Par Aymeric de Villaret
Alors que l’EIIL (l’État islamique en Irak et au Levant) sunnite est aux portes de Bagdad, les cours du pétrole n’ont réagi que très modérément (de l’ordre de 5 à 7$), quasiment de la même manière que lors de la menace de frappes sur la Syrie à l’été 2013 alors qu’en 1990, lors de l’invasion du Koweït par l’Irak, le baril avait doublé !
Pourquoi en est-on arrivé à ce point que les événements irakiens actuels soient quasiment un non événement pour le monde pétrolier ?
Près de 25 ans après 1990, la situation mondiale a été complètement modifiée :
- Alors que le Brent était à moins de 20$/baril, aujourd’hui, il navigue dans la zone 100-110$ avec quelques incursions vers 90$ et 115$ mais de manière très sporadique.
- Les différentes crises pétrolières récentes (Libye, Égypte…) n’ont pas créé de flambée des cours.
- La question est posée par de nombreux observateurs sur la croissance infinie de la demande de pétrole.
- L’huile de schiste américaine, même si elle devrait rapidement plafonner, a entraîné le sentiment d’une certaine indépendance des États-Unis pour leur dépendance future vis-à-vis des pays du Moyen Orient.
- l’Iran devient de plus en plus fréquentable et sa production, si les investissements pétroliers y sont possibles, possède un bon potentiel.
Pour en revenir plus directement à l’Irak, soulignons que :
- Les principales zones pétrolifères sont situées dans le Sud du pays en zone chiite et que de 2,5 à 2,6 Mb/j sont exportés par le port de Bassora
- Le Kurdistan irakien est déjà quasiment indépendant dans sa politique
- Les exportations du brut irakien dans le Nord via le pipeline arrivant à Ceyhan en Turquie étaient déjà interrompues depuis mars
Aussi tant que la zone principale de production (en territoire chiite) semble devoir rester à l’abri de tout arrêt, il n’y a pas de raison fondamentale à voir une forte hausse du brut.
Seule une menace sur le sud de l’Irak serait susceptible de faire réagir les marchés pétroliers ; toutes les exportations actuelles partent de Bassora. Actuellement, la production irakienne est de 3,1 Mb/j (chiffres de 2012 et 2013), 3,6% de la production mondiale.
le ? est de trop.
Le marché spot du Brent a tout de même vu une augmentation de 15 % en un mois passant de 98 à 114,87 dollars, cotation du 20 juin, jour durant lequel il a encore augmenté de 0,68 % et les évènements d’Ukraine sont aussi à prendre en considération dans cette évolution ascendante des prix …
Quad je parle du cours du Brent, je parle du Brent à 1 mois, qui est le brut de référence la plus traité sur les marchés. En juin, il a été aux plus bas à 108$, et depuis 6 mois à 105$ début avril.
http://markets.ft.com/research/markets/Tearsheets/Summary?s=IB.1:IEU
A propos de pétrole (tous liquides) la situation est la suivante (évaluation Laherrère, ASPO France) :
http://iiscn.files.wordpress.com/2013/05/jlliquidsworld.jpg
Ce qui amène à :
http://iiscn.files.wordpress.com/2013/07/bp-oil-price-2013.jpg
Ou autrement dit la crise actuelle ne faisant hélas que commencer est aussi ou surtout celle du “pic”(maximum de débit, de flux) d’extraction mondiale de pétrole.
Et si il y a un “mythe” historique dont il serait vraiment urgent de sortir, c’est :
“premier choc pétrolier=Yom Kippour/embargo Arabe=évènement géopolitique=rien à voir avec les contraintes géologiques”
Quand le premier choc était surtout la conséquence du pic de production des Etats-Unis en 1970, avec en parallèle le rééquilibrage sur les pourcentages entre majors et pays (et aussi passage au petro $ en 71 et dévaluations associées).
Un résumé en fin de post :
http://iiscn.wordpress.com/2011/05/06/bataille-et-lenergie/
Voir en particulier l’excellent doc “la face cachée du pétrole partie 2” à partir de 18:00 par là pour le premier choc.
Bah non, la région est sous contrôle depuis des décennies, justement à cause du pétrole, véritable réservoir planétaire.
Autre détail croustillant, les jihadistes (les USA hésitent à l’heure actuelle si ceux là sont les bons comme en Syrie ?) se sont emparés de Mossoul http://www.bfmtv.com/international/document-bfmtv-mossoul-aux-mains-jihadistes-794841.html en mettant la main sur des réserves de dollars qui dormaient dans les banques.
Maintenant, il n’y a plus qu’à s’assurer que ces dollars soient utilisés à bon escient : achat d’armes américaines, etc… tout le reste n’est que littérature.