Ce qu’il faut retenir de Tim Ferriss, et pourquoi et comment l’oublier

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La semaine de 4h, par Timothy Ferriss (Crédits : Pearson, tous droits réservés)

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Ce qu’il faut retenir de Tim Ferriss, et pourquoi et comment l’oublier

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 17 juillet 2014
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Avec La semaine de 4 heures, Tim Ferriss invite le lecteur à distinguer revenus et travail pour maximiser leur salaire horaire et réduire leur temps de travail hebdomadaire à quelques heures. Pour cela, il décrit de nombreux moyens de gagner en efficacité, prioriser efficacement et automatiser les processus d’une entreprise. Sa méthode aurait marché pour certains, et surtout pour lui.

semaine de 4hMais Tim Ferriss se situe, selon l’opinion qu’on a de lui, à la frontière entre marketing audacieux et malhonnêteté. Le titre de son livre a été choisi pour un bon référencement plutôt que pour le décrire avec pertinence. À la sortie de chaque nouveau livre, des revues dithyrambiques apparaissent rapidement sur Amazon, postées selon ses détracteurs par des assistants virtuels dont Tim Ferris fait un usage intensif.

Concrètement, Tim Ferriss postule que sauf pour quelques-uns, le travail est une corvée plus qu’une passion et qu’il faut donc chercher à minimiser son temps de travail. Dès lors, il va à l’encontre d’une idée largement répandue selon laquelle il faudrait pour réussir se rendre indispensable en exhortant au contraire ses lecteurs à se rendre inutiles. En faisant en sorte d’intervenir aussi peu et aussi efficacement que possible, et en réduisant le besoin de disponibilité, il invite aussi ses lecteurs à voyager et pratiquer le géoarbitrage pour, après avoir fait croître leur salaire horaire, faire croître le pouvoir d’achat de leur salaire. Mieux vaut apprécier sa vie pendant toute sa durée qu’attendre une retraite hypothétique et lointaine, que tous n’atteindront pas en bonne santé s’ils se tuent à la tâche toute leur vie.

Sur de nombreux points, Tim Ferriss est critiquable. Mais il a le mérite d’inviter le lecteur à une remise en question de ses objectifs et des stratégies qu’il déploie pour les atteindre. Que le travail soit une corvée qu’il faut éviter autant que faire se peut ou une passion épanouissante, il sera toujours bénéfique de prioriser ses efforts et gagner en efficacité. Ses conseils ne sont pas tant utiles pour créer une entreprise requérant peu d’entretien pour générer des revenus (ce que peu sont apparemment parvenus à faire) que pour simplifier le fonctionnement d’une entreprise existante – ce que Tim Ferriss raconte via sa propre expérience.

Il invite également chacun à consacrer son temps aux choses qui le rendront heureux, mais considère que le travail en fera rarement partie. Pourtant, comme il le dit lui-même, passer sa vie en vacances n’a qu’un temps. S’il ne faut pas se rendre indispensable, pour s’affranchir des contraintes temporelles, ni se rendre inutile, pour ne pas passer sa vie à combler un vide, comment remplir sa vie de sens ?

D’abord, en comprenant que l’argent ne doit pas être au cœur des préoccupations d’une vie. Courir après l’argent a aussi peu de sens que le fuir. Il est à la portée de tout le monde de vivre de sa passion ou de gagner sa vie autrement pour vivre sa passion. Albert Einstein a, pendant plusieurs années, occupé un poste de bureaucrate loin d’être à sa hauteur ; son temps libre lui a permis de développer les fondements d’une révolution des idées en physique1.

Ensuite, en acceptant que rien ne remplace l’effort. Le talent est une chose formidable qui, le plus souvent, dessert à long terme ceux qui le possèdent s’ils l’estiment assez grand pour ne pas le cultiver. On estime que 10 000 heures sont nécessaires à l’apprentissage, et plus encore pour la maîtrise ; les virtuoses donnent l’impression que leur art est à la portée de tous, et il l’est pourvu d’y travailler assez longtemps.

Et c’est pour cela qu’il est important de se dédier à ce qui nous passionne, car il est impossible de se consacrer avec constance à une chose qui, au plus profond de nous, ne nous fait pas vibrer. Chacun d’entre nous a un don et une mission qui, si on la laisse s’emparer de nous, nous emmènera plus haut et nous rendra plus heureux que nous l’aurions jamais imaginé.

La passion qui peut nous animer, à laquelle nous pouvons laisser libre cours, permet de s’affranchir d’obstacles en apparence infranchissables. Elle rend libre, et seule le peut. Car l’esprit rationnel ne franchira les obstacles que si la récompense est assez grande, et avant l’admiration, l’accomplissement trouve sur sa route beaucoup d’adversité et d’écueils.

Il faut être prêt à être humble pour apprendre de ceux qui nous inspirent, mais aussi prêt à un jour cesser de suivre leurs conseils pour mieux suivre leurs exemples. Il faut apprendre à être seul pour savoir être libre et faire ses propres choix, tout en s’entourant d’inspiration, d’amour et de soutien. Il faut être curieux et poser des questions, mais être assertif et savoir s’affirmer. Il faut suivre sa passion même si elle n’est parfois pas plus perceptible qu’une lointaine et pâle lueur au milieu d’éblouissantes lampes artificielles, même si elle ne donne parfois qu’une vague direction et qu’il faut pour la suivre tracer sa propre route.

Pour cela, nous disposons aujourd’hui de plus de choix que l’humanité en a jamais connu. La technologie rend l’information disponible et accessible, permet de contacter en un rien de temps un inconnu à l’autre bout du monde et de garder contact malgré les distances. Les connaissances existantes croissent chaque seconde, et les possibilités qu’elles ouvrent sont trop vastes pour pouvoir ne serait-ce que les concevoir toutes.

Mais il se trouve aussi, aujourd’hui, des obstacles majeurs, face auxquels l’individu est bien souvent impuissant, dans la tendance à noyer l’individu dans le collectif. Il s’en trouve incapable de partager ses dons avec le reste de l’humanité, de lui offrir le cadeau inestimable auquel l’expression de son talent aurait donné naissance, alors qu’il se trouve privé des fruits de son travail et contraint à emprunter des sentiers toujours plus étroits et pauvres. Le combat pour la liberté est un combat pour la raison, et tout autant un combat pour la passion ; il est un combat pour l’homme.

  1. Voir Robert Greene, Mastery.
Voir les commentaires (11)

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  • « On estime que 10 000 heures sont nécessaires à l’apprentissage, et plus encore pour la maîtrise ».

    Non, 10.000 heures pour plus que la maîtrise, pour être un « expert mondial » du domaine en question. Mais cela dépend bien-sûr aussi d’autres facteurs…

  • « l’argent ne doit pas être au cÅ“ur des préoccupations d’une vie. Courir après l’argent a aussi peu de sens que le fuir. »

    Exactement, et c’est pour ça que l’indépendance financière devrait être l’objectif immédiat de tout jeune adulte libre.

    Pour ma part je préfère de loin Mr Money Mustache à Tim Ferris: http://www.mrmoneymustache.com/

  • C’est marrant, je n’ai pas du tout compris le livre de la même manière, je pense que vous interprétez un peu la hâte Baptiste.

    Le livre de Ferris est surtout marquant dans ce qu’il apporte comme piste de réflexion pour optimiser son efficacité (assistants virtuels, méthode GTD, tester le titre d’un livre grâce à des tests publicitaires en amont etc.) et lâcher du lest sur toutes ces micro choses qui nous pourrissent la vie et nous freinent (réunionite notamment).

    Ce n’est certainement pas une critique de l’argent ou de l’effort.

    Et il est bien évident que Tim Ferris est évidemment un marketer avant tout.
    Ce qu’il veut surtout dire, c’est qu’il a des pistes pour faire en 4h (ou presque :D) ce qu’un employé d’une boite lambda fait normalement en 35h/40h semaine.
    C’est surtout ça qu’il faut retenir du livre, même si c’est sûrement exagéré.

    Et évidemment, Tim Ferris travaille bien plus que 4h par semaine, comme nous tous.
    Il est juste un control-freak de l’optimisation et de l’efficience.

    Il n’est pas français quoi.

    • Je n’ai pas lu le livre mais j’en ai entendu parler. Je me permets donc une interprétation qui va plutôt dans votre sens : le discours de Tim Ferris me semble porter sur la réduction au minimum de notre temps passé à gérer le « travail » (ie les emmerdes) pour maximiser le temps passé à assouvir nos passions (et là peu importe que l’on passe 10, 35, 50 ou 80 heures, on ne les compte pas).
      C’est ce que relève également Baptiste (« Il invite également chacun à consacrer son temps aux choses qui le rendront heureux, mais considère que le travail en fera rarement partie ») mais ce n’est pas l’impression générale qui ressort de l’article.

      • Voilà c’est ça, passer 4 heures à être au top de sa productivité, pour faire ce que l’on veut du temps restant.
        Soit des loisirs, soit bosser encore plus et du coup augmenter encore plus son rendement/ses revenus.

        L’éternelle chimère de l’entrepreneur.

        Pour ma part ce livre m’a beaucoup inspiré et je l’ai pris pour ce qu’il est: une réflexion sur notre façon d’organiser notre travail pour être 5 fois plus productif que les autres en 5 fois moins de temps.

  • « Tim Ferris postule que sauf pour quelques-uns, le travail est une corvée plus qu’une passion et qu’il faut donc chercher à minimiser son temps de travail. »

    Je doute que Ferris soit un passionné. Aimer son travail est ce qui le rend moins pénible. Avoir la passion de son travail en efface complètement la contrainte. Au contraire, celui qui brule d’une passion dévorante pour une activité qu’il pratique dans ses loisirs trouvera le travail plus pénible.

    On peut faire le choix de vivre sa passion dans ou en dehors du travail. Mais l’efficacité dépend beaucoup de la passion : parce qu’on apprend beaucoup mieux, que l’expérience dépend du temps passé à travailler, parce que l’on travaille mieux de façon décontractée … Il y a pour moi une incohérence fondamentale à promettre l’efficacité en détestant son travail.

    A moins que la passion de Ferris soit simplement l’efficacité dans tous les domaines. Mais dans ce cas, il est condamné à « abattre du travail » pour le plaisir, sans prendre le temps de goûter le plaisir de réaliser. Et il est un frustré perpétuel : pressé d’en finir avec la tâche présente et obnubilé pour trouver une nouvelle tâche à accomplir. Ou une « machine humaine » sans aucune émotion.

  • Ce livre nous renvoie à notre propre efficacité : et si 80% de ce que nous faisons d’utile pouvait être fait en 4h, et que le reste du temps passé au travail n’avait qu’une efficacité marginale très faible ? Pour ma part, la réponse est : oui, probablement.
    Se concentrer sur l’essentiel, faire sauter les goulots d’étranglement, privilégier la simplicité. On peut tout aussi bien l’appliquer à la maison, d’ailleurs. Ou dans la vie associative. Ou dans la vie politique…

    Je souscris au titre de Baptiste, et ajoute deux références qui m’ont permis de changer ma vie quotidienne : Getting things done. Pour l’organisation personnelle concrète du quotidien. A appliquer dès l’école, selon moi.
    Aucun rapport, car le sujet est la négociation : Getting to yes.

  • Bonjour
    A mon avis si déjà on faisait 4 heures de boulot réellement efficace par semaine, c’est serait top. En général, on est englué dans des réunions alc, des procédures idiotes, de la paperasse.
    Le pire c’est que en bas de l’échelle, on a les gens qui travaillent le plus, monter un mur, faut mettre parpaing par parpaing, tandis que bcp de cadre se regarde le nombril.

  • Baptiste, c’est palpitant d’être pigiste dans un journal en ligne ?
    L’honnêteté n’est pas un pécher: la plupart des boulots sont ennuyeux et alimentaires. Avec une famille à charge et vue l’incertitude sur la prochaine génération, vivre en artiste, en startupper ou en optimiseur sans filet comme T.Ferris est inconscient.
    Patience braves gens, tout a une fin.

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