Le populisme est devenu un dérivatif

Afin d’échapper au droit de regard du peuple, les élites se servent du filon anti-populiste pour couper court aux débats.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
populisme

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Le populisme est devenu un dérivatif

Publié le 23 mai 2013
- A +

Afin d’échapper au droit de regard du peuple, les élites se servent du filon anti-populiste pour couper court aux débats.

Par Marc Crapez.

Un économiste peut-il être un pur esprit s’il cumule un poste de fonctionnaire dans une université et des fonctions rétribuées dans le secteur financier ? La question du conflit d’intérêt vient d’être tranchée dans un sens restrictif concernant les parlementaires. Il a été décidé de restreindre les possibilités de cumul du mandat de député avec des fonctions d’avocat d’affaire ou d’obliger, au bout d’un certain laps de temps, les fonctionnaires-députés à perdre une partie des avantages de leur statut.

C’est une question où l’on doit peser le pour et le contre sans idéologie. Concernant les économistes médiatiques, qui cumulent des fonctions dans l’Université et dans la finance, il faut se méfier des dénonciations qui pourraient être motivées par la rancœur ou la jalousie, émanant de « petits » économistes sans tribunes médiatiques ou qui n’arrondissent pas leurs fins de mois. Ce n’est pas parce qu’un économiste est rétribué par une banque qu’il est un « laquais de la finance à la solde du capitalisme ».

Cette réserve posée, la question du conflit d’intérêt, donc du cumul des fonctions, donc de la transparence est légitime. Or, non seulement les économistes médiatiques refusent de l’aborder, mais ils le refusent avec une grande véhémence. « Les amalgames me répugnent », répond Christian de Boissieu. Plus explicite, Jean-Hervé Lorenzi déclare : « Chaque crise a des relents bien nauséabonds et tout cela a le triste goût des écrits des années 30 » (« Quand les économistes perdent le sens commun », Le Point, 15/09/11).

Les œillères de l’anti-populisme

Pour délégitimer une question, rien de mieux donc que de l’extrême-droitiser. Une autre technique consiste à juger la question malpolie. Le 15 mai, une émission télévisée dénommée « Pièces à conviction », consacrée aux banques depuis la crise, interviewe un universitaire ayant aussi des fonctions dans deux banques :

– Est-ce que vous êtes un économiste ou un banquier ? Qui nous parle ?

Je ne mélange jamais les genres, c’est-à-dire que je suis en permanence en situation de conflit d’intérêt, entre guillemets, mais les conflits d’intérêts ça se gère, quand je parle en tant qu’économiste je donne mon point de vue et mon point de vue peut heurter la profession bancaire… c’est le cas la plupart du temps.

– L’essentiel de vos revenus vous les obtenez de quelle activité ? Est-ce que l’activité de professeur vous rapporte plus d’argent que celle de banquier ?

Est-ce que vous croyez que cette question, et la réponse à cette question soient nécessaires à votre émission […] vous plaisantez, vous imaginez un quart de seconde que je vais répondre à cette question ? En quoi ça vous regarde ?

Où l’on voit l’économiste, d’abord volubile et docte, devenir extrêmement courroucé. Dans un livre consacré aux banques, ce même économiste qualifie de « populiste » la proposition de rétablissement d’une séparation entre activités de gestion de dépôts et activités financières. Or, on peut être contre cette proposition qui transposerait le Glass-Steagall Act, sans qu’il vienne, pour autant, à l’esprit de la juger populiste.

Autre exemple encore plus caricatural, celui de la députée socialiste Sylvie Andrieux, qui dégaine le mot « populisme » pour désigner tout ce qui lui déplaît. Elle vient d’être condamnée pour détournement de fonds publics à un an de prison ferme, plus deux avec sursis et cinq ans d’inéligibilité. Elle arrosait de façon clientéliste des pseudo-associations pour que les « cités » votent pour elle. J’avais attiré l’attention sur son cas à plusieurs reprises (« Affaire Cahuzac : le filon anti-populiste », Contrepoints, 10/04/13 ; « L’européisme est l’opium des élites », Nouvelles de France, 27/03/13 ; « La commission Jospin ne sert à rien », Contrepoints, 09/11/12 ; « Front républicain et moralisation de la vie politique », Contrepoints, 21/06/12).


Suivre les articles de l’auteur sur Facebook.

Voir les commentaires (2)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (2)
  • Tout cela a un étrange parfum de fin de règne!Comme à la veille de la chute de l’ex-Union soviétique…Je n’ose penser au chaos qui à suivi et qui très probablement suivra!

  • le populisme, c’est avant tout caresser exagérément les électeurs potentiels dans le sens du poils, jouant sur leurs peurs, encourageant leurs exutoires simplistes et faciles à attiser…
    le populisme, c’est le refus de prendre le temps d’expliquer les choses, de dire des propos qui déplaisent à l’auditoire…

    les exemples ne manquent pas…

    Faut il blâmer les politiques de tout bords ? ou les citoyens ?

    Bien peu de citoyens sont prêts à entendre des vérités ….

    1- l’immigration est une chance pour nos pays vieillissants
    2- l’Europe est une chance pour la préservation de notre modèle sociale
    3- nous vivons depuis trop longtemps au dessus de nos moyens, nous n’échapperons pas à des coupes sombres…
    4- les promesses de pensions faites à partir des années 70 ne peuvent plus être tenues avec le taux de personnes actives… il faut donc baisser de manière significative le montant des pensions versées actuellement ( les aligner sur les calculs de ceux qui partent aujourd’hui par exemple)

    etc…

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Peut-on dire que la motion de rejet du projet de loi immigration votée le 11 décembre 2023 est une illustration de la théorie du fer à cheval ? Forgée dans les années 1970, elle considère le spectre politique sous la forme d’un arc de cercle dont les extrémités gauche et droite se rejoignent. Mais disons-le d’emblée, la « horseshoe theory » est moins un postulat étayé qu’un jugement spontané. Il a pourtant eu l’intérêt de mettre la lumière sur la structure de l’offre et de la demande politique. Côté demande, si un tiers des électeurs de La Fr... Poursuivre la lecture

5
Sauvegarder cet article

On s’habitue sans se résigner, ni peut-être comprendre.

Jadis qualifiées de séisme suscitant la sidération, les victoires de partis qualifiés de populiste, ou d’extrême droite (nationaliste-conservateur serait plus exact) par analystes et commentateurs deviennent habituels en Europe. Une tendance inquiétante, vu la faible appétence de la plupart d’entre eux pour les libertés, ou leur complaisance envers le Kremlin. Mais qui devrait surtout pousser dirigeants et relais d’opinion, au lieu d’évoquer rituellement le « retour aux heures les... Poursuivre la lecture

Auteur : Catherine de Vries, Professor of Political Science, Fellow and member of the Management Council of the Institute for European Policymaking, Bocconi University

 

Les résultats des élections néerlandaises du 22 novembre dernier, qui ont vu la victoire du Parti pour la liberté (PVV), ont provoqué une onde de choc au sein de l’establishment politique européen. Les effets de ce scrutin pourraient bien aller au-delà des seuls Pays-Bas.

 

Une première dans l’histoire du pays

Pour la première fois dans l... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles