Accord commercial de Bali et monde en développement

L’Organisation mondiale du commerce (OMC) s’est mis d’accord sur le deal de Bali à sa neuvième Conférence ministérielle, le premier accord unanime depuis la création de l’Organisation en 1995.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Accord commercial de Bali et monde en développement

Publié le 13 avril 2014
- A +

Par Isidore Kpotufe.

mondeL’accord de Bali n’est pas un remplacement de l’infâme Cycle de Doha de 2001, mais plutôt un effort pour faire avancer le Programme de Doha pour le développement.

Qu’est ce que c’est le cycle de Doha ?

Le cycle de Doha est une ronde de négociations, d’une durée de trois ans, effectuée sous l’égide de l’OMC (Organisation mondiale du commerce). Elles portent surtout sur la « libéralisation du commerce international », et ont comme objectif explicite le « développement » de ce qu’on appelait naguère le « Tiers-Monde ». La conférence interministérielle de Doha (Qatar) a eu lieu du 9 au 13 novembre 2001. Le but du cycle de Doha était d’établir un cadre contraignant équitable pour tous et accepté par tous les membres de l’OMC. Ses objectifs, et par extension toutes les conférences ministérielles ultérieures, est de relâcher les obstacles au commerce entre les pays et à favoriser le développement à travers le commerce. Les organes de média, en particulier ceux de l’Ouest ont salué ce développement. Vu que l’Organisation Mondiale du Commerce est actuellement l’une des institutions les plus démocratiques, ceci doit être important pour les pays en développement.

Il y a quatre caractéristiques clés de l’accord de Bali : la facilitation du commerce, la sécurité alimentaire dans les pays en développement, le coton, et mesures pour les pays en développement. Chaque élément aura de l’impact sur les pays en développement, en quelque sorte, mais ils n’auront pas de façon générale de l’impact sur tous les pays en voie de développement. Par exemple, le coton se concentre sur un petit nombre de pays. Néanmoins, l’impact de ce deal sur la prospérité économique des pays en développement en particulier les moins avancés ne doit pas être négligé, dans l’analyse de l’importance de cet accord.

Facilitation du commerce

L’élément le plus concentrique de l’ensemble de l’accord de Bali est l’accord de la facilitation du commerce qui permettra de simplifier la bureaucratie douanière. C’était une bonne nouvelle pour la plupart des entreprises comme UPS qui doivent faire face à de nombreux points de contrôle et des restrictions dans leur fonctionnement. L’accord de facilitation du commerce prévoit le rabaissement des barrières tarifaires et non tarifaires pour les marchandises en transit. Ce sera très percutant pour les pays sans littoral, dont la majorité sont des pays en développement. Les effets de l’accord seront plus ressentis dans les pays en développement d’Afrique. La CNUCED estime que le l’importation moyenne implique jusqu’à 30 intervenants différents, 40 documents et la répétition au moins une fois de 70% des données. Les bénéfices de la facilitation du commerce pour les pays en voie de développement de l’APEC sont estimés à 1% à 2 % des prix à l’importation. Avec l’accord de facilitation du commerce, ces barrières seront réduites très rapidement.

L’harmonisation des documents, la réforme des procédures douanières et une plus grande transparence vont doublement aider les pays en développement : en promouvant les investissements étrangers d’une part et, d’autre part, en facilitant l’exportation par les PME locales. En outre, dans le cadre de l’accord, les États africains et autres pays en développement recevront une aide de la Banque mondiale, l’Union européenne et de l’OCDE dans le développement des infrastructures et de la formation.

Il est prévu que l’économie mondiale croisse d’un milliard de dollars à la suite de cette section particulière de l’accord de Bali. Le Royaume-Uni s’attend à voir son économie croître de plus d’un milliard de dollars, tandis que l’Allemagne anticipe un surplus de 60 millions d’euros par an. En outre, ces nouvelles mesures renforceront l’attractivité des pays en développement pour les investisseurs étrangers : les inquiétudes quant à la mobilité des biens sont souvent citées comme un répulsif à l’investissement étranger direct. Cependant, il n’existe pas de chiffres de gain financier prévu pour les pays en développement au travers de l’accord de Bali.

Sécurité alimentaire

La sécurité alimentaire a longtemps été un facteur controversé dans le Programme de Doha pour le développement et elle est restée la négociation clé de l’accord de Bali. C’est l’élément crucial qui affecte tous les pays en développement. Les pays en développement, l’Inde au premier chef, ont lutté et ont réussi à maintenir le droit de conserver des stocks de nourriture pour protéger leurs populations contre une crise alimentaire sans risque de poursuites de la part d’autres membres de l’OMC. L’accord de Bali propose une période de grâce de quatre ans à la fin de laquelle le stockage sera réexaminé. Cela est considéré comme un succès ; il convient de noter que les données qui ont été utilisées (et contrecarrées par l’Inde) proviennent de 1988 et qu’il sera dès lors difficile pour les pays en développement de rester dans les limites convenues, car les données de 1988 ne reflètent pas de manière adéquate leurs besoins ou capacités aujourd’hui.

Pour les pays en développement, la sécurité alimentaire s’avère être l’accord le plus inquiétant. Il est important que les gouvernements des pays en développement protègent leurs citoyens contre la volatilité des marchés mondiaux sans quoi ils risquent une crise alimentaire.

Coton

La décision sur l’industrie de coton dans le deal de Bali est l’aboutissement des négociations à la Conférence ministérielle de Hong Kong en 2005 qui n’ont pas pu être réglées puisque l’OMC était en désaccord. Conformément à l’accord de Bali, les Pays Moins Avancés (PMA) auront accès en franchise de droits et sans contingent aux marchés développés et émergents. En outre, les PMA se voient offrir la chance d’être plus concurrentiels dans l’industrie du coton comme les pays développés supprimeront les subventions à l’exportation existantes, donnant ainsi aux PMA un terrain de travail plus équitable. Ce plan aura un impact sur les Coton Quatre (C4) [1] à savoir le Bénin, le Burkina Faso , le Mali et le Tchad, tous sont des pays en développement.

Mesures pour les pays en développement

Une des mesures mises en place pour les pays en développement est le traitement préférentiel pour les services en provenance des pays les moins avancés. Cela permettra d’accroître la participation des PMA dans le commerce mondial, en particulier dans les services, qui représentent 70% du PIB mondial. Cependant, il n’existe aucune garantie de liaison que les PMA sont choisis. Le voyage et le transport représentent 44,9 % et 21,8 % et constituent des services qui ne peuvent être exportés vers d’autres pays.

Les règles d’origine sont appliquées à des produits pour s’assurer que les produits originaires des PMA bénéficient véritablement des mesures préférentielles. Cela permettre de surmonter les mesures d’exploitation que certains pays ont connu quand l’Amérique a offert un traitement préférentiel aux pays africains.

Évaluations

Quelle signification a cet accord pour les pays en développement ? Est ce que l’accord de Bali vaut mieux que d’autres cadres multilatéraux déjà en existence ? Doit-il être le bienvenu comme on le constate ? M. Gita Wirjawan, le ministre indonésien des Finances a déclaré que l’accord de Bali vise à aider les pays les moins avancés à « prendre plus avantage du système multilatéral ». Il ajoute que « la majorité des retombées économiques de la facilitation du commerce sera versée aux pays en développement ». Il se trouve apparemment dans l’intérêt de tous les pays, pauvres comme riches, et n’est pas comme d’autres accords multilatéraux pondus en Europe ou aux États-Unis. Cela dit, les pays en développement n’étaient pas une pierre d’achoppement dans les négociations précédentes ratées. Le spectre des pays en développement touchés par cet accord est large. Il va des PMA, qui représentent moins de 1% du commerce mondial, aux marchés émergents du Brésil, de la Chine, de l’Inde et de l’Afrique du Sud. Il est donc difficile de prétendre que les pays en développement sont mieux ou moins bien lotis car l’aide accordée aux PMA et les responsabilités attribuées aux grands pays en développement les distinguent des autres pays en développement.

Une critique de l’accord de Bali est l’option « opt-out » du système de contingent tarifaire, qui permettrait aux pays en développement de bénéficier de tarifs inférieurs hors contingents, une option que les États-Unis et quelques pays en développement américains ont employée. En outre, les organisations non gouvernementales ont exprimé la crainte que la réduction soudaine de taxes à l’importation puisse nuire à certaines industries et détruire des emplois alors que le plan est censé en créer. De nombreux pays obtiennent une grande partie de leurs revenus des droits de douane qu’ils imposent prétendument pour des raisons de sécurité nationale. L’accord de facilitation des échanges enlève ce pouvoir et les recettes attendues, sans aucune garantie que cette stratégie attirera les investissements, en particulier pour les marchés enclavés ou à faible population et à ressources limitées. Par ailleurs, l’objectif de l’OMC, du cycle de Doha et de l’accord de Bali, est de réduire les barrières (tarifaires et non tarifaires) entre tous les pays. Dans l’ensemble, les droits de douane sont abaissés et l’impact des barrières sans contingents pour les PMA est donc peu clair. Les quotas seront un facteur déterminant pour les gains des PMA par rapport aux pays ne bénéficiant pas de dérogations aux contingents ; mais pour les pays ayant très peu à offrir, ils trouveront que la concurrence avec les États les plus riches, dans un monde sans protectionnisme, sera difficile.

