Par Gisèle Dutheuil.
Un article de Libre Afrique.
La Côte d’Ivoire fait des efforts pour progresser dans les classements internationaux notamment le Doing Business. La volonté de réforme est telle qu’elle a été classée dans le top 10 des pays les plus réformateurs au Doing Business 2014. Elle progresse par rapport à 2013, en passant de la 177ème à la 167ème place sur les 189 économies évaluées. Le classement reste cependant très médiocre avec quelques avancées (création d’entreprises : 115ème ; exécution des contrats : 88ème ; transfert de propriété : 127ème ; commerce transfrontalier : 166ème) et des reculs (l’obtention de prêt ; la protection de l’investissement ; le paiement de l’impôt). L’intérêt de ces réformes se heurte pourtant à un environnement très corrompu qui freine la confiance de l’investisseur et déboussole les entrepreneurs soumis à des contrôles fiscaux aussi inopinés que flous. La volonté d’améliorer l’environnement des affaires par une simplification des procédures et des coûts réduit certes le risque de corruption, mais il convient d’aller plus loin en ayant pour but : plus de liberté économique.
Quelles ont été les grandes réformes dans l’environnement des affaires en 2013 ? On note la création d’un guichet unique pour la création d’entreprise : les délais sont passés de 32 jours à 5 jours ; le nombre des procédures est passé de 10 à 3 et le coût de 661.613 FCFA (environ 1000€) à 187.400 FCFA (moins de 300 €) ; pour les permis de construire : les procédures pour l’octroi d’un permis sont passées de 17 à 11, le délai d’obtention de 475 jours à 93 avec un coût qui est passé de 428.890 FCFA à 376.886 FCFA ; le transfert de propriété a été simplifié et les couts réduits. En ce qui concerne le commerce transfrontalier, un guichet unique du commerce se met en place. Pour l’exécution des contrats, la création du Tribunal de commerce a été une avancée majeure même s’il manque encore une juridiction d’appel. Les délais de traitement d’une affaire en première instance sont passés à 120 jours voire 90 jours. Enfin, pour le paiement des impôts, on note une simplification des formulaires.
Les réformes doivent se poursuivre en 2014 avec le soutien de la Banque mondiale qui a une part active au sein même du Centre de promotion de l’investissement en Côte d’Ivoire (CEPICI) dans diverses commissions de travail.
La corruption plombe l’investissement
Toutes ces initiatives vont dans le sens de l’amélioration de la liberté économique du pays mais, même si le cadre institutionnel progresse, on ne peut que s’interroger sur la portée concrète de ces réformes si la Côte d’Ivoire continue à figurer dans le lot des pays les plus corrompus au monde. Selon le dernier rapport de Transparency International, le pays arbore la 130ème place sur les 180 économies figurants au classement, avec un score de 29/100. Cela atteste de l’ampleur du chaos. Peut-on construire une maison solide sur la mouvance d’un marigot ? Cette insécurité due au manque de transparence limite les investissements et, selon Jean-Michel Lavoizard, spécialiste de l’intelligence économique, moins de 10% des investisseurs venant découvrir les possibilités dans le pays investissent réellement.
Dans ce contexte, il est nécessaire de s’atteler à punir les mauvaises pratiques même si elles touchent les sphères les plus hautes du pouvoir. Mais au-delà, il faut rassurer les investisseurs en améliorant la liberté économique. La taille de l’État par exemple est trop importante, selon les index de la liberté économique réalisé par l’institut Fraser, ce qui veut dire que l’État est trop présent dans la sphère économique. Réduire son intervention réduirait les opportunités de corruption et de rente. Il reste à espérer que la décision de privatiser un lot d’entreprises publiques, prise en conseil des ministres le 2 décembre dernier, s’inscrive dans cette logique et débouche sur un élan de désengagement de l’État, une meilleure compétitivité et la création de nouveaux emplois privés.
De même, la réglementation des affaires dont le score est de 4,54/10 à l’index du Fraser Institut, constitue un terreau fertile à la corruption et pousse une grande partie des petits entrepreneurs vers l’informel. Il est impératif, avant tout, de résoudre le chaos juridique dans le pays (note de 2,95/10 selon Fraser). Le gouvernement ne doit plus interférer dans les décisions de justice.
Certains économistes pensent qu’une amélioration du cadre institutionnel peut inciter les décideurs à changer. La création d’entreprises augmentant, il faut espérer que la pression de ce nouveau secteur privé force le changement des mentalités en obligeant les dirigeants du pays à passer des promesses à l’action et à sortir de la logique prédatrice. Alors seulement le nouveau cadre institutionnel mis en place aujourd’hui avec ardeur servira à autre chose qu’à faire progresser le pays dans les index. Il ne suffit plus de se battre pour gagner des points au Doing Business. Les classements et les déclarations ne pourront faire reculer la pauvreté.
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Sur le web.
j’y voit rien au burkinafécho…!