La banque pour ceux qui ne sont pas d’accord

Une banque, comment ça fonctionne ?

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

La banque pour ceux qui ne sont pas d’accord

Publié le 1 avril 2013
- A +

Une banque, comment ça fonctionne ?

Par Georges Kaplan.

Un groupe d’actionnaires investissent $10 de capital dans la création d’une nouvelle société. Le jour de son lancement, le bilan de la société peut donc être représenté comme suit :

Le business plan initial des actionnaires consiste à (i) émettre $30 d’emprunts à 10 ans sur le marché et (ii) à utiliser les capitaux ainsi levés pour acheter un portefeuille d’obligations à 10 ans qui offrent des rendements particulièrement attrayant – i.e. du high yeld. Selon leurs estimations, leurs emprunts devraient leur coûter environ 4% par an tandis que le portefeuille qu’ils comptent acheter devrait, si tout se passe bien, générer du 6% ; il suit donc qu’ils devraient gagner 2% de spread ($0,6) – soit un rendement de 4% sur le capital investi. Le bilan de la société ressemble maintenant à ceci :

C’est à ce stade que les actionnaires ont une idée absolument géniale. En plus de capter un spread de crédit, ils vont aussi essayer de capter un spread de taux : l’écart entre les taux court et les taux à long terme – c’est-à-dire la pente de la courbe des taux. Pour ce faire, c’est très simple : il suffit de créer un système appelé dépôt qui permet d’emprunter de l’argent sur une durée très courte – 1 jour – et d’utiliser les fonds collectés pour acheter des titres à long terme. Avec des taux au jour-le-jour de l’ordre de 2%, ils doublent la profitabilité de l’opération.

Mieux encore : quitte à développer un réseau pour collecter de l’épargne à court terme, pourquoi ne pas en profiter pour prêter directement cet argent à des entreprises trop petites pour pouvoir accéder au marché obligataire : c’est beaucoup moins risqué et ça rapporte presque autant (5%). Les actionnaires se lancent, ils parviennent à collecter $60 de dépôts rémunérés à 2%, en profitent pour réduire leurs emprunts à long terme de $10 et utilisent les $50 restants pour accorder des prêts directement à des PME. Au total, je vous passe le calcul trivial, ils obtiennent maintenant un rendement du capital investit de 23% ; si tout se passe bien, bien sûr. Nouveau bilan :

Résumons : nous avons là une entreprise qui (i) emprunte de l’argent via des emprunts et un système de collecte d’épargne et (ii) place cet argent sur des titres ou le prête directement à ses clients tout en gardant un coussin de sécurité de cash. Ce faisant, notre entreprise engrange un spread de taux qui correspond (i) au risque de crédit et (ii) à la pente de la courbe des taux. Naturellement, cette opération comporte des risques qui sont : (i) du risque de crédit, (ii) du risque de taux et (iii) un risque de liquidité lié à la volatilité des dépôts.

Je ne sais pas pour vous, mais moi, j’appelle ça une banque. D’ailleurs, si j’en crois les données de la Fed (H8, 22 mars 2013), une banque américaine, ça ressemble à ça :

C’est-à-dire que :

  • La dimension temporelle de l’affaire n’a pas d’importance. Peu importe que les banques accordent des crédits puis aillent se refinancer ensuite ou qu’elles collectent des dépôts et les prêtent dans un second temps : dans un cas comme dans l’autre, l’égalité comptable de base (actif = passif) doit être respectée. En d’autres termes, au capital près, les banques prêtent de l’argent qu’elles empruntent par ailleurs.
  • Ce que nous appelons monnaie scripturale n’est rien d’autre qu’une créance que nous détenons sur nos banques qui se trouve être acceptée comme monnaie. Lorsque vous signez un chèque, vous transférez cette créance à une tierce partie. Considérez les agrégats monétaires (M1, M2…) et mettez de côté les pièces et billets (monnaie centrale) : le reste, ce n’est que du crédit plus ou moins liquide.
  • Bien avant la réglementation, ce qui limite l’expansion du bilan d’une banque, c’est sa capacité à emprunter à un taux inférieur à celui auquel elle peut espérer prêter ; c’est-à-dire à dégager une marge d’intérêt positive. Si les banques centrales pilotent le niveau des taux et pas la base monétaire elle-même, ce n’est pas juste pour amuser la galerie : c’est parce que c’est le nerf de la guerre de toute l’industrie bancaire.