Le seul élément qui est également favorable à tous les États entrave encore ces pays. La plupart des accords de l’OMC sont contraignants et donc empêchent ces pays de définir leurs propres priorités et de répondre à l’évolution des besoins politiques et économiques de leur pays. Ceci a été démontré plus précisément dans la négociation de la sécurité alimentaire pour laquelle l’Inde s’est battu. Il s’agit de toute évidence d’une tentative claire de libéraliser les relations internationales et certains marchés ; cependant, cette libéralisation pour les pays les plus vulnérables peut être considérée plus incommodante qu’avantageuse dans la mesure où leurs politiques sont dictées par des marchés plus stables.

Conclusion

Il est impératif que l’accord de Bali soit jugé non seulement sur ​​le fait qu’il est le premier véritable accord de l’OMC, mais qu’il apporte effectivement à tous les États, en particulier les plus pauvres qui ne possèdent pas beaucoup de pouvoir de négociation dans d’autres cadres multilatéraux ; et qu’il ait donné à ces États une chance équitable de résister à l’imposition des règles commerciales mondiales qui prétendent leur nuire plutôt que de les aider. L’accord de Bali semble être dans l’intérêt des pays en développement. Dans un discours prononcé lors de la session plénière, le représentant du Nigéria a déclaré que son pays était « pleinement favorable » à cet accord, le Népal a affirmé que les PMA l’avaient approuvé à l’unanimité et le Maroc qualifie l’accord d’équitable et équilibré.

Bien qu’il puisse sembler que le fardeau de la conformité de l’ensemble de l’accord peut être injustement plus élevé pour les pays en développement que pour les pays développés, les renonciations et une aide supplémentaire pour établir les mécanismes afin d’assurer le transit des marchandises libres et rapides permettent aux pays en développement, en particulier aux moins avancés, d’accroître plus rapidement leur participation dans l’économie mondiale.

L’accord de Bali est à qualifier de succès et se montre plus juste que l’initial cycle de Doha, car il est plus ciblé et simplifié. Le nombre restreint de questions à l’examen donne aux pays en développement une plus grande chance d’influer sur le résultat et réduit l’élan nécessaire à faire dérailler les négociations, comme cela s’est produit tant de fois dans le passé. Il convient de rappeler que l’accord de Bali n’est pas un remplacement ou concurrent du Cycle de Doha, mais plutôt une tentative pour atteindre les objectifs du cycle de Doha plus simplement et plus efficacement. Il doit avant tout bénéficier aux pays en développement.

Sur le plan politique, le deal de Bali, ou au moins le fait que l’OMC ait pu parvenir à un consensus, montre que les dirigeants du monde en développement deviennent plus actifs et plus influents dans les négociations mondiales.

Voir le commentaire (1)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (1)
  • « Il est prévu que l’économie mondiale croisse d’un milliard de dollars à la suite de cette section particulière de l’accord de Bali. Le Royaume-Uni s’attend à voir son économie croître de plus d’un milliard de dollars, tandis que l’Allemagne anticipe un surplus de 60 millions d’euros par an. »

    Et la France, elle prévoit quoi ? ah ! oui… j’oubliais : l’exception française dans tous les domaines.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Par Alain Bonnafous.

Il n’y a pas que les vaccins qui connaissent des ruptures de stock. Du papier toilette à la dernière console de Sony, de l’usine Peugeot de Sochaux qui est à court de semi-conducteurs venus de Taïwan aux usines de la Plastics Vallée d’Oyonnax qui attendent des matières premières dérivées du pétrole, il y a de quoi alimenter une chronique qui évoque une autre épidémie. Pour l’essentiel, elle est la conséquence d’une double dynamique qui est en somme toute simple si l’on veut bien en reconstituer l’histoire.

D... Poursuivre la lecture

Les vignerons sont frappés par une nouvelle surtaxe à l’export vers les États-Unis. Ils sont victimes collatérales d’une guerre Airbus-Boeing au moment où le confinement les prive de débouchés commerciaux.

Tout commençait bien, il y a presque vingt ans. En 1992, un louable accord entre l’Union européenne et les États-Unis impose des limites aux subventions publiques que peut recevoir le secteur aéronautique des deux côtés de l’Atlantique. Hélas, nous vivons dans un monde cruel…

En 2004, Boeing accuse Airbus de bénéficier de prêt... Poursuivre la lecture

Par Philippe Alezard.

La mondialisation, cible de toutes les critiques, responsable de la montée des populismes, serait le fléau de l’Occident coupable de tous les maux dont souffrent les classes moyennes. C’est aller un peu vite et oublier que la mondialisation n’est pas un phénomène nouveau.

Dans l’antiquité, sous la dynastie Zhou, la Chine avait son concept de Tianxia qui faisait de l’empereur le maître de « tout ce qui est sous le ciel ». Les connexions et les échanges mondiaux existaient déjà sous l’empire romain. Plus proc... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles