« Génération E pour entreprendre » : un nouveau modèle de croissance

Interviews croisées de Véronique Morali et Cécile Philippe surl’évolution de l’esprit d’entreprise et des entrepreneurs.

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« Génération E pour entreprendre » : un nouveau modèle de croissance

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 13 mars 2014
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generation ePour son 3e Forum économique de Toulouse, la CCI de Toulouse a choisi le thème « Génération E pour Entreprendre ». En amont de ce grand rendez-vous de la rentrée, nous avons rencontré une dirigeante d’entreprise et une économiste, Véronique Morali et Cécile Philippe, pour évoquer avec elles l’évolution de l’esprit d’entreprise et des entrepreneurs.

Véronique Morali est à la tête de Fimalac Développement, la branche des investissements diversifiés de Fimalac. Elle est aussi la créatrice du groupe TF Co et du site web Terrafemina, et la présidente de Force Femmes et du Women’s Forum for the economy and society.

Cécile Philippe dirige l’Institut économique Molinari qu’elle a créé en 2003 à Bruxelles. Docteur en sciences économiques, titulaire d’un Desup en gestion des entreprises dans les pays en développement, elle est notamment l’auteur de « C’est trop tard pour la Terre ».

 


 

Qu’est-ce qui vous a amené à vous lancer dans l’entrepreneuriat ?

Véronique Morali. En rejoignant Marc Ladreit de La Charrière au sein de Fimalac, j’ai eu tout de suite, à ses côtés, une carrière entrepreneuriale. Mais j’accompagnais ses choix, ses prises de risque à lui. Au bout de vingt ans, j’ai eu envie de me tester moi-même, sur des thèmes qui me tenaient à cœur. Et c’était le bon moment pour créer aussi bien Terrafemina.com que TF Co. Créer sa boîte et son équipe, se confronter au marché, c’est vraiment très enrichissant. On est créatif, on a un rôle utile, on est en situation de se dépasser soi-même.

Cécile Philippe. Après mon doctorat ès sciences économiques à Paris-Dauphine et un Desup en gestion des entreprises dans les pays en développement, c’est au sein d’un think tank américain que j’ai terminé ma thèse sur les théories de l’information et l’émergence d’un marché de l’information sur Internet. Ce think tank fêtait ses 20 ans. C’est dire à quel point les think tank constituent, outre-Atlantique, une industrie très développée, très diversifiée. J’ai donc pensé que ce serait génial de faire la même chose en Europe, même si le contexte est moins porteur. J’ai fondé l’Institut économique Molinari (« Des idées pour un avenir prospère ») il y a tout juste dix ans à Bruxelles. Avec le souci d’être indépendante, de prendre moi-même les décisions, de mener les affaires à mon rythme et avec ma vision.

Quelles sont les qualités requises pour créer et diriger une entreprise ?

Véronique Morali. Je pense qu’il faut notamment être capable d’anticiper les métiers et les marchés du futur, être très agile, savoir saisir les opportunités de façon très réactive et savoir développer des synergies… Il faut aussi être très lucide sur ce que l’on est. Je suis la cofondatrice de Forces Femmes. C’est une association qui accompagne des femmes de plus de 45 ans vers le retour à l’emploi, voire dans la création d’entreprise. Mais la création d’entreprise n’est pas à la portée de toutes, ni de tous. Avoir la bonne idée au bon moment ne suffit pas. Être un bon manager n’est pas nécessairement être un bon entrepreneur. Il faut de l’audace, avoir le goût du risque, mais il faut aussi être capable de beaucoup travailler, de surmonter les moments de profond découragement, faire preuve de beaucoup de ténacité.

Cécile Philippe. De la ténacité, et même de l’acharnement ! C’est vraiment la première qualité à avoir pour créer et entreprendre. Il faut aussi avoir un certain degré d’inconscience, et croire fortement à son projet : on est face à l’incertitude, on ne sait pas comment va répondre le marché, on ne sait pas ce qui va se passer – et heureusement  !, car si on imaginait à l’avance tous les obstacles que l’on aura à franchir, on hésiterait sérieusement à se lancer… Il faut savoir travailler sans compter ses heures.

Dans le management de l’entreprise, observez-vous des évolutions sensibles – ou en appelez-vous de vos vœux ?

Véronique Morali. C’est un sujet qui me passionne. J’ai d’ailleurs créé une agence de conseil et d’accompagnement des entreprises et des organismes publics, TF Co, avec des services sur mesure pour la communication, les ressources humaines, la gestion de projets innovants et l’accompagnement du changement. Il me semble que les lignes hiérarchiques bougent énormément sous l’effet de la digitalisation des organisations. Les réseaux sociaux d’entreprises permettent de donner la parole à l’encadrement intermédiaire, d’avoir une gestion plus participative, plus collaborative. C’est essentiel aussi pour les groupes français qui ont des équipes basées à l’étranger : ces équipes ne veulent plus être exclues des processus de décision. Je crois qu’il faut vraiment casser les cadres hiérarchiques, créer du transverse. Il y a encore beaucoup trop de rigidité dans nos structures.

Cécile Philippe. Nos entreprises souffrent surtout de la rigidité du marché du travail. Des salariés restent en place, sans motivation, sans plaisir, parce qu’il leur serait trop difficile de retrouver du travail ailleurs à cause de cette rigidité du marché du travail. Nous souffrons autant du niveau des charges sociales que de la difficulté de licencier. Les incertitudes sur le coût et la durée d’une procédure de licenciement entraînent une véritable paralysie des embauches. C’est l’un des aspects les plus compliqués de la société française et de l’Europe du Sud. Quand on parviendra à un marché du travail moins rigide, on pourra sortir de la crise. Et on aura une ambiance totalement différente dans les entreprises. Notre marché du travail est en panne depuis 30 ans. Mais il y a trop longtemps qu’on n’arrive pas à le réformer ; nous sommes arrivés à l’heure de vérité ; les gens se crispent mais comprennent bien qu’on ne peut continuer ainsi, qu’il faut envisager les choses sous un autre angle. Dans le management des grandes entreprises, on a aussi un vrai problème avec le poids de l’État et des très grandes écoles dont les promotions sont nommées au plus haut niveau sans avoir à démontrer la moindre compétence managériale. C’est une source de rigidité, de formatage, de manque de diversité. Aux États-Unis, ce sont plutôt les très bons managers qui sont appelés à renforcer les compétences de l’État.

La France est-elle aujourd’hui handicapée par un État trop présent et trop coûteux ?

img contrepoints156 socialismeCécile Philippe. Que l’État se recentre sur ce qu’il doit faire et qu’il ne s’étale pas sur ce qu’il ne peut pas faire correctement. Il faut prendre à bras le corps une réforme globale de l’État et une baisse des dépenses publiques, une réduction de notre fardeau fiscal et social record. Toujours plus d’impôts, c’est une politique vouée à l’échec. L’austérité dans les dépenses publiques, ça marche, comme l’ont prouvé la Lituanie et le Canada. Il faut aussi revoir le rôle des corps intermédiaires, des syndicats qui peuvent bloquer systématiquement toute négociation car ils ne subissent pas le coût des grèves ni des suppressions d’emplois. Enfin, il faut aussi évoquer le principe de précaution, inscrit dans notre Constitution, et dont on ne cesse d’étendre les domaines d’application. C’est une énorme source d’incertitude, un risque croissant pour les entreprises qui veulent innover, une porte ouverte à tous les groupes de lobbying, alors que les Français sont extrêmement créatifs. Il faut libérer cette créativité ! Nous sommes dans une période exceptionnelle avec les innovations du numérique, des nanotechnologies, du secteur de la santé… Il y a quantité de services, de marchés à développer, alors levons les freins, dégageons tous les obstacles réglementaires

Véronique Morali. Même si je ne suis restée que quatre ans à l’Inspection générale des finances, j’ai toujours conservé un certain tropisme pour l’intérêt général. J’ai participé par exemple à la commission Grand Emprunt présidée par Michel Rocard et Alain Juppé. Il ne faut surtout pas cliver les deux mondes du privé et du public. Mais c’est vrai qu’il y a beaucoup d’État en France. Un peu moins, ce serait mieux. On est à l’extrême limite en matière de charges et d’impôts. Il ne faut pas brider les énergies, il ne faut pas casser la croissance, il faut permettre aux entreprises de rester dynamiques : ce sont elles qui créent l’emploi et la richesse. Il ne faut pas décourager les entrepreneurs, les investisseurs. Aujourd’hui, investir en France est devenu un acte de foi.


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  • « Être un bon manager n’est pas nécessairement être un bon entrepreneur. »

    Ca me touche particulièrement, en phase d’être manager, je rêve d’être un entrepreneur. Je rêve mais je dois aussi réaliser que ça demanderait une détermination quasiment sans faille.

    Et je corrobore le fait que la rigidité du travail (rigidité, contraire de flexibilité…) est une vrai source de souffrance pour tous, travailleurs à tous les niveaux, du non-qualifié au cadre sup ! Et il faut inclure les demandeurs d’emplois, des travailleurs sans emplois !

    Et bravo pour la conclusion de fin de Véronique Morali. Bien que je préfère substituerl’expression « l’intérêt public » (l’intérêt pour tous et de tous sans exception) à « l’intérêt général » (l’intérêt du plus grand nombre).

  • Les commentaires sont fermés.

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Les auteurs : Miruna Radu-Lefebvre est Professeur en Entrepreneuriat à Audencia. Raina Homai est Research Analyst à Audencia.

 

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