Par Bernard Zimmern
Le magazine Challenges vient de publier sa liste annuelle des plus grandes fortunes françaises et s’étonne, sinon s’indigne, de ce que leur fortune totale ait progressé « de plus de 15% » depuis l’an dernier, et ait été multipliée par 5, voire 7, depuis 1996 alors que la moyenne des fortunes des Français ne progresse pas, si même elle ne recule pas. L’hebdomadaire s’indigne également de ce que le nombre de milliardaires ait progressé en un an, d’une dizaine à 67. Mais Challenges n’a probablement jamais entendu parler d’Elon Musk, en tout cas n’a pas fait le lien entre le manque de milliardaires que révèle son enquête, et le chômage.
Nous manquons en effet en France de 20 à 25% d’emplois marchands, nous en avons 19 millions alors qu’il nous en faudrait 24 à 26 pour nous comparer aux Anglo-saxons. Et il nous manque aussi 20% de milliardaires, il nous en faudrait au moins 80 pour faire jeu égal avec les Américains qui en ont 400 avec plus de 1,3 milliard de dollars. Et nos milliardaires sont beaucoup moins riches, le plus riche étant Bernard Arnault avec 27 milliards, alors que Bill Gates est à 60 milliards de dollars.
Et il y a plus qu’un simple parallélisme entre ces chiffres, il y a toute la défaite de l’emploi : en refusant la richesse, c’est l’emploi que nous refusons. Car 67% des milliardaires américains sont devenus riches en partant de rien et ils ont construit leur fortune en créant de la richesse, en créant des emplois et en enrichissant leurs collaborateurs. En refusant les milliardaires, nous encourageons la pauvreté et le chômage.
Les milliardaires sont un symbole : ils sont la frange supérieure de la classe des entrepreneurs, ceux qui ne parlent pas d’innovation comme nos ministres, mais la font en prenant des risques et s’enrichissent.
Les plus importants pour l’économie sont, certes, les petits entreprenants, qui deviennent riches mais des « petits riches », pas milliardaires mais millionnaires. Car ils sont très nombreux et leur rôle pour l’emploi est infiniment plus important que le rôle des Arnault ou des Gates. Mais, quand on se lance à créer une entreprise sur une idée, on ne sait jamais où l’on va arriver. La part de chance est énorme, le choix du secteur de l’entreprise, l’adéquation de la technologie. Rappelons que Bill Gates avait voulu vendre le programme DOS qui a lancé sa fortune, pour 50.000 dollars à IBM qui l’a refusé ! Les milliardaires sont, si l’on veut, la partie visible de la banquise du succès entrepreneurial : plus de milliardaires, c’est beaucoup plus de millionnaires et ce sont ces millionnaires qui font l’emploi.
Quelques données statistiques que Challenges a omises
Un fait aurait dû les intriguer : leur héros, Thomas Piketty, le chasseur d’inégalités, est obligé d’aller chercher non plus les 10% les plus riches, non plus le 1% pour montrer que les inégalités s’accroissent, mais les 0,1%, 0,01% ou 0,001%.
Même chez le 1% des plus riches, l’accroissement des richesses est insignifiant, il suit en fait l’activité économique, baissant lorsque l’économie recule, augmentant lors des reprises.
C’est seulement parmi les très riches que les accroissements de richesse sont spectaculaires. Car c’est aussi là qu’il y a la plus forte concentration d’entreprenants, d’individus généralement nés pauvres, et qui par leur seul génie, avec une pincée de chance, arrivent à réunir des milliards. 67% des milliardaires américains ont créé leur fortune, 58% des milliardaires mondiaux, 42% seulement en Europe, et seulement 35% en France ! Et ce pourcentage chute encore dans les catégories les moins riches :
C’est la rente, dit Piketty, qui fait les très riches, l’accumulation spontanée de richesse par le jeu des intérêts composés. Vraiment ?
