Ouverture des données de santé : à quand un vrai débat ?

Loin du débat promis sur l’ouverture des données de santé, Marisol Touraine demande à ses fidèles rapport bidon sur rapport bidon.

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Ouverture des données de santé : à quand un vrai débat ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 12 octobre 2013
- A +

Loin du débat promis sur l’ouverture des données de santé, Marisol Touraine demande à ses fidèles rapport bidon sur rapport bidon.

Un article de l’Initiative Transparence Santé.

Les rapports défavorables à l’Open data s’accumulent sur le bureau de la ministre de la santé. Pas étonnant, leurs auteurs sont triés sur le volet. On attend avec impatience que la voix citoyenne puisse s’exprimer.

L’Initiative Transparence Santé a publié lundi une tribune dans les pages « Idées » du quotidien Le Monde en réaction à la publication le 3 octobre du rapport de Pierre-Louis Bras, inspecteur général des Affaires sociales, sur la « gouvernance et l’utilisation des données de santé ».

Dans ce texte, nous dénonçons la volonté désormais clairement affichée par les pouvoirs publics de réserver l’accès aux données sur le système de soins aux seuls acteurs publics. Une position traduisant selon nous l’évidente crainte « qu’on puisse lever le voile sur l’incompétence dont la puissance publique fait preuve depuis des années dans la gestion du système de soins ».

« Dans de nombreux pays (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Suède, etc.), l’ouverture des données de santé s’impose comme frappée au coin du bon sens. En France, sous couvert d’un discours « open », l’administration invente, exception française oblige sans doute, un autre concept : la transparence en accès restreint ». Cette tribune, l’Initiative a aussi pris la décision de l’écrire pour faire le point sur les arguments des opposants à l’Open data en santé.

Contorsions argumentaires au menu

Exemple parmi d’autres, le risque avancé dans le rapport Bras que l’industrie pharmaceutique puisse disposer d’informations fines sur la prescription de médicaments si les données de santé étaient effectivement mises à disposition de tous. « Un argument qui ne tient pas », selon nous. Et pour cause les labos disposent déjà de ces informations via notamment les équipes publiques de recherche ayant un accès aux données de consommation détenues par l’Assurance maladie.

C’est le cas par exemple de l’équipe de Bernard Bégaud directeur de l’unité de recherche Inserm sur la « pharmaco-épidémiologie et évaluation de l’impact des produits de santé sur les populations », qui a remis à Marisol Touraine le 16 septembre un rapport sur la surveillance et le bon usage du médicament.

Ce rapport dresse un constat accablant de l’état du dispositif français en matière de surveillance de la consommation médicamenteuse. Las… Les solutions qu’il propose relèvent du moyen-âge et ne précisent en aucun cas les mesures à adopter pour qu’enfin la consommation médicamenteuse soit suivie en temps réel, regrettions nous dans un communiqué de presse publié le 18 septembre.

Des rapporteurs soigneusement sélectionnés

Pour l’Initiative, le problème n’est pas tant que l’industrie pharmaceutique puisse accéder aux données. Mais bien qu’un chercheur qui travaille en ce sens soit mandaté d’un rapport par la ministre dans lequel l’auteur, juge et partie, prendra finalement position – coïncidence bien entendu – contre l’ouverture des données. De là à dire que Bernard Bégaud verrait d’un mauvais œil que d’autres acteurs puissent venir jouer sur ses plates-bandes, il n’y a qu’un pas…

Le rapport Bras pose aussi question quant à la sincérité de ses conclusions. Pourquoi cette réserve ? Parce qu’avant même de rendre sa copie à la ministre de la Santé, l’auteur s’est vu offrir en août une jolie promotion par… cette même ministre. Pierre-Louis Bras officie désormais en qualité de nouveau secrétaire général des ministères chargés des affaires sociales. « Autant dire que les recommandations de son rapport ne risque pas de trop défriser celle qui l’a commandé », prédisait l’Initiative dans une newsletter publiée à la fin de l’été.

Déjà, il se susurrait dans les milieux informés que la société civile n’avait guère à attendre des recommandations de ce rapport. Sinon des miettes. Ces bruits de couloirs se confirment aujourd’hui. Comme si deux rapports ne suffisaient pas, la ministre de la Santé a annoncé dans la foulée de la publication des travaux de Pierre-Louis Bras son intention d’en… commander un autre.

Un débat public qui se fait attendre

Celui-ci portera sur le « risque de ré-identification des personnes à partir de données anonymes ». Un risque sinon fantasmé, en tout cas de portée très limitée, Pierre-Louis Bras en convient lui-même, et qu’un accès bien pensé aux données de santé pourrait facilement éviter. Une chose est certaine : cet argument ne saurait justifier la restriction de l’accès aux données. La rédaction de ce rapport a été confié à Franck Von Lennep, directeur de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) au ministère de la Santé.

Un serviteur de l’Etat pur jus qui s’est notamment illustré dans la tentative de mise en place du Dossier médical personnel – avec le succès qu’on connaît. Il est également le père d’un plan stratégique de l’informatisation des systèmes de santé… qui n’a jamais vu le jour. Rappelons enfin que la Drees est envisagée dans le rapport Bras, comme un possible candidat au rapatriement des données de l’Assurance maladie dans le giron du ministère de la Santé. Dans ce contexte on se doute d’avance que les conclusions des futurs travaux de Franck Von Lennep ne risquent pas de contrarier sa ministre.

Quant au débat public sur la question de l’Open data en santé, annoncé de longue date par les services du Premier Ministre, il aurait dû être mis sur pied en septembre. On attend toujours qu’il le soit. Serait-ce qu’il est plus confortable pour la ministre de privilégier les rapports commandés à des personnalités « amies », en tout dont les conclusions lui seront forcément favorables, que de prendre le risque d’écouter la voix des citoyens ? L’initiative continue d’appeler avec force à ce que ce débat soit organisé dans les plus brefs délais.

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  • J’avais écrit ce billet dans mon blog le 22 juillet, je constate que tout est bouclé en France :
    L’open data médical et les essais cliniques : même opacité !
    Publié le 22 juillet 2013
    Il est intéressant de rapprocher un article de Contrepoints paru hier 21 juillet ( http://www.contrepoints.org/2013/07/22/131617-open-data-de-sante-en-france-toujours-pas-une-realite ) et celui paru le même jour dans le Guardian ( http://www.guardian.co.uk/business/2013/jul/21/big-pharma-secret-drugs-trials ) car dans les deux cas, l’accès public aux données de santé (open data, en particulier en France) et aux résultats d’essais cliniques de phase III (dans le monde – et également en France) lors du développement d’un nouveau médicament est impossible pour des raisons de confidentialité dans le premier cas et de secret industriel dans le second cas. On peut tout de même s’étonner de l’opacité régnant dans ce domaine et cela quelles que soient les tentatives répétées des politiques pour atteindre plus de transparence. Par exemple, le fait que près de 20000 personnes meurent chaque année en France à la suite de prescriptions médicales inadaptées, injustifiées ou incompatibles avec d’autres médicaments pris simultanément par les malades ne peut pas être étudié en détail et en temps réel car le médecin se retranche derrière le secret médical et le laboratoire pharmaceutique ne publie jamais l’ensemble des résultats des essais cliniques. On peut donc suspecter qu’il y a un lien entre ces deux situations au détriment de la santé des malades. Si l’open data médical était généralisé (ce à quoi s’est engagé le récent G8 en Ulster), c’est-à-dire l’accès aux données médicales relatives aux traitements médicamenteux, en préservant une forme d’anonymat permettant de remonter éventuellement aux malades individuellement en cas d’incidents avérés, il serait alors beaucoup plus aisé d’établir des relations entre les causes de ces incidents observés lors des prescriptions, le suivi médical et l’évolution des maladies pour les rapprocher des résultats des essais cliniques réalisés intra muros par les compagnies pharmaceutiques. Ces compagnies ne publient jamais l’ensemble de leurs résultats et surtout se gardent bien de prendre en considération l’ensemble de ces derniers, mettant en avant ceux qui sont statistiquement satisfaisants et en passant sous silence ceux qui révèlent l’absence totale d’effets ou encore de dangereux effets secondaires. Les laboratoires pharmaceutiques se défendent en arguant que si leurs résultats étaient rendus publics et donc analysables par des scientifiques indépendants, « ils risqueraient d’être mal interprétés et nuire à la santé ». On croit rêver en lisant ça (Guardian) mais c’est pourtant la réalité. Les chimistes se retranchent derrière le secret professionnel et l’anonymat des patients impliqués dans les essais cliniques. On voit donc que les deux problèmes, open data et essais cliniques, se rejoignent. On peut dès lors se poser la question de savoir si les chimistes ne font pas obstruction pour l’établissement de l’open data sachant que l’accès aux données médicales pourrait faire ressortir de graves dysfonctionnement dans cette corporation à qui on ne peut pas vraiment décerner le premier prix d’honnêteté scientifique, de nombreux scandales sanitaires étant là pour le rappeler sinon pour le prouver ! Les chimistes se retranchent aussi derrière le respect nécessaire de l’anonymat des personnes participant aux essais cliniques et qui sont rémunérées pour ce faire (pas vraiment au Zimbabwe ou en Ethiopie mais c’est un autre problème) et c’est un autre faux argument d’une telle évidente mauvaise foi qu’on peut aussi en rire (jaune). L’open data constituerait en quelque sorte un genre d’essai clinique à grande échelle qui dans beaucoup de cas risquerait d’infirmer les allégations des laboratoires pharmaceutiques et c’est en définitive ce dernier point qu’ils redoutent. Les scandales du Vioxx et du Mediator auraient pu être évités, mais les scandales à venir des statines et de certains anti-diabétiques pourraient également être prévenus si l’open data était de mise. Il y a trop de centaines voire de milliers de milliards de dollars en jeu et quelques milliers de morts de plus ou de moins rapportés aux profits réalisés est un épiphénomène, tout restera encore (et pour une période indéfinie à n’en pas douter) opaque …

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