Des Mémorables aux enregistrements buissonniers

Le dictaphone du journaliste Patrick Buisson est à l’origine d’une étonnante tempête politico-médiatique.

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Des Mémorables aux enregistrements buissonniers

Publié le 7 mars 2014
- A +

Par Michel Desgranges.

Sarkozy + Buisson
Nicolas Sarkozy et Patrick Buisson.

 

Fondateur et directeur des Nouvelles littéraires, Maurice Martin du Gard fréquenta entre les deux guerres, plus ou moins intimement, tous les écrivains d’un temps où s’épanouissaient de multiples talents, ainsi que des hommes politiques qui pouvaient être néfastes ou nuisibles, mais étaient des hommes de vraie culture (ce temps est révolu). Pour garder le souvenir des propos qui lui étaient tenus, Maurice Martin du Gard s’empressait, dès qu’il se retrouvait seul, de noter ses conversations, avec fidélité. L’exercice demande certes une excellente mémoire, mais surtout une rare capacité de retenir et transcrire, parmi les phrases prononcées, celles qui peignent, caractérisent l’interlocuteur, permettront de le faire revivre tel qu’il est, et par ses propres mots.

Maurice Martin du Gard possédait au plus haut point ces qualités, elles lui permirent d’écrire Les Mémorables, ouvrage où l’on voit et entend Valéry, Barrès, Mauriac, Morand, Montherlant (et cent autres…) comme s’ils étaient présents, ouvrage qui est un chef d’œuvre.

Hélas, tout le monde, et surtout le tout le monde qui veut garder trace de conversations, n’a pas la même intelligence des hommes, qu’à cela ne tienne, la technologie peut désormais suppléer aux limites de l’intellect.

Entre donc en scène un petit appareil nommé dictaphone qu’il suffit de glisser dans sa poche puis, lorsqu’apparaissent des hommes et des femmes dont on devine, en les voyant ouvrir la bouche, qu’ils vont parler, il suffit d’appuyer sur un bouton et l’engin enregistrera, au besoin durant des heures, tous les mots échangés (ainsi que les bruits de fond).

L’utilisation d’une telle machine est à l’origine d’une tempête politico-médiatique (breaking news, titres de Une, émissions spéciales, discours à la Chambre, interpellations-dénonciations-indignations, etc.) qui a fait disparaître de l’actualité chômeurs-chômeuses, russophiles et russophobes, échéances électorales, copulations présidentielles et même la délicieuse Leonarda.

Pour qui préfère relire Thomas d’Aquin plutôt que tendre l’oreille au bruit du monde, rappel des faits.

Un ancien Président, homme brouillon et indécis sur les actions à entreprendre quoiqu’en permanence fort agité, avait un conseiller chargé de lui révéler en quel sens soufflait le vent des sondages et de lui donner quelques conseils à propos de menues péripéties politiques. Ainsi, ce conseiller fréquentait régulièrement ce M. Président, ainsi que son entourage et une nouvelle épouse succédant à une épouse répudiée, rencontres dont il eût été dommage de ne pas conserver la teneur pour l’Histoire, la suite se devine : le conseiller se rendait aux réunions en prenant soin d’avoir sur lui, dissimulé dans son vêtement, un dictaphone (avec une pile neuve), appuyait sur le bouton on…, et n’enclenchait off que lorsqu’il était, enfin, seul.

Au fil des mois, les enregistrements s’accumulèrent dans la chambrette du conseiller, jusqu’au jour où un revers électoral ayant envoyé à la retraite (provisoire ?) ce Président, notre homme cessa de conseiller, et d’enregistrer.

Les mois passèrent.

Puis soudain, c’était il y a deux jours, des extraits de ces enregistrements furent publiés par un hebdomadaire-satirique-du-mercredi, et un bidule en ligne qui aimerait être un journal.

Comment ces enregistrements arrivèrent-ils à ces publications ? De mauvaises langues rappellent que, sous un prétexte futile, des argousins de la police politique de l’actuel Président avaient fait irruption au domicile de l’ex-conseiller pour perquisitionner, c’est-à-dire fouiller dans ses affaires et, peut-être, peut-être… s’emparer de… de quoi ?

Cette question n’est guère posée par les actuels commentateurs qui crient au scandale, pas plus qu’ils ne réclament que les journalistes, en l’occurrence peu soucieux d’informer, ne disent à leurs lecteurs de qui ils ont reçu les fameux enregistrements (à qui soulèverait l’exception du secret des sources, répondons que les enregistrements ont été volés, et que les journalistes sont des receleurs).

J’ai lu les enregistrements publiés, ce sont des propos futiles (small talk diraient des Américains), dont l’intérêt est aussi nul que leurs auteurs, et pourtant, quel scandale, quelle affaire d’État !

Il ne s’agit pourtant que d’une historiette privée : si le conseiller a « enregistré » à l’insu de ses interlocuteurs, il n’a commis qu’une indiscrétion (qui aurait d’ailleurs dû rester ignorée), et n’est qu’un goujat, si le Président et tutti quanti en ont été avertis, il n’y a aucune entorse au plus laxiste savoir-vivre.

Et pourtant, les députés de la majorité (socialiste) réclament la création d’une commission d’enquête parlementaire sur la prétendue affaire – plus tard, les historiens (s’il en existe encore) disserteront sur l’étonnante propension des élites de l’an 2014 à croire qu’existent les riens transformés en montagnes par leurs propres discours, tout en ignorant ce qui réellement importe au peuple (souverain – ???).


Sur le web.

Lire aussi : le blog de l’auteur : http://iconoreac.blogspot.fr/

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  • Cette affaire est déplorable. Loin de moi d’adhérer aux thèses complotistes et aux idées de cette droite étatiste, mais je ne peux m’empêcher de penser que toutes ces affaires qui touchent l’UMP ne sont pas si innocentes à trois semaines d’élections locales où l’actuelle majorité pourrait laisser des plumes….

  • je ne comprends pas vraiment pourquoi les socialistes de gauche se scandalisent de cette affaire là, ce n’est pas eux qui ont été enregistrés à leur insu par buisson.
    et je ne comprends pas pourquoi ceux qui ont tenu des propos qu’ils regrettent aujourd’hui, devant buisson ou à coté de buisson, enregistrés à leur insu, viennent maintenant se lamenter et crier à la trahison. même s’il ne les avait pas enregistrés, buisson aurait tout aussi bien pu dire « un tel a dit ceci, un autre a dit cela ». la seule différence, c’est qu’avec l’enregistrement, impossible de nier et de démentir…
    il fallait mieux tenir sa langue si ils ne veulent pas qu’on sache ce qu’ils ont dit publiquement. que le public soit 1 personne (buisson), 10 personnes ou 100 personnes ne change rien à l’affaire. des gens les ont entendus, ils peuvent les rapporter.
    et effectivement, on présente buisson comme étant infect, sournois, traitre et autre qualificatifs… mais il n’y est pour rien s’il a été victime d’un vol. il est juste maladroit de ne pas avoir mis ces enregistrements à l’abri.
    avait on demandé une commission d’enquête parlementaire quand un ancien président de la république écoutait le téléphone d’une actrice de cinéma célèbre qu’il aurait peut être bien voulu mettre dans son lit ?

    • Nos Présidents savent bien s’entourer…

    • « on présente buisson comme étant infect, sournois, traitre et autre qualificatifs… mais il n’y est pour rien s’il a été victime d’un vol. il est juste maladroit de ne pas avoir mis ces enregistrements à l’abri. »

      Il a apparemment enregistré des personnes sans leur accord ce qui n’est pas seulement un manque caractérisé de savoir vivre et une infraction pénale, mais surtout une forme de déloyauté à l’égard du président qu’il servait en tant que conseiller.

  • Cette affaire est très banale. Un conseiller de Sarkozy enregistrait les réunions pour en avoir ensuite une transcription écrite par sa secrétaire. Un membre de sa famille, en conflit privé avec lui, lui dérobe les enregistrements et les vend à un journal qui s’empresse de les publier.
    Une Gauche nullissime veut en faire une affaire d’Etat, pour destabiliser l’UMP alors qu’il n’y a RIEN dans ce dossier.
    Les sympathisants de l’UMP savent que tout ceci est quantité négligeable.
    Au lendemain du second tour des elections municipales le PS pleurera et l’UMP savourera sa victoire très nette.

    • On a hâte…c’est quelle équipe qui joue au fait ? niveau CFA2 non?

    • le sieur Buisson n’est peut-etre pas tout à fait le genre d’homme pour qui le tout paris et les medias français boboide ont les yeux de chimène: maurassien, ex OAS, proche des thése FN, joue pas au tennis avec sophie lapix, ne reprend pas les airs de village poeple devant un karaoké… s’il pouvait avoir sa peau !

  • Bien vu ! D’ailleurs j’ai supprimé Atlantico de tous mes favoris après s’être commué en presse de caniveau. Je regretterai peut-être les éditos de JM Sylvestre mais depuis que H16 n’écrit plus dans cette coquille creuse je n’y trouvais plus rien d’intéressant …
    A quelques jours de élections municipales on sent bien que tous les moyens sont bons pour discréditer la droite mais il est évident que ces gesticulations insignifiantes ne suffiront pas.

  • Une complaisance dans les commentaires qui en dit long sur les convictions libérales de leurs auteurs.

    • Complaisance envers Sarkosy et l’UMP ? Tu plaisantes on les vomis à longueur d’article et de commentaires ce que tu ne PEUX pas l’ignorer depuis le temps que tu nous fréquentes.

      Cette affaire est juste un minable contrefeu sur un dossier quasi vide à deux pas des élections alors ça nous fait doucement rigoler il est vrai. Les culottes des gouvernants de la France sont remplis de merde et ils se les jettent à la gueule sans même comprendre que tous le monde fini par les vomir tous.

      Je trouve que c’est plutôt ton commentaire qui en dis long sur toi gentil toutou qui aime les culottes sales.

      • « Tu plaisantes on les vomis à longueur d’article  »

        Dans tes rêves les plus fous peut-être, d’ailleurs si tu pouvais me donner un lien Contrepoints sur l’affaire Tapis – Sarko et les conclusions qui vont avec.

        Où alors tu vas trop souvent sur le site Atlantico.

        • Non, Citoyen. Vous utilisez un sophisme = ce n’est pas parce que Contrepoints n’a rien publié sur Sarko-Tapie, que Contrepoints est pro Sarko. Le nombre d’articles anti Sarko est faramineux sur le site. Essayez d’en trouver un qui lui soit favorable …

        • Il n’y a pas d’affaire Tapie.

          Il n’y a pas d’affaire Tapie/Sarko.

          Il n’y a qu’une affaire d’Etat : l’acharnement idiot contre Tapie pendant des années, le refus de le dédommager, qui est au départ une affaire Sapin.

          Cette affaire résume énormément des dérives du Système.

    • Perso, j’ai été me relire quelques pages de Simon Epstein (« le Paradoxe français pendant l’Occupation » et « Les Dreyfusards sous l’Occupation »), et les affres de ce pauvre Bernard Lecache, président de la LICA, voir ses supposés thuriféraires (DEAT, DORIOT, FAURE, BERGERY…) de gôôche, partir à la collaboration par pleins wagons. Jouissif…

  • On demande des commissions d’enquête sur tout et n’importe quoi.

    C’est le dernier truc à la mode pour faire genre.

    Une femme rentre des courses :

    – Chéri, j’ai acheté du pain.
    – Enfin, je commençais à avoir faim!

    Le mari arrache un bout de pain et le goûte.

    – Quel intérêt d’acheter ça, la baguette de pain est encore plus fade qu’hier.
    – Chéri, tu as raison, il faudrait faire une commission d’enquête parlementaire.

  • Un éléphant (PS) ça trompe, ça trompe tout le temps! En ces veillées électorales où il n’a vraiment trouvé rien d’autre pour se mettre en valeur, le cabinet noir du PS nous ressort à grosse dose de l’anti-Sarko primaire sous forme d’écoutes téléphoniques. Tout comme l’avait fait Mitterrand qui s’était ridiculisé par cette action bien qu’il ait limité son espionnite à des artistes du tout Paris. Comme on n’arrête pas les forces de progrès, on vise aujourd’hui l’ancien Chef d’Etat, son entourage, son administration et même son avocat. On a même crée une nouvelle officine financière spéciale pour lui confier cette première affaire, dont les membres ont été choisis avec soin par les gens responsables des écoutes: voilà qui parait bien engagé, avec toutes les précautions nécessaires. La seule difficulté possible est celle de décider d’un grand nombre d’écoutes et de perquisitions, sans vraiment savoir ce que l’on cherche, ce qui est délicat, surtout s’il l’on vise un ancien président de la République. Dans un tel cas la police est bien obligée d’avoir l’accord de Walls et Walls de Taubira pour obtenir l’accord de Hollande, qui pourrait juger prudent de ne pas s’attaquer publiquement à son prédécesseur, ne serait-ce pour ne pas subir la même chose le moment venu. L’accord est obtenu, puisque les « écoutes » du traitre Buisson sont en train de faire un flop, il faut bien relancer autre chose. Le responsable est donc la plus haute autorité Hollande lui-même et non ses portes-flingue qui s’étaient exposés sous Mitterrand.On est arrivé tout en haut de la pyramide et dès lors il n’y a plus de recours possible en France. Conformément à la position unanime des professions juridiques en France cette attitude ne doit pas être tolérée et doit être dénoncée à la Cours de Justice européenne des Droits de l’Homme. Hollande en cowboy ou big brother ça va cartonner à la manif pour tous !

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