par des organismes de l’État au motif qu’ils servent des intérêts étrangers. (Les subventions norvégiennes sont des contributions financières faites par la Norvège aux pays moins avancés dans le cadre de l’accord pour mettre en place l’Espace économique européen, qui se compose des membres de l’UE ainsi que l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège.)
Fait révélateur, Orban a souligné qu’aux États-Unis le président peut être destitué par l’opposition pour avoir enfreint la loi, et il a demandé : « Combien de temps pensez-vous que je resterais en puissance si la même chose était possible en Hongrie ? »

La décision de la cour et le discours de M. Orban sont des signes clairs qu’une nouvelle dictature apparait en Europe centrale. La disparition de l’État de droit par le fait d’une Cour Constitutionnelle constamment biaisée, la proclamation d’un État antilibéral collectiviste ainsi que le culte de la personnalité autour du Premier ministre rappellent certains pays durant la période précédant la Seconde Guerre mondiale. Allons-nous tous rester silencieux ?

Zoltán Kész est le co-fondateur de la Free Market Foundation en Hongrie. Máté Hajba est le président de la Free Market Foundation et co-fondateur du groupe estudiantin Eötvös Club.

Article original publié par Atlas One. Traduction Mathieu Bédard.

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  • Ce qui arrive en Hongrie est vraiment alarmant. Comment ce pays en est il arrivé là ? Le pays avait un joli potentiel pourtant.Et une dictature peut elle rester dans l’UE ? Et pourquoi les Hongrois ne manifestent ils pas ? Que fait l’UE ?

    • il ne faut pas exagérer non plus la hongrie connait des dérives autoritaires mais ce n’est pas non plus une dictature…… »Et pourquoi les Hongrois ne manifestent ils pas ? » bah sûrement parce que les hongrois considère à juste titre qu’orban est le moins pire. la gauche est corrompu et a conduit la hongrie au désastre économique

      • Un pays où les journalistes ne peuvent pas dire tout ce qu’ils veulent et où les juges doivent répondre aux ordres du gouvernement n’est plus vraiment une démocratie, et je parle même pas des expropriations.
        Pas encore une dictature mais on s’en rapproche…

        • « Un pays où les journalistes ne peuvent pas dire tout ce qu’ils veulent et où les juges doivent répondre aux ordres du gouvernement » c’est exactement comme en france aujourd’hui……

        • alors on peut considérer la france comme une dictature socialiste

          • On en est pas loin non plus, mais on en est pas encore au point où la Constitution est changée et où les entreprises sont expropriées. Ils ont de l’avance.

            • La constitution française a été modifiée plus d’une vingtaine de fois en France et dont nombre à partir des années 90, elle risque encore de l’être très prochainement pour le vote des étrangers. Certaines lois d’aujourd’hui la bafouent complétement, mais le conseil constitutionnel ne dit rien car 1) il faut qu’il soit consulté par des parlementaires et c’est rarement fait, 2) son avis n’ait que consultatif.
              En France, on n’a pas la proportionnelle aux législatives et le parlement ne représente absolument pas le choix politique des électeurs et d’ailleurs avec ses 60% de fonctionnaires, il ne représente même pas le peuple dans la répartition des classes sociales.
              En France, certain président de la République s’assoie sur le résultat d’un référendum, d’autres préfèrent ne même pas les mettre en pace.
              Rappel de la définition de la démocratie: pouvoir au peuple, par le peuple et pour le peuple.
              Pas sûr que la Hongrie soit plus dictatoriale que la France.

      • Il ne faut pas exagérer oui, cela doit être pour cela que vous vous empressez de minimiser?
        Un authentique démocrate, à tout prendre préféra toujours un état de droit à une dictature quel que soit la couleur de son gouvernement.

        Les hongrois ont manifestés, 50% ne votent pas d’ailleurs, des dizaines de milliers (tous ceux qui ont un quelconque potentiel) ont déjà quitté le pays depuis 2010. Les estimations hautes parlent de 300 000 personnes…

        Tous ceux là considèrent qu’Orban est le pire.

  • Bref, avant les électeurs de Budapest votaient pour des conseillers municipaux qui eux choisissaient un maire, et maintenant ces électeurs voterons directement pour le maire de leur district. C’est effectivement terrible… Le problème, c’est qu’ils éliront probablement des gens du parti de droite.

    Ensuite, M. Orban a fait un discours. On le croit lorsqu’il parle d’Etat illibéral, on pense qu’il ment quand il veut réformer dans un sens libéral l’Etat-providence, car il veut « probablement » contrôler les prix.

    Lorsqu’on accuse la Hongrie d’aller vers une dictature, encore faut il comparer les réformes incriminées par rapport à ce qui existe dans les autres dictatures d’Europe occidentale, pardon, dans les autres démocraties (je ne peux pas dire libérales, n’est-ce pas ? pas pour la France en tous les cas).

    Que M. Orban ne soit pas un libertarien, j’en conviens. Mais quel homme ou femme politique au pouvoir en Europe l’est ? Quant à dire qu’un Etat serait plus qu’une « agglomération d’individus », certes oui, on pense cela dans tous les pays (je ne juge pas l’idée, je note), c’est même la définition traditionnelle d’une société (quelqu’elle soit, pas seulement la nation), réunie pour le bien commun à tous ses membres.

    Pas grand chose de neuf sous le soleil. Mais taper sur un homme de droite, c’est toujours bien, surtout quand compte tenu de la difficulté de la langue hongroise, le lecteur ne pourra pas contrôler grand chose.

