L’échec du paquet climat-énergie

Signé en 2008, le paquet climat-énergie est un échec : il conduit à une situation précaire où l’approvisionnement en électricité de l’Europe n’est plus assuré.

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L’échec du paquet climat-énergie

Publié le 31 janvier 2014
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Par Alexandre C.

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La recommandation est venue du Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP), créé voici un peu moins d’un an par Jean-Marc Ayrault pour le conseiller sur les orientations à prendre en matière d’économie, d’environnement ou encore de culture1. Dirigé par l’économiste Jean Pisani-Ferry, l’organisme a publié, ce mardi, un rapport2, dans lequel il préconise de revoir les mesures de soutien aux énergies renouvelables. Étonnamment, cette publication intervient quelques jours seulement après que Sigmar Gabriel, le nouveau ministre fédéral allemand de l’Économie et de l’Énergie, ait annoncé vouloir baisser les subventions au secteur, afin d’orienter les prix de l’énergie à la baisse.

Prévisions erronées

Tout commence à la fin de l’année 2008, quand les pays européens décident, en pleine crise, de signer le « paquet climat-énergie », avec trois objectifs – le fameux 20-20-20 – à atteindre à l’horizon 2020 : réduire de 20% les émissions de gaz à effet de serre, accroître la part de production d’électricité par les énergies renouvelables de 20% et améliorer l’efficacité énergétique de 20%. Le but avoué était alors de faire de l’Europe le leader mondial dans le domaine de l’énergie propre. À ce moment, le coût des énergies fossiles était tel – le baril de pétrole venait de passer les 145 dollars à New-York en juillet, son plus haut historique3 – que les énergies alternatives devaient être rapidement rentables malgré les investissements à consentir. À moyen terme, leur subventionnement devait disparaître et le marché aurait, seul, assuré leur viabilité.

Mais, au grand dam des initiateurs du projet, rien ne s’est passé comme prévu. La crise économique mondiale a rebattu les cartes en la défaveur des énergies propres. D’une part, le recul de l’activité économique a fait chuter la demande en matières premières fossiles. Leurs prix ont reculé tout comme les quotas de CO2 alloués par les pays membres de l’Union Européenne depuis 2003. Alors que la tonne de CO2 s’échangeait à 35 euros en 2008, elle a dégringolé à moins de 3 euros à l’été 2013, obligeant le parlement européen à geler la mise sur le marché de 900 millions de tonnes pour la période 2013-2015. Prenant conscience de cela, de nombreux pays européens – dont l’Allemagne4 – ont sauté sur l’occasion pour produire de l’électricité avec du charbon. Si on ajoute à cela le développement massif de l’exploitation massive des gaz de schiste aux États-Unis pour faire revenir la croissance et fabriquer à bon marché, qui a provoqué la chute du prix de la tonne de charbon – environ 30% de moins entre janvier 2012 et juin 2013 –, on commence à entrevoir que le marché européen de l’énergie a été complètement chamboulé et se trouve désormais dans l’incapacité d’atteindre l’objectif de moins 20% d’émissions de gaz à effet de serre, voulu par le paquet climat-énergie.

L’irruption des énergies vertes

En même temps que se produisaient ces événements, les pays européens développaient, à coup de subventions, l’implantation d’énergies renouvelables – photovoltaïque, éolien – afin de se conformer à l’accord. Dès lors, l’Europe entre en surproduction d’électricité, les prix de gros partent à la baisse et la rentabilité de certaines installations de production – notamment celles fonctionnant au gaz naturel – se dégrade. Le rapport du CGSP estime ainsi que 12% des installations de ce type dans l’UE pourraient fermer d’ici à trois ans. À terme, ce chiffre pourrait même grimper jusqu’à 40%. Or, ces centrales ont un avantage par rapport aux tranches conventionnelles : elles permettent de faire face aux pics de demande du réseau, comme ceux qui surviennent en hiver par exemple, ce que la production par les énergies renouvelables, aléatoire et irrégulière, est incapable de faire. Leur arrêt – voire leur fermeture – rendrait donc le réseau beaucoup vulnérable aux fluctuations, car moins flexible.

Pour autant, la baisse des prix de l’énergie électrique ne s’est pas répercutée sur le consommateur européen. On peut même dire que celui-ci a vu sa facture grimper de près de 27% entre 2008 et 20135. La raison à cela est que les particuliers continuent à payer le subventions de soutien au secteur des énergies renouvelables, soit une addition de 30 milliards d’euros pour la seule année 2012. Un comble. Dans le même temps, les compagnies d’électricité européennes – exsangues à cause des revenus en baisse – ne sont plus capables d’assurer les investissements nécessaires au maintien en bon état de leurs infrastructures, parfois très anciennes, ce qui pourrait occasionner quelques soubresauts sur le réseau dans un proche avenir. Et cette situation semble ne pas pouvoir s’arrêter, puisque le développement des énergies renouvelables est toujours d’actualité, ce qui mécaniquement entraînera une baisse des prix de gros, un sous-investissement des installations et ainsi de suite. Le paquet climat-énergie a donc abouti à une situation précaire où l’approvisionnement en électricité de l’Europe n’est plus assuré.

L’autre conséquence directe de cette politique européenne a été de dégrader la compétitivité industrielle de l’Europe par rapport à d’autres pays, comme les Etats-Unis, où l’extraction des gaz de schiste a fait baisser le coût de l’énergie, attirant des capitaux nouveaux. Si la situation actuelle perdure, l’Europe pourrait voir partir certains pans de son économie vers d’autres régions plus attractives.

Des solutions

Au vu de ce constat, assez pessimiste, le CGSP conseille au premier ministre et à l’Union Européenne de réduire les émissions de CO2 afin de faire remonter le prix de la tonne sur le marché aux alentours de 40 euros. En parallèle, le soutien aux énergies renouvelables devra être réduit afin de soulager les entreprises. Le rapport suggère également de mettre en place des stratégies pour atteindre l’objectif d’efficacité énergétique6.

De notre côté, on ne peut s’empêcher de penser que les dirigeants européens ont voulu se substituer aux intentions des acteurs de l’économie – entreprises, particuliers notamment – en signant ce fameux paquet. Sa mise en œuvre, au moment critique où la conjoncture économique mondiale s’inversait, s’est révélé néfaste. Les investisseurs, manquant de visibilité sur l’avenir, n’ont pas réagi comme l’avaient prévu les initiateurs du projet. Paradoxalement, des moyens d’obtenir une énergie moins chère – on pense à l’exploitation du gaz de schiste – et d’assurer le retour de la croissance, ont été écarté d’un revers de la main alors que les industriels et la technologie étaient prêts, ce qui n’était pas le cas pour les énergies vertes. À vouloir se substituer au marché, les États ont alloué des ressources à ce secteur7 tout en dépeçant d’autres. Une erreur de stratégie que nous payons aujourd’hui.

  1. Il est une émanation du défunt Commissariat général du plan.
  2. Une partie des chiffres de cet article en sont tirés.
  3. Une information datée du 3 juillet 2008 sur le site de l’hebdomadaire Le Point.
  4. On se rappellera que l’Allemagne a abandonné le nucléaire après la catastrophe de Fukushima en mars 2011.
  5. En Allemagne, les prix ont doublé en 10 ans.
  6. Le développement de technologies telles que les réseaux de distribution intelligents ou smart grids en anglais.
  7. On notera au passage que le secteur du voltaïque est désormais aux mains des Américains et des Chinois et sont donc loin de créer de la richesse en Europe.
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  • A l’inverse de ce croit naïvement (ou pas) les politiciens de l’UE, le cout des énergies vertes ne va pas baisser. Eolien et solaire sont déjà largement amortie, il n’y pas d’économie significative à espérer. Au contraire comme la productivité dépend des sites d’installation plus on en met, plus on va vers des sites moins favorables. La productivité des parc éolien baisse d’année en année. La stratégie de l’UE est totalement folle, ce que nous avons besoin c’est d’énergie nucléaire. Il n’y a pas d’alternative.

    • Exact ! D’ailleurs les Anglais, beaucoup plus pragmatiques, démarrent la construction de centrales nucléaires et le fracking n’y est pas interdit comme en France. Il faut interdire les mouvements écologistes !!!

  • Déclaration du ministre de l’économie et de l’énergie quand Montebourg propose une méthode plus propre d’exploitation des gaz de schistes :

    « La question à mes yeux est de savoir si nous pouvons nous permettre d’exploiter de nouvelles énergies fossiles fortement émettrices de CO2 alors que nous nous sommes fixés comme objectif de réduire nos émissions de gaz à effet de serre et de réduire notre consommation d’hydrocarbures »

    Au moins c’est clair : ce n’est pas la pollution qui est en cause, mais l’idéologie. On n’exploite pas les GDS parce que ce n’est pas écologique et ça produit du CO2 (alors que quand on les importe ça ne produirait pas de CO2 ?)

    En fait, les écologistes veulent la décroissance et la réduction de la consommation énergétique qui fait tourner l’économie. La crise économique, la baisse d’activité, le chomage sont donc plannifiés et il ne saurait être question de reprise. L’augmentation continue des prix de l’énergie sont voulus pour « moraliser » le citoyen.

    Soit ils sont parfaitement stupides, soit ils sont en train de manoeuvrer pour imposer le passage à l’économie plannifiée : couler l’économie de marché (en commençant par l’automobile, l’énergie, la pétrochimie tout le reste de l’industrie lourde), accuser les patrons et le capital qui n’embauche pas (malgré des baisses de charges), confisquer les capitaux et nationnaliser.

    • J’ai le même sentiment que vous. 3% de la population demande vaguement de l’énergie « propre », alors on l’impose à tout le monde, on subventionne à mort, et on tue tout le monde en accusant les méchants capitalistes et les méchants chinois. En geste d’autodéfense, j’entarterais bien tous ces politiciens idéologues. Avec une tarte aux pavés.

    • Il faut lire leurs penseurs : « désindustrialisation », et même pour certains « dépopulation ».
      Pas besoin de chercher bien loin.

  • En effet, ce ne sont que des malthusiens !!!

  • Selon le gvt. le paquet-climat énergie-conduit, pour le moment, surtout à 4 000 000 de nouveaux pauvres qu’il faut aider à payer leur facture d’électricité, avant de les priver de courant, ce qui réglera le problème; Défiant notre ministre nationaliste le gvt se prépare à vendre notre potentiel hydroélectrique à des entreprises étrangères!!! Chercher les erreurs; car il y en a beaucoup d’autres!

  • Ce n’est pas un échec. C’est un grand succès, comme prévu : on baisser la consommation, la production, la croissance. On a augmenter le chômage et le désespoir. On est pas encore à l’âge de gaïa, mais on un retourne à grand pas. Tout va comme prévu.

  • L’énergie, c’est le PIB, lorsque l’énergie commence à être contrainte en volume, le PIB l’est aussi. Depuis 1980, on produit plus de pétrole que ce que l’on découvre: le volume commence à être contraint. Or la consommation ne cesse d’augmenter. N’essayez pas de violer la physique en racontant n’importe quoi. Ce n’est pas les gaz de schistes et autres pétroles non conventionnels, peu rentables qui vont inverser la balance. Vous parlez de malthusianisme alors que vous savez pertinemment que la croissance 0 en Europe a commencé et qu’elle est loin de repartir à cause de la contrainte énergie. Vous parlez dans le vide.

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