L’Allemagne, ce colosse aux pieds d’argile

Non, l’Allemagne n’est pas un solide partenaire européen…

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Deutsche Bank By: Tony Webster - CC BY 2.0

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L’Allemagne, ce colosse aux pieds d’argile

Publié le 27 septembre 2019
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Par Frédéric Duval. 

L’Allemagne est à mes yeux un colosse aux pieds d’argile !

Deux problèmes structurels la menacent :

1. Le secteur bancaire plombé par la crise de 2008

La Deutsche Bank est la plus grosse banque européenne, et l’une des plus importantes du monde). Elle représente 45 000 milliards de dollars de produits dérivés, soit près de 20 fois notre PIB !

Or cette banque a dû d’urgence faire un plan d’action extrêmement drastique pour se sauver d’une faillite inéluctable :

  • vague de licenciements gigantesque (1400 postes récemment),
  • création d’une banque de défaisance ou banque-poubelle pour isoler les fonds pourris du reste de l’institution,
  • fermeture de pans entiers de la société, dont notamment le trading d’action.

Un plan de sauvetage de la dernière chance pour Deutsche Bank

Les mesures sont violentes. Il y a une bonne raison à cela : elles sont à la hauteur de la menace ! Et les clients l’ont bien compris en rapatriant rapidement leurs fonds. Il suffit d’observer la chute vertigineuse de sa valorisation boursière depuis la crise : valeur de l’action Deutsche Bank en 2007 : 107 euros ; valeur aujourd’hui : six euros soit -94 % !

Et Deutsche Bank n’est pas la seule concernée

Commerzbank, la seconde banque allemande est soumise aux mêmes problèmes que sa grande sœur : mauvaise gestion, fonds pourris, salaires indécents… Et il y aurait des rumeurs sérieuses de fusion entre les deux, un comble !

Son action a également chuté de manière hallucinante : valeur de l’action Commerzbank en 2007 : 292 euros ; valeur aujourd’hui : cinq euros, soit -98 % !

C’est son plus bas historique ; elle était encore à 13 euros en janvier !

Too big to fail

« Trop gros pour faire faillite ».

C’était le terme employé pour justifier le renflouement des grandes banques américaines par l’État, donc le contribuable,  lors de la crise de 2008. Seule Lehman Brothers n’avait pas eu cette chance, il fallait bien faire un exemple.

Dans cette situation, l’État allemand va certainement devoir intervenir et racheter une plus grande part d’actions (il est déjà le plus grand actionnaire…).

L’État allemand ne laissera pas ces deux banques tomber car leur faillite serait terrible pour l’économie allemande et la zone euro, mais il ne peut faire des miracles.

Au mieux, ces banques seront « zombifiées » et seront sorties totalement des activités du marché pour opérer seulement pour les comptes courants et les activités de dépôt.

Mais nous ne sommes même pas dans une situation de crise : au premier gros tremblement du marché, ces banques risquent de faire passer la faillite de Lehman Brothers pour une promenade de santé…

2. Le déséquilibre de Target 2

Mais ce n’est pas la seule menace qui sape les fondements du colosse allemand.

L’autre c’est Target 2, un système qui permet d’effectuer des paiements transfrontaliers entre banques au sein de l’Union Européenne.

La BCE joue le rôle de chambre de compensation entre les créances et les engagements des banques centrales nationales. Or depuis la crise de 2008 ce système a été complètement déréglé.

Un fossé immense a commencé à se creuser entre les créances de la Bundesbank et celles des pays méditerranéens, Italie et Espagne en tête :

Aujourd’hui, la banque centrale allemande se retrouve avec plus de 1400 milliards de créance de différents pays européens, principalement italien et espagnol, mais aussi grec et portugais. La France est, elle, légèrement déficitaire.

Quel est le risque ?

Si l’Italie ou l’Espagne venait à faillir… ou pire à quitter l’euro… leur dette exploserait.

Selon les experts, la dette italienne passerait immédiatement de 132 % à 160 % de son PIB, mais bien davantage par la suite.

Ils seraient incapables de s’acquitter de cette dette et devraient :

  • soit passer par une dévaluation massive de leur monnaie (l’euro en l’occurrence, donc impossible à moins d’en sortir),
  • soit renoncer au paiement de leur dette.

Dans les deux cas ceci reviendrait à entraîner l’Allemagne dans une énorme crise… et l’Union européenne et l’euro avec elle.

Dans un tel contexte, l’Allemagne ne pourrait se permettre de voir l’Italie sortir de l’euro. Et on verrait s’engager le même genre de bras de fer qu’avec la Grèce en 2015.

Sauf que l’Italie, troisième économie de la zone euro, n’est pas la Grèce.

Non, l’Allemagne n’est pas un solide partenaire européen…

Au regard de ces deux seuls aspects, l’Allemagne encourt non seulement un risque énorme pour elle-même mais fait encourir un énorme risque à l’Union européenne dans son entier.

Évidemment la France a également ses propres maladies :

  • fiscalité excessive,
  • sur-réglementation,
  • dépense publique incontrôlable,
  • corruption de certains élus.

Mais ça on le sait depuis longtemps, et il n’y a pas de danger immédiat et massif.

Alors que l’Allemagne fait un sans faute depuis des années… qui cache deux sujets extrêmement sensibles qui pourraient avoir des conséquences soudaines et désastreuses pour tout le continent.

L’élève modèle qu’on découvre un matin en train de vendre de la drogue et faire du racket dans la cour de récré !

Et malheureusement, ces deux points ne sont pas soulignés dans les débats…

Sur le web

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  • décidément , l’avenir est bien gris ; faut il que tout se casse la gueule, avec toutes les horreurs que cela impliquerai pour les citoyens , faut il toucher le fond pour remonter à la surface et commencer un autre monde plus humain et moins corrompus ? that is the question….

    • Les allemands ont aussi quelques atouts à ne pas négliger. Leur système éducatif est performant, débouche sur une industrie innovante et solide, et pas que dans l’automobile. Les villes sont bien fichues, propres, le bâtiment de qualité, la démographie baisse donc le chômage avec, la dette, le commerce se portent mieux que partout, l’administration est forte mais bien organisée, décentralisée mais sans millefeuille, avec une faible corruption.

  • Aucun pays ne remboursera sa dette: c est vrai pour l italie, la France ou les USA. Tout simplement parce que rembourser implique soit une chute drastique des depenses (on parle pas la de en plus changer la moquette de l elysee mais plutot du genre -80 % sur les retraites (premier poste de depenses), arret des remboursement de la secu …) Bref suicidaire electoralement

    Est ce que ca va mettre en faillite les banques centrales ? pas sur, tout simplement car outre le fait que celles ci peuvent creer de la monnaie a volontee, il suffit de dire que les dettes seront remboursee … a la saint glinglin. donc officiellement pas de pb

    La RFA a actuellement un probleme car sa croissance depend des exportations. si le commerce mondial ralenti, forcement ils ralentissent.

    • C’est faux. La dette se paye d’une manière ou d’une autre. Le problème est de savoir qui la paiera. Surement pas les fautifs, mais vraisemblablement les plus faibles. Des sans-dents (c’est fendant ;))

      • certes, il n y a pas de repas gratuit. Ce que je voulais dire c est que les Etats ne remourseront pas leur dette.
        Apres il est sur que ca se traduira par quelque chose.
        Ca peut etre la faillite des compagnies d assurances gorgees d obligations qui ne valent plus rien. un effondrement de fond de pensions (meme raison). Une fuite d une monnaie qui ne vaut rien vert tout ce qui est tangible (or, Oeuvre d art, immobiliers actions …). Un effondrement economique car plus de demande solvable …

        Les fautifs ne paieront evidement pas car une grande partie seront … mort ! (eh oui, la dette a ete cree massivement par nos baby boomers. Ceux ci seront mort ou dans des ephad quand le Systeme explosera.)

        • Pas tout a fait de votre avis;

          ‘ Faire une erreur est une faute, ne pas la réparer est une faute plus grande encore ! ‘

          Ce ne sont pas nos Gérald, Edouard ou Manu (entre nombreux) qui vont, alors qu’ils sont à la manÅ“uvre, corriger les égarements de nos baby-boomers…

    • “si le commerce mondial ralenti, forcement ils ralentissent.”
      Bien sûr, mais moins que les autres.
      En cas de difficultés économiques, le commerce ralentit certes. Mais ce ralentissement touche moins la production haut-de gamme. Or l’Allemagne a une production majoritairement orientée vers le haut-de gamme en matière industrielle ou biens de consommation.
      Qui plus est, avec un Etat au bilan comptable en excédent, l’Allemagne a une marge de manÅ“uvre pour diminuer les contraintes fiscales et taxatoires sur ses producteurs de richesse leur permettant d’être encore plus concurrentiel ou de simplement pouvoir survivre en attendant un mieux économique. Une marge de manÅ“uvre dont ne disposent pas la plupart des autres pays sans parler de la France…
      Bref, une nouvelle adaptation de Lao-Tseu “quand les gros maigrissent et les maigres meurent.”

    • Suicidaire électoralement… Là, vous supposez que nous sommes en démocratie.

    • « La RFA »… :-)))

    • “mettre en faillite les banques centrales ?” Proposition qui ne veut rien dire.

  • De là à utiliser les carences allemandes pour vanter les nains au pied du mur, il ne faudrait pas franchir le pas. Or c’est la seule conclusion que beaucoup tirent de la fragilité allemande qui se révèle aujourd’hui : donc nous avons raison de poursuivre dans nos bêtises…

  • Et voilà qu’on nous sert encore une fois les deux tartes à la crème indigestes de la collapsologie pseudo économique : les valeurs notionnelles des produits dérivés et les soldes Target. Lassant…

  • Charles Gave en a parlé : https://institutdeslibertes.org/et-voila-lallemagne-va-mal/

    Toutefois, à part la démographie, elle a bien des atouts pour compenser.

  • Intéressant mais on ne voit pas au nom de quoi la BCE tolérerait l’opération “furtive”. Pour elle, 1 euro produit dans n’importe quelle banque centrale de la zone vaut exactement un autre euro, pas 1,003 ou 0,097. En outre, c’est une logique passablement absurde. Si les banques allemandes se gavent de dettes italiennes ou espagnoles, c’est bien pour trouver du rendement qu’elles ne trouvent plus en Allemagne.

    On comprend le désir de certains politiciens / hauts fonctionnaires français de retrouver le pouvoir de jouer avec la monnaie pour ne pas avoir à assumer les conséquences de leurs politiques collectivistes désastreuses. D’ailleurs, à bien les écouter, ils ne cachent même pas qu’ils veulent revenir au franc pour pouvoir dévaluer. Plaisante perspective ! Ils attaquent l’euro avec tous les arguments imaginables. Mais les mêmes arguments s’appliqueraient également au franc si on y revenait, à la virgule près. Il n’y a pas plus de cohérence économique entre Toulouse et Lille qu’entre Barcelone et Cologne et une monnaie commune ne se justifie ni plus ni moins dans les deux cas. En poussant le raisonnement à son terme, il faudrait une monnaie par région, voire par ville, ou même par quartier.

    Le problème n’est pas l’euro vs le franc. Le problème, c’est le monopole monétaire et les politiques monétaires qui vont avec, peu importe que la monnaie soit française, allemande, européenne ou martienne.

    La bonne monnaie est une monnaie qu’on peut choisir librement par le jeu de la concurrence, une monnaie neutre, dépolitisée, une monnaie disponible en quantité suffisante pour l’échange volontaire, mais qui ne sert pas à renflouer les zombies économiques, entreprises, corporations, banques ou Etats, au bon plaisir du prince. Jusqu’en 2011, l’euro était à peu près neutre. Depuis SuperMariole, trafiquant de fausse monnaie, l’euro est devenu une catastrophe, passant de 1,6 contre 1 dollar à 1,03 au plus bas, dépossédant les Européens de leur pouvoir d’achat. Et si la folie de la BCE ne cesse pas, l’euro passera à 0,5 contre 1 dollar, puis 0,3, puis 0,1, puis 0,01, etc.

  • Ces pays ne rembourseront pas leur dette mais…si je ne m’abuse ,elles remboursent en permanence leur dette plus les interets…

  • Que le solde de la banque centrale allemande soit si positif vis à vis de l’Italie et de l’Espagne indique que les Allemands ont bien travaillé, qu’ils ont produit des voitures et autres biens de qualité à crédit en faveur des Italiens et Espagnols. La question est de savoir jusqu’à quand les cigales allemandes vont accepter de bosser pour les fourmis du sud… mais après tout, si la situation leur convient…
    La question des deux banques allemandes en situation difficile est complètement différente : c’est un vrai problème, immédiat de surcroît.
    Selon Charles Gave, l’Allemagne est en mauvaise posture parce qu’elle s’est spécialisée dans la voiture – de haut de gamme en plus – alors que d’ici une ou deux décennies, le marché automobile est appelé à s’effondrer, notamment parce que l’avenir serait aux voitures sans chauffeur et “partagées”…

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