    • en effet, il y a un acharnement contre orban. que l’on veuille ou non, il faut reconnaitre qu’il est moins pire que la gauche hongroise (qui a condhuit la hongrie au désastre économique).

    • moi ce qui m’agace c’est l’empoi du terme état libéral. les pays européens depuis la fin de la seconde guerre mondiale ne sont plus des états libéraux mais sont devenus des états sociaux (appelé état providence). la hongrie n’a jamais un vrai état libéral. je pense que si les pincipaux libéraux savaient qu’aujourd’hui, on considèraient nos états comme des états libéraux, ils se retournaient dans leurs tombes…..

      •  » les pays européens depuis la fin de la seconde guerre mondiale ne sont plus des états libéraux mais sont devenus des états sociaux ».
        Et depuis les années 80, vous pouvez même parler d’étatisme, notamment pour la France.
        Les gouvernements dégainent les lois plus vite que leurs ombres et le parlement les bénit à la va-vite comme un curée sur un champ de bataille. Nous sommes complétement englués et asphyxier par les lois et décrets qui régissent tout et jusque dans notre vie privée.
        Nous sommes en social-étatisme, et encore social, tant que l’Etat pourra s’endetter pour saupoudrer la masse des plus démunis pour ne pas que leur colère explose.

      • Ouais. J’entends nombre de ces libéraux qui ravagent dans l’ caveau.

  • C’est vraiment dramatique ce qui s’y passe.

    Tout aussi dramatique a été l’inaction des institutions européennes et des grands pays d’Europe.

    Le fait qu’un pays d’europe puisse se « bélarussifier » en si peu de temps en dit long sur l’état de la démocratie libérale en Europe depuis la chute du Mur.

  • l’état libéral n’a jamais vraiment existé en hongrie……perso, même si je suis pas fan d’orban et que ses dérives autoritaires m’inquiètent, je le préfère lui aux autres politiciens, c’est le moins pire.

  • Tripatouillages sur les lois électorales (et non les votes), annonce d’une gouvernance souverainiste plutôt qu’à la sauce libérale recommandée par Bruxelles ?

    Et on parle d’une dictature ? J’ai l’impression de lire du Ayrault d’avant 2012…

  • La démocratie n’est pas morte qu’en Hongrie. Elle est morte aussi en France.

  • Vous me faites marrer! « La démocratie libérale est morte en Hongrie ». Elle est morte en France, en Espagne, au Portugal en Italie et dans bien d’autres pays européens, mon bon Monsieur.
    Surtout en France.
    Certes Orban est un petit autocrate qui est très malin pour conserver le pouvoir. Certes, il y a en Hongrie les copains de Orban qui ont tout et les reste du peuple qui subsiste tout juste pour payer les Audi A8 et Mercedes S des membres du clan au pouvoir. Mais c’est rigoureusement la même chose en France. Remplacez Orban par Hollande, le clan par les soclalistes et vous avez le même système. Les juges du syndicat de la magistrature ne sont-ils pas aux ordres de la même façon que ceux d’Orban?


    MODÉRATION CONTREPOINTS >> La fin de ce message a été supprimée : propos xénophobes. Premier avertissement avant bannissement.

  • +1 Olivier
    Il y avait un point clairement douteux, et il est expédié en une phrase : « Avant les élections législatives d’avril, le parti a redessiné les circonscriptions électorales en faveur de leurs propres candidats. » ; il aurait fallu des détails.
    Inversement, l’Auteur fait un énorme paragraphe contre le mode de désignation du maire de BudaPest, comme si il était furieusement anti-démocratique de voter directement pour un maire et un maire de quartier qui sera aussi conseiller municipal, tandis que les candidats rejetés se partageront 1/4 des sièges du conseil municipal …
    Orban tape sur les organisations étrangères qui versent de l’argent en France ? et que fait donc le gouvernement français ? Et les autres ?

    • Je ne sais plus quel politique européen a dit, aux premières réformes constitutionnelles d’Orban : « quand on monte aux arbres, on doit avoir la culotte propre ».

      A chaque fois que telle ou telle mesure prise par Orban est critiquée, il se trouve toujours quelqu’un pour dire : « mais dans tel pays d’Europe, c’est aussi le cas ». Et souvent, c’est vrai.

      Le problème est qu’Orban a choisi de cumuler dans son seul pays un nombre important des mesures politiques contestables prises par ses différents voisins européens, au service d’un agenda au résultat incertain.

  • Bon. Tout ce que fais Orban est troporible. Qu’il soit autoritaire doit le lui être reproché, de là à l’accuser de remettre un système soviétique en place faut pas pousser, il a encore de la marge avant d’être un dictateur.

  • Concernant le tripatouillage dans les circonscriptions, il ne fait peut être que le contraire de ce qu’avaient fait ceux d’avant.

    Un peu light l’article, d’accord avec P.
    Et tant qu’ils ne mettent pas un responsable de l’opposition sous écoute ça reste une démocratie, nan ?

  • Tiens cela ressemble de plus en plus à la France ( et aux USA)…

  • Chris Patten, l’ancien gouverneur qui mena Hong Kong à la réussite, démolit les arguments du Premier Minstre de Hongrie contre la démocratie libérale, d’ailleurs considérée comme une faillite par Hoppe. http://www.project-syndicate.org/commentary/orban-illiberal-democracy-by-chris-patten-2014-12

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