Marc Crapez : « Le libéralisme, c’est avoir le courage de ses opinions » (1/2)

Entretien avec Marc Crapez

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
dessin Marc Crapez

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Marc Crapez : « Le libéralisme, c’est avoir le courage de ses opinions » (1/2)

Publié le 30 septembre 2013
- A +

Marc Crapez est un habitué des colonnes de Contrepoints. Cet entretien est l’occasion de le faire découvrir à nos lecteurs. Pourquoi est-il libéral ? Le libéralisme a-t-il sa place en France ? 

Entretien réalisé par PLG, pour Contrepoints.

Caricature de Jacques Faizant, parue en 1ère page du Figaro le 22 juin 1999, au lendemain d’une interview de Marc Crapez par ce quotidien.

Marc Crapez, pouvez-vous d’abord rappeler votre parcours aux nouveaux lecteurs ?

Mon parcours est atypique. Ma thèse de doctorat exhumait minutieusement les sources populistes et antisémites de l’extrême gauche du XIXe siècle. Certains en furent fous de rage. Du coup, comme l’écrivit un historien italien : « Il est probable qu’une décennie sera nécessaire pour que le schéma de lecture et d’analyse proposé par Crapez réussisse à briser le mur du silence ».

Puis, j’ai aggravé mon cas par un deuxième livre montrant que le clivage gauche-droite ne date que du XXe siècle et, en tout cas, pas de la Révolution française. À 29 ans, j’avais déjà publié deux livres préfacés par des politologues de renom. Par la suite, j’ai publié un livre sur le sens commun et un autre sur la crise de 2008. Il y a deux ans, j’ai décidé d’aller à la rencontre des internautes en publiant des chroniques dans des médias en ligne et notamment sur Contrepoints.

En s’opposant à l’interventionnisme idéologique, le libéralisme aide à discerner le vrai du faux en politique.

 

Comment avez-vous découvert le libéralisme ?

J’ai découvert le libéralisme par Tocqueville, Aron et Jean Baechler. Intuitivement, j’avais toujours trouvé absurde le système clientéliste par lequel la gauche vit aux frais de la princesse en semant des impôts pour récolter des fonctionnaires. Mais pire encore que ce fonctionnarisme, j’ai découvert un dérèglement intellectualiste qui pousse beaucoup d’intellectuels de gauche à consommer de fortes doses d’idéologie (alors que les citoyens de gauche, eux, sont parfaitement sensés).

Je conçois le libéralisme comme le meilleur observatoire qui soit sur les idées problématiques, fragiles ou fausses. Il permet de les combattre avec les armes de l’esprit. En s’opposant à l’interventionnisme idéologique, le libéralisme aide à discerner le vrai du faux en politique.

Le libéralisme mise sur l’initiative, la responsabilité et l’arbitrage individuels. Il laisse les gens penser librement.

 

Au fond, pourquoi le pensez-vous supérieur aux autres idées ?

En effet, je le trouve supérieur aux autres idées. Le libéralisme postule une certaine perfectibilité de l’être humain et un certain progrès des sociétés tout en cultivant le refus du totalitarisme et la circonspection à l’endroit du constructivisme.

Le libéralisme mise sur l’initiative, la responsabilité et l’arbitrage individuels. Il laisse les gens penser librement et délibérer sans obéir aux idées préconçues d’un grand dirigeant. Il procède par tâtonnement, tentatives et retouches, sans brûler les étapes. Il assure dans la durée l’augmentation du niveau de vie en sécurisant les transactions et en garantissant l’émulation et la libre concurrence.

Rationalité de l’acteur économique, clairvoyance du citoyen, bon sens du peuple, libéralisme et démocratie cheminent de concert. Ce libéralisme qui a contribué à gouverner la France, depuis l’installation de la République à la fin du XIXe siècle, peut s’enorgueillir d’une splendide tradition d’intellectuels (Leroy-Beaulieu, Halévy, Thibaudet, Siegfried, Rueff, Jouvenel) et d’hommes politiques (Ferry, Deschanel, Doumergue, Poincaré, Tardieu, Reynaud, Pinay, de Gaulle).

En France l’extrême gauche forme une minorité de blocage.

 

Qu’est-ce qui vous a un jour poussé à prendre la plume pour le défendre ?

Je suis un contrariant. Et j’aime défendre les idées minoritaires. Au risque d’être la cible des réseaux d’extrême gauche. Dès 1998, mon travail était stigmatisé dans une revue comme tout à la fois « déplorable… déplaisant… réducteur… caricature… manque de rigueur… ».

En janvier 2005, une de mes tribunes annoncée en première page d’un grand journal était censurée à la composition. Elle est parue quelques jours plus tard, mais c’est la dernière fois que j’ai pu publier dans ce journal car peu après j’étais cloué au pilori sur un site trotskiste à cause de cette tribune de journal où j’avais qualifié tel leader trotskiste de « vieux caïman communiste ». Cet exemple montre qu’en France l’extrême gauche forme une minorité de blocage : il lui suffit de se mobiliser pour intimider le rédacteur en chef d’un journal qui souhaitait ménager le pluralisme en publiant un auteur de droite.

