Angela Merkel, un triomphe au goût de défaite

Malgré une large victoire, Angela Merkel devra transiger avec l’opposition.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
élections allemagne

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Angela Merkel, un triomphe au goût de défaite

Publié le 24 septembre 2013
- A +

Malgré une large victoire, Angela Merkel devra transiger avec l’opposition.

Par Stéphane Montabert.

Le mot revient en boucle dans les médias : Angela Merkel et la CDU ont triomphé ce week-end, c’est un fait sur lequel on ne reviendra pas.

Le terme reste tout de même curieux pour une chancelière condamnée à composer un gouvernement avec la gauche. La « Grande Coalition » vers laquelle l’Allemagne se dirige n’est pas vraiment le reflet d’un pouvoir sans partage.

Angela Merkel est rompue à l’exercice, elle qui a déjà mené ce genre de coalition lors de son premier mandat (2005-2009). Ses options sont ouvertes. Reste à comprendre comment une victoire aussi marquée peut se traduire dans les faits à devoir transiger avec l’opposition.

À gauche, l’effondrement annoncé ne s’est pas produit. Les variantes de la gauche ressortent même renforcées : 319 sièges pour Die Linke, le SPD et les Verts contre 289 lors de la législature précédente. Avec 8,4% des suffrages, Les Verts en particulier ont beaucoup pâti d’une campagne ratée entachée de soupçons de complaisance envers les pédophiles. Les sondages leur prédisaient 20% il y a seulement deux ans, alors qu’ils se retrouvent aujourd’hui comme la plus petite des forces politiques présentes au parlement. Mais les voix écologistes se sont naturellement reportées sur le grand frère de gauche, le SPD.

La droite quant a elle a été victime du système électoral allemand – mais pas seulement.

En-dessous d’un seuil de 5%, les partis n’accèdent pas au Bundestag. Or, les alliés traditionnels de la CDU, les libéraux du FDP, ont été proprement laminés, passant de 14,6% à 4,8% en une législature. Pourquoi cette dégringolade ? Il y a deux raisons.

La première tient au programme du FDP. En s’associant à la CDU, les libéraux pensaient influer sur le gouvernement Merkel. Il n’en fut rien et ils échouèrent à obtenir des baisses d’impôts, la base centrale de leur programme de 2009. Leurs ambigüités face à la « rigueur » dans la gestion de la crise de l’euro firent le reste. Vue de cette façon, la déroute des libéraux du FDP n’augure rien de bon pour le pays.

Ces faiblesses sont certainement pour beaucoup dans l’émergence du nouveau parti révélé par ces élections, l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), et cela constitue la seconde raison. Le parti, créé en février et lancé officiellement en avril de cette année, a réussi en quelques mois à réunir 4,7% des électeurs derrière lui. Un électeur sur vingt séduit en si peu de temps, on a rarement vu pareil démarrage !

Bien entendu, vous n’avez probablement jamais entendu parler de l’Alternative pour l’Allemagne, et comme il a échoué d’un cheveu à atteindre la barre des 5%, les médias pourront complaisamment continuer à ignorer son existence. L’Alternative pour l’Allemagne dérange, c’est un euphémisme. Que souhaite-t-elle ? La fin de l’euro, le rejet des « plans de sauvetage » et de l’union bancaire, la restitution au niveau national de compétences captées par l’Union Européenne, et enfin le respect des critères de Maastricht et l’arrêt des financements indirects que pratiquent les États, s’il vous plaît ! Alors, oublions-les vite !

Angela Merkel a dû pousser un soupir de soulagement. À quelques milliers de voix près, elle aurait dû affronter l’éventualité d’une coalition avec l’Alternative pour l’Allemagne sur sa droite. Elle se serait alors retrouvée au pied du mur : soit s’allier avec des eurosceptiques et remettre en question la construction européenne, une tâche certainement pas dans son plan de carrière, soit afficher ses vraies couleurs et préférer la gauche, trahissant très officiellement sa base électorale. Par chance, elle n’aura pas à affronter ce choix cornélien. Les seuls alliés potentiels se trouvent en face.

La gauche retrouvera d’une façon ou d’une autre le chemin du gouvernement ; on peut donc s’attendre à une crise de l’euro continuant sur sa lancée – c’est-à-dire, s’aggravant petit à petit sans qu’aucun problème ne soit résolu – pendant encore quatre ans.

En s’associant à l’opposition pour partager le pouvoir après avoir saigné ses alliés, Angela Merkel inflige à son camp un désastre sur le plan des valeurs ; fort heureusement, la chancelière n’en a aucune. Sur le plan de la conquête et du maintien au pouvoir, en revanche, c’est effectivement un triomphe. Reste qu’il laisse comme un arrière-goût en bouche.


Sur le web.

Voir les commentaires (6)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (6)

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
Par Jean-Pierre Riou et Michel Gay Cet article est une synthèse « grand public » de deux articles plus techniques de Jean-Pierre Riou « Focus sur les loop flows » et « La fin des MWh clandestins »

L’implantation disséminée des énergies renouvelables électriques intermittentes (EnRi) implique de lourds investissements (plusieurs centaines de milliards d’euros) dans le réseau de distribution auquel ces EnRI sont majoritairement connectées.

En effet, les éoliennes et les panneaux photovoltaïques (PV) ne sont pas des énergies locales, cont... Poursuivre la lecture

La chute du Mur de Berlin en 1989 a été un moment historique, marquant la fin de la Guerre froide et le début d'une nouvelle ère en Europe. En 2024, nous pouvons encore observer les répercussions de cet événement qui a remodelé le continent européen.

La réunification de l'Allemagne, qui a suivi la chute du mur, en a été l'une des conséquences les plus immédiates et les plus significatives. Elle a, non seulement, réuni les familles et les communautés séparées depuis des décennies, mais a également posé les bases d'une Allemagne plus forte et p... Poursuivre la lecture

50 % des Allemands de l'Est déclarent : « De nombreux développements négatifs en Allemagne aujourd'hui me rappellent l'Allemagne de l'Est socialiste. »

 

Le gouvernement allemand intervient de plus en plus dans l'économie. De nombreux Allemands ont été scandalisés par les mandats du gouvernement qui leur dictent les systèmes de chauffage qu'ils sont autorisés à utiliser. Et pour la première fois peut-être dans l'histoire, un pays a volontairement interdit son produit numéro un : les voitures à moteur à combustion.

Co... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles