Mali : l’élection pourrait mener à une autre crise

Si les Maliens votent effectivement dans trois semaines, tout devra être fait pour éviter qu’une élection imparfaite ne se transforme en une catastrophe.

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Mali : l’élection pourrait mener à une autre crise

Publié le 17 juillet 2013
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Si les Maliens votent effectivement dans trois semaines, tout devra être fait pour éviter qu’une élection imparfaite ne se transforme en une catastrophe.

Par Louise Arbour et Gilles Yabi [*].
Un article de LibreAfrique.

L’élection à venir au Mali risque d’être marquée par tant d’insuffisances techniques et un taux de participation si faible que le nouveau président pourrait être privé de la légitimité nécessaire pour conduire un pays affaibli et dans la confusion sur le chemin de la stabilité et du développement.

Le premier tour de l’élection présidentielle est prévu pour le 28 Juillet. Un délai serait judicieux mais avec le rapprochement de la date fatidique, la perspective d’un report semble de moins en moins probable.

Le Conseil constitutionnel a validé 28 candidatures et la campagne électorale a débuté le 7 Juillet. Le ministre de l’administration territoriale est convaincu que « toutes les conditions pour le déroulement d’élections transparentes et crédibles » ont été respectées. Il a également fait observer que son ministère est seul responsable de l’élection, un message clair à la Commission électorale nationale indépendante (CENI), qui ces derniers jours a souvent fait allusion à des « imperfections » dans les préparatifs techniques de l’élection.

Si cette situation malheureuse continue de prévaloir, alors il sera nécessaire de mettre en place des mesures de sécurité, politiques et logistiques, au moins pour limiter la gravité d’une éventuelle crise post-électorale.

Étant donné que des centaines de personnes sont mortes dans des violences post-électorales en Côte d’Ivoire et ailleurs au cours des dernières années, beaucoup pensent qu’une élection africaine peut être considérée comme un succès si elle parvient à se faire sans conflit sanglant. Il est vrai que les risques au Mali ne semblent pas aussi élevés qu’ailleurs, et c’est une bonne chose. Et la détermination à maintenir la date de l’élection du 28 Juillet a été, jusqu’à ces dernières semaines, vraisemblablement justifiée : cela a aidé à exercer la pression nécessaire pour obtenir un accord de paix préliminaire entre le gouvernement de transition et les groupes touaregs armés dans le nord, et motivé les autorités de transition à accélérer leurs préparatifs électoraux.

Mais aujourd’hui, les raisons qui militent contre la date du 28 juillet l’emportent sur les raisons en sa faveur. Même si de nombreux électeurs ne peuvent pas recevoir leurs cartes nationales d’identité dans les temps, et même si l’administration n’est pas encore présente dans le nord du pays, il serait tout de même nécessaire de voter. Les raisons seraient que le gouvernement malien a fixé cette date parce que le gouvernement de transition doit vraiment passer la main ; un président élu même de manière douteuse serait mieux qu’un chef d’État par intérim ; un délai de quelques semaines ne permettrait pas d’améliorer considérablement la qualité du processus électoral ; les partenaires du Mali veulent des élections avant qu’ils ne puissent fournir l’aide généreuse qu’ils ont promise, et le président français a indiqué qu’il ne tolérera aucune modification de la date.

Derrière ces arguments, certains plus implicites que d’autres, se trouve un scepticisme quant à l’utilité d’un processus électoral, qui semble être considéré comme une case à cocher avant que la classe politique et les partenaires internationaux ne s’attaquent aux choses sérieuses. C’est comme si tout le monde avait acquis la conviction que cette élection présidentielle, qu’elle soit bien menée, populaire, imparfaite, très imparfaite ou désastreuse, ne fera pas vraiment grande différence pour l’avenir du Mali.

Cette croyance n’est pas tout à fait fausse. Même une élection crédible et techniquement réussie ne suffirait pas à établir la démocratie au Mali sur une base solide, introduire l’éthique dans la pratique des affaires publiques, rebâtir les services de sécurité maliens ou réconcilier le peuple malien. Mais se résigner ainsi à tenir une élection qui pourrait mobiliser moins des 36 pour cent des électeurs admissibles qui ont participé à la dernière élection présidentielle en 2007 est une façon assez particulière d’encourager la démocratie au Mali.

Si les Maliens votent effectivement dans trois semaines, tout devra être fait pour éviter qu’une élection imparfaite ne se transforme en une catastrophe.

  • Les autorités maliennes, la Mission des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA, opérationnelle depuis le 1er juillet) et les forces françaises de l’opération Serval doivent se préparer à l’éventualité d’attaques terroristes au cours de la campagne électorale et le jour du scrutin.
  • Les trois semaines restantes devraient être mises à profit pour distribuer le plus grand nombre possible de cartes d’identité, informer les électeurs de l’emplacement exact des bureaux de vote afin de limiter le désordre le jour du vote, et démontrer de façon convaincante à la fois aux électeurs et aux candidats que le processus post-électoral sera transparent, de la collecte centrale des bulletins de vote à l’annonce des résultats préliminaires.
  • La Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest, l’Union africaine et les Nations Unies doivent travailler de concert avec les autorités maliennes pour sécuriser tous les aspects du processus électoral.

Enfin, tous les candidats à la présidentielle doivent signer non seulement un code de conduite – comme ils l’ont déjà fait – mais un accord solennel à respecter les résultats des élections ou à les contester exclusivement par des moyens légaux et à accepter n’importe quel verdict de la Cour constitutionnelle. Ils devraient confirmer publiquement leur acceptation des défauts anticipés du processus électoral et se préparer à vivre avec les résultats d’une élection qui, après tout, conduira à la défaite de 26 ou 27 d’entre eux.


Sur le web. Cet article a été publié initialement en anglais sur le site d’AfricanLiberty.org.

[*] Louise Arbour, Présidente, et Gilles Yabi, Directeur, The International Crisis Group.

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