La Deutsche Bank est la banque la plus exposée aux produits dérivés au monde, pour plus de vingt fois le PIB allemand.
Par Philippe Herlin.

C’est la petite info de la semaine, qui est passée sous les radars, mais sur laquelle il faut revenir : la banque qui possède la plus forte exposition aux produits dérivés dans le monde n’est pas la JP Morgan, comme on le pensait, mais la Deutsche Bank. Comme l’indique son rapport annuel 2012, la banque est exposée à hauteur de, attention retour à la ligne :
55 605 039 000 000 euros, autrement dit 55.605 milliards d’euros, 55 mille milliards d’euros, ou 55,6 trillions d’euros, ouf.
Par comparaison, le PIB de l’Allemagne s’élevait à 2012 à 2.644 milliards d’euros, ce qui signifie que les engagements de la première banque du pays dans les produits dérivés sont vingt fois plus élevés que toute la richesse créée en un an dans la première puissance économique européenne. Converti en dollars, cela représente 72,8 trillions de dollars, soit un peu plus que la JP Morgan. L’Europe détient le record, la première banque au cœur du pays le plus solide, bravo !
Mais il ne faudrait pas s’inquiéter selon les comptables de la banque allemande, car tous ces engagements sont compensés et, au final, l’exposition nette ressort à 20,3 milliards d’euros seulement. C’est ce qu’expliquent les dirigeants des grandes banques lorsqu’on met ce sujet sur la table : les positions s’équilibrent. Quand un engagement est pris sur un produit dérivé, la banque achète une protection (la position inverse) pour se prémunir.
Mais au fait, à qui achète-t-elle cette protection ? À une autre banque… En réalité toutes les grandes banques se vendent des produits dérivés, ce qui signifie que si l’une d’entre elles fait faillite, toutes les autres plongent ! Les protections vendues par la banque en faillite s’évanouissent, et les autres banques voient leur exposition nette exploser et tombent également. C’est ce qui a failli se produire avec la faillite d’AIG en septembre 2008 qui était la contrepartie de nombreux établissements financiers, et qui a été sauvée en catastrophe par l’État américain. Le calcul de l’exposition nette est ainsi purement théorique. Les dépôts de la Deutsche Bank représentent un centième de ces 55,6 trillions d’euros de produits dérivés, Chypre à côté c’est de la rigolade.
Toutes les grandes banques se tiennent ainsi en équilibre sur une montagne de produits dérivés qui devient très friable en période de crise. Il y a tout de même un point positif dans cette affaire : le siège de la Deutsche Bank se trouve à Francfort, comme celui de la BCE, ainsi Mario Draghi n’aura que quelques rues à traverser en cas de problème.
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Sur le web.
72,8 trillions de dollars : avez-vous remarqué que ce montant est proche du PIB mondial ?
« Si l’une d’entre elles fait faillite » : dans notre système de monopole monétaire, c’est la banque centrale qui décide si une banque va faire faillite ou non. La faillite ne peut pas être un évènement imprévisible, incontrôlé. Du fait de l’existence des banques centrales, la faillite d’une banque résulte nécessairement d’une décision politique (cf Chypre en Europe ou Lehman aux USA), pour faire un exemple.
L’incertitude réside moins dans les rapports entre banques à travers les produits dérivés que dans les rapports entre les principales banques centrales (Fed, BCE, BoE, BoJ, BNS, BPC).
« One unsolved economic problem of the day is how to get rid of the Federal Reserve. » (Milton Friedman : http://www.minneapolisfed.org/publications_papers/pub_display.cfm?id=3748).
Au-delà des protections de la DB, il faut aussi savoir que les produits dérivés ne sont pas tous des « actifs toxiques » (expression à la mode…). Depuis des dizaines d’années que le secteur financier construit des produits dérivés par exemple sur l’encours des cartes bancaires et cela n’a jamais posé de problèmes.
Le principal problème n’est pas le produit dérivé mais son sous-jacent :
– si le produit dérivé a été bâti sur des crédits subprime américains qui ont tourné à la catastrophe ou sur la dette publique de certains Etats européens, la valeur de ce produit dérivé est bien sûr affaiblie
– si le produit dérivé est bâti sur des bases solides, sa valeur n’est pas en cause : il n’a pas de problèmes avec les produits dérivés sur la dette publique de pays ou d’entreprises prospères ou encore de crédits sains consentis aux ménages.
Encore une heureux banque, qui fait froid dans le dos.
Le problème de Lafayette, c’est plutôt d’avoir des courants d’air dans la tête.
cavaignac ce moquant de lafayette, c’est presque un anachronisme, ou une uchronie.
je suis pas jaloux, on a pas tous 3 pieds
Bien vu supergluubs 😉 Les originaux ont quand même eu quelques années pour échanger.
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