En janvier 2013, des références à mes travaux qui figuraient depuis plusieurs années sur Wikipédia ont été méthodiquement censurées, comme dans les notices « Sens commun » ou « Jacques-René Hébert ». La notice « Marc Crapez », qui datait probablement de près de dix ans, a même été vandalisée puis supprimée.

Quels sont vos thèmes de prédilection ?

Mes thèmes de prédilection concernent d’abord la théorie du libéralisme (généalogie, typologie, rationalité des conduites économiques). Ce sont ensuite l’explication de la crise de 2008 et de la crise de la dette, ainsi que les questions qui en découlent  (question des rémunérations, matraquage et évasion fiscaux…). Vient enfin la déconstruction des mythes à la mode (notion de prophétie auto-réalisatrice, stéréotype rhétorique du faux problème ou de la question mal posée…).

S’il adopte un positionnement centriste, le libéralisme devient un parti attrape-tout et gobe-tout.

 

Pensez-vous qu’il existe aujourd’hui une véritable place pour les idées libérales en France ?

Le libéralisme c’est avoir le courage de ses opinions. C’est un esprit de résistance aux abus du prêt-à-penser et aux excès des puissants. Le juste milieu ne repose pas sur un impératif de modération consensuelle, mais sur une dynamique pluraliste, le sens du risque et l’esprit de contradiction, quitte à explorer des voies inattendues.

Inutile de se leurrer, le libéralisme « fonctionne plus ou moins à droite », selon la formule de Thibaudet. Les libéraux considèrent les socialistes comme des gens quelque peu dogmatiques et démagogues, qui n’ont jamais pris le taureau par les cornes pour affronter leurs antinomies entre révolution et démocratie ou entre accroissement des libertés publiques et réduction des inégalités sociales.

S’il adopte un positionnement centriste, le libéralisme devient un parti attrape-tout (des bobos aux bisexuels) et gobe-tout (de la droitisation à la montée du populisme). Autant dire qu’il devient un conformisme dénué d’intelligence, à l’instar du parti libéral allemand qui vient de péricliter. En France, le libéralisme a donc, vaille que vaille, vocation à travailler avec l’UMP.

La suite de l’entretien, c’est ici !

Suivre les articles de l’auteur sur Facebook

Dernier article de l’auteur

Voir les commentaires (4)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (4)
  • « Je suis un contrariant. Et j’aime défendre les idées minoritaires. »
    « Le libéralisme c’est avoir le courage de ses opinions . C’est un esprit de résistance du prêt-à-penser … »
    😎 Depuis toute petite la Black Mamba était ne libérale mais ne savait comment qualifier son état d’esprit , on m’avait juste dit que j’étais hors norme et que je dérangeais les petites habitudes 😎

  • l extreme gauche est heritiere de robespiere, de carrier, les agents de la terreur revolutionnaire
    ces gen nourris aux subventions qui se moquent de « peuple » ils se gavent comme melanchon aux omelettes aux truffes45e comme j ai vu de mes yeux vus ce revolutionnaire en velours

    enversons les syndicats, les rentiers de la gauche

  • de Gaulle chez les libéraux? Voila qui est singulier, lui qui a toujours favorisé les communistes aux détriment des Américains et laisser inélucatblement s’installer le totalitarisme collectiviste des syndicats, sans parler du vérouillage de l’information.
    M. Crapez, avez-vous lu L’Absolutisme inefficace de J.F. Revel?

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Dans Woke fiction - Comment l'idéologie change nos films et nos séries, Samuel Fitoussi* élabore une critique libérale du wokisme et de son impact sur le monde du cinéma et de la série. Un entretien réalisé par Baptiste Gauthey, rédacteur en chef de Contrepoints.

Contrepoints : Bonjour Samuel Fitoussi. Dans les dernières années, de nombreux essais politiques ont été publiés sur la question du wokisme. Pourquoi avoir choisi d’écrire sur ce sujet, et qu’est-ce qui fait l’originalité de votre ouvrage ?

Passionné de cinéma,... Poursuivre la lecture

Nicolas Forissier est député (deuxième circonscription de l'Indre) au sein du groupe Les Républicains.

Entretien réalisé par Baptiste Gauthey.

 

Contrepoints : Bonjour Nicolas Forissier. Vous êtes un représentant de l’aile libérale de la droite française. Mais la droite est-elle encore libérale ?

Nicolas Forissier : Je ne sais pas si elle l’est encore, mais je dirais qu’elle l’a été et qu’elle devra l’être dans le futur. Il ne faut pas oublier que la droite gaulliste et libérale a gouverné, à la louche, 65 % d... Poursuivre la lecture

 

Contrepoints : Bonjour Shannon Seban. Tout d’abord, quelle est la situation en Seine-Saint-Denis après ces quelques jours d’émeutes ?

Shannon Seban : En Seine-Saint-Denis, le bilan est très lourd. À Rosny-sous-Bois, ville dans laquelle je suis élue, le centre commercial Rosny 2 a été la cible de pillages et le commissariat de police a été dégradé. À Aubervilliers, 12 bus de la RATP ont été brûlés. À Saint-Denis, le centre administratif de la commune a été ravagé. À Clichy-sous-Bois, la mairie a été incendiée. Et la liste ... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles