Égypte : quand une révolution chasse l’autre

Combien de révolutions faudra-t-il pour que les Égyptiens réalisent que leur démarche est erronée ?

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Égypte : quand une révolution chasse l’autre

Publié le 3 juillet 2013
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Combien de révolutions faudra-t-il pour que les Égyptiens réalisent que leur démarche est erronée ?

Par Stéphane Montabert.

Les Égyptiens sont frustrés et déçus.

Après avoir chassé Hosni Moubarak du pouvoir, leur choix se porta sur Mohamed Morsi, le candidat du Parti de la liberté et de la justice, faire-valoir des Frères musulmans. Le 24 juin 2012, l’Égypte reçut un nouveau président, élu avec 51,73% de voix. Certains en Occident s’en étonnèrent, tous s’en méfièrent. Mais un peuple pauvre, sans instruction et dénué d’expérience politique, aurait-il pu faire autrement que d’écouter les conseils du mouvement de résistance historique ?

De la même façon, côté égyptien la déception est à la hauteur des espoirs – immense. Mais qu’espéraient donc d’autre les électeurs portant au pouvoir un président islamiste ? Mohamed Morsi a été prévisible sur toute la ligne.

On peut bien sûr justifier ce retournement de l’opinion par l’examen critique de la politique de Morsi, pour peu surprenante fut-elle. Accusé de favoriser son clan et d’islamiser le pays, le pantin des Frères a vite pris le pli du pouvoir en s’octroyant des prérogatives exceptionnelles. L’économie ne va pas bien ; touristes et investisseurs boudent l’Égypte. Le chômage et l’inflation sont en hausse et les pénuries de carburant et d’électricité s’ajoutent à celles des biens de consommation courante. Pour fonctionner, l’État n’a rien trouvé de mieux que d’emprunter au FMI.

Les drames s’écrivent longtemps à l’avance. Aujourd’hui, alors que Mohamed Morsi n’a accompli qu’un quart de son mandat, les Égyptiens sont dans la rue par millions et réclament le départ de celui qu’ils portaient aux nues la veille. Pour qu’une révolution ait lieu, il faut des jeunes et des estomacs vides, l’Égypte possède les deux en abondance. Révolution il y aura.

Et après ?

L’Égyptien moyen pense sans doute que là où Mohamed Morsi a échoué, un autre pourrait réussir, mais qui ? En Égypte comme dans la plupart des pays musulmans, le pouvoir se divise en trois factions : les socialo-communistes, auto-proclamés démocrates laïques et éclairés (et qui ont bien sûr droit à tous les honneurs de nos médias occidentaux) ; les islamistes, très présents dans les campagnes conservatrices et dans les couches populaires ; et les nationalistes à travers l’armée et la police, arbitres des deux camps précédents et occasionnellement pourvoyeurs de tyrans ambitieux.

Il paraît évident qu’aucun individu issu de ces groupes ne parviendra à sortir l’Égypte du sous-développement, la dictature étant la forme d’organisation la plus élevée qu’ils puissent atteindre. Il existe bien des commerçants, des entrepreneurs et des hommes d’affaires égyptiens, mais les plus doués se sont enfuis pour faire fortune ailleurs et les autres tâchent de rester discrets ou vivent en symbiose avec la corruption en place. Pire, certains des rares brillants esprits locaux ont le mauvais goût de ne pas être musulmans.

Les manifestants de la place Tahir et du reste du pays ont beau se réunir par millions, combien d’entre eux comprendraient l’idée que la richesse ne peut naître que de l’individu et de sa liberté ? Combien d’entre eux seraient prêts à laisser vivre autrui comme il l’entend et à respecter ses croyances, sa liberté d’expression et un mode de vie différent du leur ? Combien accepteraient que leur voisin travailleur et entreprenant s’enrichisse plus qu’eux, même si leur propre condition allait s’améliorant ? Combien comprendraient et accepteraient le principe du laissez-faire ?

Ils ne seraient guère nombreux. Que quelqu’un parvienne à leur passer le message, ils le rejetteraient par conservatisme, piété religieuse, méfiance et conformisme. Voter oui, accepter la diversité des opinions et la liberté des autres, non. Il faut du temps et des échecs pour que les esprits évoluent à l’échelle d’une population.

Mohamed Morsi est un coupable facile : ce n’est pas l’homme providentiel qu’il fallait à l’Égypte. Les braves manifestants se mettent donc à la recherche d’un nouvel homme providentiel. Combien de révolutions faudra-t-il pour qu’ils réalisent que leur démarche est erronée ?


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  • Moubarak représentait un optimum remarquable et sa seule erreur a été sa tolérance à l’abcès que représentent les frères musulmans.
    Le pays gagnait considérablement en prospérité, les gens vivaient en paix et les coptes étaient plutôt protégés.

    Il restait des poches de difficultés que beaucoup de pays connaissent : l’exode vers les villes de gens sans aucune compétence, et la prolifération d’enfants dépassant largement les possibilités d’absorption de l’économie (que celui qui a une solution lève le doigt).

    Le vent des printemps arabes a soufflé, encouragé sous le manteau par des influences extérieures pas nécessairement bien intentionnées, comme partout.

    On a « vendu » Morsi à l’électeur, qui se rend compte qu’il y a eu tromperie sur la marchandise, et demande l’annulation de la vente.

    Obtiendra-t-il aussi les dommages et intérêts, pour un pays ruiné en un an ?

  • Mr. Montabert,
    Je ne sais pas qui vous êtes, mais le tissu de bêtises que je viens de lire semble indiquer votre connaissance de l’Egypte dépasse à peine celle d’un lecteur débutant d’Asterix et Cléopâtre.
    Je ne sais même pas par quoi commencer. Mais tous les Egyptiens ou connaisseurs de l’Egypte vont vous tomber dessus avec une analyse aussi primaire de la situation là bas.

    • @Ghali
      Je suis un « petit » connaisseur de l’Egypte, mais obstiné et sensitif.
      Vous le dites très directement: Mr Montabert, dont j’apprécie pas mal de « papiers » par ailleurs, ne connait pas du tout l’Egypte; c’est un trait que je retrouve d’ailleurs chez pas mal d’honnêtes libéraux: la totale méconnaissance de la longue patine des mentalités, et de la durabilité des transmissions.
      Le « on efface tout et on recommence » est une dangereuse illusion: d’ailleurs, même les « pères fondateurs » des USA, dont la culture et la qualité d’expression devrait être des sources d’inspiration, n’ont pas commis cette erreur.

  • « l’impossibilité de gouverner les 10 millards d’êtres humains  »

    Il n’ y a pas à gouverner 10 milliards d’êtres humains; qui peut s’autodécerner le brevet de gouvernance de 10 milliards d’êtres humains?
    Ceux qui ne s’en privent pas sont de dangereux mégalomanes, se répartissant entre des paranoïaques et des pervers voulant jouir de tout.

  • « Une raison plus péremptoire s’impose, à la veille d’atteindre à l’impossibilité de gouverner les 10 millards d’êtres humains promis à la planète pour très bientôt. »

    Oui, une gouvernance mondiale avec régulation des naissances, excellente idée. Ça profitera à toutes les libertés humaines, comme l’a très bien montré Robert Zubrin en analysant les dernières décennies de « planning familial ». http://www.contrepoints.org/2012/06/17/87285-lholocauste-demographique-par-robert-zubrin-1ere-partie

    Quant aux révolutions, elles réclament essentiellement du pain (que ce soient les révolutions françaises, russes ou les printemps arabes), la demande occasionnelle de renversement de pyramide est parfois utilisée par quelques idéologues pour théoriser le mouvement bien après qu’il soit né.

    • Contrairement aux commentaires précédents, je connais plutôt bien l’Egypte et je suis plutôt d’accord avec l’analyse de l’auteur. Si vous le lisez bien, il n’est pas question de tout casser et de tout recommencer. Le constat est objectif : toutes les conditions sont réunies pour la révolution et Morsi n’a pas été ni meilleur ni plus nul que ce à quoi on pouvait s’attendre. De fait, la situation ne s’est pas améliorée en un an, mais comme on pouvait s’y attendre. Et il n’y a pas de solution immédiate si ce n’est le chaos.
      De surcroît, faire l’éloge de Moubarak me semble un peu déplacé lorsqu’on connaît l’étendue de la corruption à laquelle lui et ses proches se sont livrés. De même, dire que les Coptes étaient protégés est un peu excessif quand on sait qu’ils ont toujours été victimes d’exactions, même du temps du prédécesseur de Morsi. Il a essentiellement essayé de faire durer un régime qui lui permettait de s’enrichir sur le dos de ses citoyens et n’a mis en oeuvre aucune réforme de libéralisation ou de démocratisation. Il a toléré les Frères Musulmans certes mais les transformer en martyrs n’aurait pu qu’aggraver les choses. Il aurait fallu agir en prévention et favoriser l’éducation des masses dans une perspective de démocratisation et non le contraire. Le niveau général d’éducation est faible en Egypte et seule l’éducation peut améliorer le niveau général de tolérance vis-à-vis des idées divergentes.

      • @vengeusemasquée
        Je n’ai pas du voir la même chose que vous; depuis le « printemps égyptien » ( j’étais en égypte le lendemain du jour où l’espace aérien a étét rouvert, et suis retourné deux fois depuis) : des petites classes moyennes devant rabaisser faute d’argent, le niveau des études qu’ils promettaient à leurs enfants, des pauvres devenant des miséreux, le développement inouï des propositions de drogue ou de filles dans des lieux où c’était inconnu, les cafés désertés faute d’argent, les imams ( je parle des non déséquilibrés mentaux) non FM ni salafistes n’ayant plus assez de moyens pour aider la masse de ceux passés de pauvres à miséreux( ces moyens venant des dons des fidèles, et non des pays du golfe!), le tout baignant dans une ambiance inquiète d’ordre moral, le père de famille ignorant si son cadet est ou n’est pas devenu FM…

      • Le socialisme arabe (parti Baas (Saddam et Assad), Nasser, Sadate, Kaddhafi), Ils se sont tous servis de l’islamisme. Saddate a favorisé la création des salles de prières et Moubarak a favorisé une forme de salafisme non politique. Syrie avec le Hamas et Hezbollah et Kaddhafi a envoyé des salafistes en Irak.

        Pas fan de l’UDC mais cet article est assez bon. Les solutions, soit une forme de dictature libérale (non laïque sinon ca marchera pas) respectueuse des droits individuels des minorités soit une démocratie libérale (mais aucun politique ne s’en revendique). Les laïcs sont souvent socialo et un nouvel échec pourrait plonger le pays dans l’islamisme le plus dur.

        Sinon je vous invite à lire d’excellents reportages de The Economist (qui avait plus ou moins bien prévu les révolutions árabes). Leur dossier spécial Egypte avant la révolution montre que les Egyptiens sont encore très réfractaires au libéralisme qu’ils confondent avec la corruption des élites. Comme il est dit dans l’article, ils regrettent l’époque de Nasser même s’ils n’avaient même pas de PQ à cette époque.

        Sinon le bilan de Morsi n’est pas si mauvais. Il a essayé de virer les privilèges de l’armée et l’accord avec le FMI était inevitable (même Moubarack aurait du le signer). L’Egypte comme tout le Maghreb a des gros pbs de Balance courante.

          • J’ai lu l’article de Daniel Pipes. Entièrement d’accord. La politique est TOUJOURS l’art du possible. Regardez Erdogan en Turquie, malgré la relative bonne santé de l’économie turque, son islamisme remonte à la surface et il veut maintenant l’imposer à toute la Turquie. Quant à l’article de Stéphane Montabert, le principe du laissez-faire moi je veux bien, mais il y a aussi le principe de ne pas SE laisser faire que les Égyptiens n’ont pas le choix d’appliquer. Se laisser islamiser encore plus qu’ils ne le sont, c’est courir à leur perte (voyez l’Iran). Je préfère cent fois une dictature temporaire de l’armée, rempart contre le chaos, que l’agenda de Morsi et de ses Frères musulmans (qui ne sont frères que de leur clique). Malgré l’impasse apparente du pays et toute cette tourmente dans laquelle est plongée l’Égypte, c’est toujours la liberté qui tente de trouver son chemin.

  • Comme si la France elle-même n’avait pas connue une succession de révolutions et de contre-révolutions…

  • @MIA
    Je ne désire pas polémiquer spécifiquement sur l’article de Pipes.
    Je constate simplement des erreurs trop fréquemment commises par certains libéraux ( je suis un libertaire -libertarien assez « classique conservateur »):

    – la non prise en compte des « mentalités » pluriséculaires , transmises de parents à enfants tout simplement: cette transmission existe, même très inconsciemment, car sinon, chaque génération nouvelle devrait tout recommencer, et nous ne constaterions aucune évolution, comme celà peut s’observer- avec toutes les réserves scientifiques d’usage- dans les sociétés de chasseurs- cueilleurs paléolithiques.

    A ce titre, tout le monde, y compris les dictateurs arabes, ont une « idéologie », une certaine vision du pouvoir, fut t’elle celle de l’avidité pure.

    Ataturk ( non arabe mais dirigeant d’un pays musulman), Bourguiba, Le Shah d’Iran ( dirigeant d’une Perse chiite..) avaient clairement une idéologie.

    Négligez ce facteur « mentalités collectives statistiques déterminant chez chacun la vision du pouvoir » ( en clair, la fonction paternelle, pouvant être d’ailleurs assumée par une femme type Elisaberth 1ere, Indira Ghandi, Golda Meir, Tatcher..), et vous vous « planterez GRAVE »

    – En découle une croyance « jeune libéral tout juste émoulu » ou le « libéral fanatique » ( ça existe) , conduisant aux mêmes totalitarismes que les partisans du « tout état providence » keynésien voire totalement dirigiste, celle de cette naïveté ( et de ce totalitarisme ) psychologique que l’on pourrait dénommer « comportementalisme de libre marché », assez samblable, d’après mon expérience, aux doctrines protestantes du « méthodisme » ( on retrouve assez facilement Max Weber); la stupidité totalitaire de « l’ingénierie sociale » n’est pas loin.

    L’aboutissement de cette pensée ( à mon avis une absence de pensée) est, d’une part l’étonnement manifesté par certain(e)s devant des comportement jugés absurdes, ou irrationnels, ou « comment peut t’on être persan », d’autre part le fantasme d’une « pax americana » réalisant ( car il s’agit là également d’idéologie) un « melting pot » Adam Smithien où une force supra naturelle appelée « main invisible du marché », réussirait la fusion joyeuse des cultures tout en respectant les individualités, sous l’égide de l’éthique de non-agression interindividuelle, qui devrait découler spontanément des théories jusnatutalistes ( c’est sur ce point précis que quelqu’un d’aussi pertinent qu’Ayn Rand se plante, à mon avis …).

    Aussi fantasmatique et dangereusement holistique-collectiviste que la force supra naturelle appelée « lutte des classes devant aboutir à l’abolition des classes ».

    Pour en revenir à ce qui se passe en Egypte, j’ai l’impression que plusieurs masques tombent et dévoilent des illusions dangereuses ( la vérité peut faire mail sur le moment, mais elle est bien là)
    -1ere illusion: « la démocratie consiste à ne jamais remettre en cause le « verdict des urnes »si le pur formalisme électoral a été respecté », autrement dit  » on appelle démocratie le formalisme électoral »
    L’illustration est faite que c’est faux: Morsi, « démocratiquement élu », a été l’objet d’un « impeachment » avec plus de 20 millions de signatures…..; pourquoi cet « impeachment searit t’il « bien » aux USA et « mal » en Egypte

    -2e illusion:  » C’est la conséquence de la seule incompétence économique des frères musulmans ».
    Faux; L’ordre moral inquiétant qui commençait à infiltrer l’Egypte effrayait beaucoup d’Egyptiens par ailleurs tout à fait musulmans « calmes »; de plus la catastrophe économique s’est dessinée immédiatement après la « révolution », (ne serait ce que par le reflux massif des touristes); enfin, les frères musulmans ont commencé très rapidement à « s’en foutre plein les poches » ….chacun son tour n’est ce pas?

    – 3e illusion: « les islamistes élus » sont acceptés par les populations.
    Faux: les Egyptiens ont brillamment montré qu’il est possible de s’en débarasser, par la force s’il le faut; exemple intéressant pour la Turquie…..;

    -4e illusion: les puissances occidentales et l’Onu favorisent les « droits de l’Homme »
    Faux: la mise à l’écart d’islamistes devrait être approuvée massivement par les gouvernements et organisations officiellement « droitde l’hommistes »: tendez bien l’oreille, qu’entendez vous?

    • Tout d’abord, je tiens à préciser que je ne soutien en aucun cas les islamistes. Juste que je préfère qu’un processus démocratique arrive à son terme et soit respecté plutôt que de voir à ce qu’on assiste aujourd’hui. Dans un sens, je rejoins assez les opinions des opposants de Pipes dans son article.

      Sur votre commentaire très intéressant:

      1) On est d’accord sur la mentalité pluriséculaire transmise. Finkielkraut a d’ailleurs écrit quelque chose de similaire dans son analyse sur la révolution francaise. En ce sens, les fanatiques de la laïcité et autre idolatres de la Raison comme Rand sont tout aussi constructivistes dans leur approche.

      Cependant je partage la conclusion de vos « fanatiques libérales ». Oui, je crois à la fin de l’histoire et qu’à terme, les religions et les traditions s’effaceront sous le poids de la Raison et du Progres. Ce ne sera pas demain ni dans ce siècle. C’est donc pour ca que beaucoup de libéraux (dont moi-même) ne voyont pas dans l’islamisme un adversaire sur le long terme. Il s’effondrera de lui-même comme tout constructivisme. Cependant si on peut l’amener à s’effondrer plus vite en le poussant à s’autodétruire (par le libéralisme économique qui enrichira les gens, améliorera leur éducation et favorisera la transmission des informations d’autres sociétés plus libérales).

      2) Vous citez Ataturk et Bourguiba (qui étaient de gauche) en négligeant le contexte de l’époque. Aujourd’hui, avec les pétromonarchies, la Malaisie ou la Turquie, les gens voient (sans doute à tort) que le succès économique peut provenir de ces mouvements religieux. Même la monarchie marocaine semble prendre une meilleure direction que toutes les vieilles republiques socialistes (la Syrie était sans doute plus riche que le Maroc il y a 50 ans). Surtout ces mouvements d’occidentalisation forcé (inconnu dans le monde arabe sauf en Tunisie), ont surtout provoqué des tensions graves et n’ont survécu que grace à l’armée (Turquie). Ils ont échoué en Iran, Afghanistan (avec Amanollah Khan) et ont mené à de l’islamisme dur.

      3) Le processus d’apprentissange des dirigeants cité par Pippes et par vous-même via les mentalités transmises est d’autant plus important grâce à la démocratie. On peut imaginer que si Morsi n’avait pas été déposé mais obligé de reculer sur ses tentatives autocratiques, il n’aurait sans doute pas été réélu, ou bien l’illusion islamique aurait pris un coup. Les FM auraient pu moderniser leur idéologie en mettant plus l’accent sur l’économie. Les salafistes purs se seraient opposés au FM (ils ont tout à gagner à rester éternellement dans l’opposition). Au lieu de ca, à présent, on peut être sûr qu’il n’y aura pas de nouvelles élections et ceux qui pensent le contraire sont des idiots. (Le risque de voir les FM revenir est trop grand pour l’armée). Ils vont donc réussir à retrouver l’ancienne situation avec Moubarack (avec salafistes plus FM dans l’opposition) . Je ne vois aucuns libéraux parmi les opposants à Morsi. Et ils ne vont surement pas apprendre de leur erreur vu qu’ils savent qu’ils risquent pas de se faire dégager. Ils ne vont pas s’oppposer aux privilèges de l’armée (qui est leur principal soutien) via une libéralisation de l’économie. Bref, à voir, j’espère avoir tort mais je ne suis pas optimiste.

      Enfin sur votre 3ème illusion, je dirai que la Turquie c’est 90 Millions d’habitants et c’est pas 150 000 manifestants qui décident d’une élection. Le « printemps turc » n’est pour moi en aucun cas une remise en cause du succès electoral de l’AKP.Quand en France, les syndicats manifestent j’adopte la même opinion.

      Sinon c’est quoi cette histoire d’impeachment de 20 millions de signatures? Si c’est une pétition, en Egypte????C’est crédible?

      • les traditions s’effaceront sous le poids de la Raison et du Progrès »

        Là, je suis en désaccord; les « traditions », qui ne sont que l’expression, l’avatar de structures biologiques et psychiques très archaïques, ne s’effondrent pas sous l’effet de la Raison, précisément parce que nous sommes des animaux, issus d’une évolution adaptative dont le résultat est de préserver à tout prix l’intégrité corporelle et psychique,si tant est que l’on puisse les différencier: la biologie est très conservatrice, le psychisme aussi ( question de survie; conservatisme jusqu’à l’irrationalité, je vous l’accorde, mais les faits sont là).
        Des individus, voire même des peuples, peuvent préférer vivre dans la pénurie alimentaire, voire mourir, voire adopter une démographie suicidaire ( sur ce dernier point ,c’est le cas de l’Egypte globalement) plutôt que de transgresser un « sacré » indispensable à leur vie intérieure: incompréhensible pour un occidental ( ou un confucianiste aussi) , mais néanmoins là.

        « Les FM auraient pu moderniser leur idéologie en mettant plus l’accent sur l’économie »

        Oui, c’est étonnant d’ailleurs, car le parti des FM est un parti- internationaliste- dominé par des classes sociales intellectualisées, ingénieurs, avocats, médecins, chefs d’entreprises, universitaires etc..
        Eh bien disons qu’il sont été « cons » et tant mieux à mon avis….parce que, quitte à me répéter, je connais pas mal l’Egypte ( et ne croyez pas que même le petit peuple égyptien ne soit constitué que de moutons idiots!)
        L’avenir de l’Egypte? Je n’ai pas de boule de cristal.
        Probabilité: classique régime militaire à la « Nasser » ( qui reste le grand homme là bas, comme de Gaulle pour certains en France: question de fierté retrouvée pour des peuples se sentant humiliés; subjectif mais c’est comme ça..), avec une génération d’officiers plus jeunes, plus « modernes », avec un paravent présidentiel qui pourrait, éventuellement, ne pas être un militaire ( après tout, la révolution des oeillets au Portugal, faite par de jeunes officiers, aurait pu tourner au Chili d’Allende, et il n’en a rien été)

        « la Turquie c’est 90 Millions d’habitants et c’est pas 150 000 manifestants qui décident d’une élection. Le « printemps turc » n’est pour moi en aucun cas une remise en cause du succès electoral de l’AKP »

        Vous restez donc dans l’équation
        « Démocratie strictement équivalente à élections » ( ce qui correspond à la gigantesque naïveté américaine, qui comporte un part de sincérité d’enfant..)
        Point de vue purement fonctionnaliste, utilitariste, donc faux : la même erreur que la « réduction à l’économie », simplement parce que les motivations humaines sont loin de n’être que matérielles ( enfon ça dépend des cultures; le bonheur pour un chinois, c’est d’être riche et de conserver la face….quitte à sacrifier les choix de l’individu à la tradition familiale..); j’estime très dangereux le sieur Erdogan, et encore plus dangereuse l’obstination des oligarques et « élus » européens à vouloir intégrer ce pays ( remarquez, on intégre bien la Croatie, c’est à dire une sorte de « Syldavie »..)

        La Démocratie, concept exclusivement occidental antique , n’est que la conséquence d’un désir de Liberté Individuelle ; d’ailleurs, nos oligarchies « soviétoïdes » se moquent bien des résultats électoraux si ça ne les arrange pas.. la « démocratie » est avant tout un « spirit »; les grecs anciens et les pères fondateurs qui s’en inspirèrent ont toujours été constants sur ce point, et ont toujours mis en garde contre la dictature de la majorité, d’où le caractère « sacré » – il en faut même chez des rationnalistes- de la Constitution US ( battue en brèche non seulement par les lib-dem obamiens mais aussi par nombre de républicains collectivistes)

        Pour ce qui est de moi, je serai toujours opposé à un « ordre moral », même démocratiquement élu, de quelque bord qu’il vienne

        PS: L’erreur de occidentaux, en Egypte- certes c’était l’époque de la guerre froide- a été de précipiter Nasser dans les bras des soviétiques; Nasser, qui ne brillait peut être pas par son intelligence, était un « fonceur » culturellement occidentophile et favorable au « cosmopolitisme » hérité de l’occupation anglaise, ( eh oui) , comme l’avait été Mohamad Ali au début du 19e siècle ( celui qui avit compris que l’Egypte devait être modernisée..)

        Pour les signatures, voir par exemple
        http://www.leparisien.fr/international/egypte-22-millions-de-signatures-contre-le-president-morsi-29-06-2013-2939493.php

        • De toute manière en Egypte comme dans tous ces pays lorsqu’il y a des manifestations il y a du sang.
          L’armée n’hesite pas à tirer dans la foule.(comme ce vendredi)
          Cette barbarie est incompatible avec nos valeurs démocratiques occidentales.

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