A-t-il seulement regardé la carrière d’Elon Musk, ou plutôt son début de carrière, car à 42 ans, il est encore très jeune – et très beau garçon. Il est né pauvre mais est déjà largement milliardaire. Elon Musk est né en Afrique du Sud d’un père sud-africain et d’une mère canadienne qui ont divorcé. À 12 ans, il vendait 500 dollars un jeu internet qu’il avait inventé. Il partait au Canada à 17 ans, faisait des études modestes qu’il arrêta pour lancer avec d’autres Paypal, gagnait quelques centaines de millions en le revendant à eBay, les investissait dans X-Space qui vient d’obtenir de la NASA le contrat d’approvisionnement de la station spatiale (au moins 3,4 milliards de dollars) avec un lanceur, le Falcon 9 qui a réussi son lancement du premier coup et coûte deux fois moins cher au kg envoyé qu’Ariane, d’où la panique à Ariane-Espace.
Le même Musk est aussi le Chief technical officer et CEO de Tesla, la firme californienne qui fait un malheur avec une voiture électrique capable de rouler 600 km sans recharge (contre 150 pour la plupart comme la Leaf) en utilisant 7.000 batteries d’ordinateur par voiture, batteries déjà produites en grande série et qui seraient à 250 $/kWh contre 400 $/kWh pour les batteries dédiées aux voitures (The Economist). La consommation en nombre de batteries de Tesla pour ses automobiles serait déjà égale à celle de tous les fabricants d’ordinateurs. Musk lance une usine de batteries pour en abaisser le coût de moitié. Tesla vend déjà son train moteur à Mercédès et un autre allemand. Il est comme Steve Jobs, Bill Gates : ces gars-là partent de zéro mais ils innovent et créent leur fortune et continuent de la doubler ou tripler même en étant milliardaires.
Même Madame Bettencourt est dans ce moule car si elle-même n’a rien fait, elle a laissé des personnes comme François Dalle prendre le commandement de l’Oréal et réussir à en multiplier le chiffre d’affaires et la valeur (et l’emploi) par un coefficient de l’ordre de 10 en 20 ans. Le drame français est que nous avons très peu d’Elon Musk ou de Steve Jobs et que nous avons fait fuir François Dalle (qui est mort depuis) en Suisse.
Il serait peut-être temps qu’au lieu de gamberger sur les théories fumeuses et les séries statistiques truquées de Thomas Piketty, nos journalistes se prennent d’intérêt pour ceux qui créent l’économie de demain en prenant des risques. Elon Musk a investi 100 millions qu’il venait de gagner en vendant Paypal à eBay, dans X-Space ; voilà ceux qui devraient être nos héros car c’est d’eux que dépend le retour de l’emploi industriel en France, retour que nos dirigeants comme la presse réclament à cor et à cri.
—
Sur le web.
Oui, bravo Elon Musk et tous ceux qui, comme lui, sont plus malins, ou plus chanceux, ou plus travailleurs et probablement un peu de tout ça à la fois. C’est eux qui nous tireront de la panade et pas M. Montebourg et ses élucubrations.
Mais pitié, arrêtez de nous saouler avec cette histoire de risques que prendraient les entrepreneurs. Ca n’ajoute rien ni à leur mérite ni à votre démonstration. Et en plus ça ne passe pas auprès du petit employé qui fait ce qu’il peut mais n’a pas les mêmes capacités.
Prenons Elon Musk. Quand il commence son ascension il n’est pas riche et n’a donc rien à perdre. Même s’il s’était cassé la figure, un garçon aussi entreprenant aurait eu vite fait de retrouver du travail. Ensuite on n’en parle même plus. A qui va-t-on faire croire qu’il a réinvesti la totalité de son bénéfice à chaque fois pour lancer l’aventure suivante ? A personne bien sur car il est moins bête que ça.
Pourquoi alors s’embarrasser de cette pseudo-justification ? Les entrepreneurs qui réussissent s’enrichissent car ils réussissent. Point. Leur patrimoine est le résultat de leur réussite; n’est-il pas d’ailleurs très largement constitué de l’entreprise qu’ils ont développé ? Où est la prise de risque ? Et comment se calcule ce risque d’ailleurs ?
Sans doute ne parle-t-on pas assez de ceux qui, ayant réussi avec une boite, se plantent avec la suivante et reviennent à leur point de départ. Je ne connais pas de Musk, mais j’ai deux amis qui se sont fait chacun quelques millions avec leur première boite, et ont réinvesti ce que le fisc leur en a laissé dans d’autres qui végètent ou périclitent. Les succès à la chaîne ne sont pas le cas général, le cas général c’est à vue de nez 8 stagnations ou croissances modestes et un échec pour chaque succès. Entre l’ISF et l’imposition sur les plus-values, la fiscalité fait passer l’espérance de gain de positive à négative, et c’est donc un risque considérable que prennent, en France, ceux qui après la chance d’un premier succès ne se contentent pas de jouir de leur gain comme un gagnant du loto.
Sans vouloir jeter la pierre à vos amis, faut être un peu bêbête, ou maso, pour entreprendre une seconde/troisième/quatrième etc. fois en france surtout quand on sait réellement ce qu’il reste après revente (comme vous le soulignez, après l’ISF et l’impôt).
Normalement, on est vacciné dès la 1ère expérience 🙂
D’un autre côté, c’est à cause de cette bêtise que j’apprécie de les avoir pour amis.
😀
« Les entrepreneurs qui réussissent s’enrichissent car ils réussissent. »
Waow! Bel exemple de raisonnement, et superbe dans sa stupidité. Et dont on ne peut que conclure splendidement l’absence de risque qu’il y a à entreprendre: aucun risque, puisqu’une fois qu’on a réussi, ben, euh, on a réussi, donc aucun risque, vous voyez?
Evidemment, créer son activité ne vous mets pas en danger de mort (quoique), ce n’est pas comme être un commando de l’armée! Mais montez votre entreprise, faites la réussir, et revenez seulement après nous affirmer qu’il n’y aucune prise de risque.
Qu’est-ce que je fais ? J’essaie de défendre 2 secondes mon point de vue, pourtant fort modéré et nullement hostile aux entrepreneurs … Non, pas la force. Dr Slump doit être beaucoup plus intelligent et libéral que moi. Je prends ma bêtise sous le bras et je pars en vacances. C’est fatigant de se faire insulter par sa propre famille de pensée. C’est vrai que les libéraux français n’ont pas grand chose à envier, parfois, à un nid de frelons trotskistes.
Mon post est moqueur, j’en conviens, mais je ne vous ai pas insulté: c’est le raisonnnement que j’ai dit stupide, pas vous-même.
De plus, je cherche à ce point ma liberté que je ne me revendique pas spécifiquement libéral, pas plus que d’aucun autre courant de pensée. Taoïste, éventuellement, mais ce n’est pas un courant de pensée.
Pour le nid de frelons, tout à fait d’accord ! Partout où qu’il soit, l’homme reste un homme, et » l’hommerie » est de la partie.
@synge
Bien sûr qu’il existe un risque financier quand on entreprend. Quand j’ai démarré ma première entreprise,j’ai du gager ma maison pour que mon crédit de trésorerie soit accepter.
On pense souvent à tort qu’une SARL protège les biens personnels mais ce n’est pas tout à fait juste car si vous ne signez pas de caution sur vos biens personnels, la banque ne prête pas.
J’en ai passé des nuits blanches quand mon entreprise a commencé à chuter et que la banque regardait avec avidité ma petite maison:)
« arrêtez de nous saouler avec cette histoire de risques que prendraient les entrepreneurs » Je vous comprend car tout cela fait très cliché. Entrepreneur toute ma vie, lorsque des proches vantaient mes supposés mérites, je les ramenai sur terre en leur disant que tout ce qui m’avait animé c’était un esprit de liberté et que de toute façon, je ne savais faire que ça.
le vrai courage, ce n’est pas d’entreprendre une fois, surtout lorsque comme moi on vient de nulle part, il n’y a aucun risque lorsqu’on a rien à perdre. Le vrai courage je l’ai croisé chez des gens qui avaient tout et remettaient au pot leur fortune pour se lancer dans des projets. Cette expérience je l’ai faite à la fin de ma carrière et c’est bien la première fois dans ma vie que j’ai été confronté à la peur, celle de tout perdre.
vidéo intéressante qui explique à quoi sert les riches: https://www.youtube.com/watch?v=iXGOSJ7r0Wg
En France l’argent comme les libertés disparaissent ; notre » énarchie » comme je l’appelle devrait être mise au chômage sans indemnités .