En principe, je n’ai rien dit d’extraordinaire…

Sur le web

Voir les commentaires (7)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (7)
  • « si tout se passe bien »

    « ce qui limite l’expansion du bilan d’une banque, c’est sa capacité à emprunter à un taux inférieur à celui auquel elle peut espérer prêter  »

    ET l’incertitude, vous oubliez l’incertitude (oui je sais ça ne se met pas en équations). Ici par exemple, les variation de politique de la Banque centrale.

    « Bien avant la réglementation, … »
    ça dépend des taux, à 0,1% je ne suis pas sur, A ce stade le cout de fonctionnement de la banque est le facteur limitatif le pus important. Quand à la réglementation on peut douter tout cours de son efficacité, au moins à long terme.

    • « vous oubliez l’incertitude (oui je sais ça ne se met pas en équations) » : cf les axiomes de Kolmogorov.

      • En sciences humaines nous distinguons risque et incertitude (depuis Frank Knight). Le risque quand il y a des événement connus avec une distribution connue, à l’autre extrême l’incertitude ou aucun des deux ne l’est.
        http://fr.wikipedia.org/wiki/Frank_Knight

        • Alf, voyez les axiomes de Kolmogorov et vous constaterez que ses équations recouvrent autant le risque que l’incertitude. On ne voit là dedans rien qui s’oppose avec la thèse de Knight. Ce n’est pas parce qu’un problème n’a pas de solution (typiquement, évènement et distribution inconnus) qu’on ne peut pas le mettre en équations.

    • Alf,
      Je n’oublie pas l’incertitude : elle est incluse dans la capacité d’une banque « à emprunter à un taux inférieur à celui auquel elle peut espérer prêter. » C’est la prime de risque.

  • Merci bien, ça fait toujours du bien de rappeler ces petites bases de temps en temps, mais si c’est simplifié dans les calculs, mais une banque ça marche bien comme ça,
    je me suis souvent dit qu’il faudrait créer sa banque, comme être courtier au lieu d’investir en bourse.

  • OK mais quel est le but de cet article ???

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Les profits exceptionnels réalisés par les banques, en particulier américaines, posent de réelles questions. La voie commode de la taxation leur apporte de fausses réponses.

 

Une économie sous influence

Le vocabulaire employé est un signe parlant de l’inquiétude que suscite outre-Atlantique la concentration du pouvoir financier aux mains d’un nombre très restreint de très gros établissements.

Les huit premiers d’entre eux sont couramment qualifiés par les médias de « seigneurs de Wall Street » mais aussi de « géants... Poursuivre la lecture

La cotation d’ARM pour la fin de l’année, comme l’essor du solaire depuis trois ans en France, attestent des effets d’une manne de liquidités, grâce aux mesures de soutien au marché et aides à l’industrie des renouvelables.

Le lien entre spéculations et interventions des dirigeants dans les marchés tient en place depuis des siècles. La bulle des Chemins de fer des années 1840, la bulle du Mississippi, qui a éclaté en 1720, ou la bulle des Tulipes des années 1630, ont lieu peu après la mise en place d’incitations ou de soutiens à l’ende... Poursuivre la lecture

Dans notre imaginaire, l’Italie nous renvoie à Rome et au Colisée, à la Cité du Vatican, ou plus près de nous, à Cinecittà établie sur une idée de Mussolini, grand admirateur des débuts du cinéma soviétique.

Mais on oublie que l’Italie fut le berceau des banques et du capitalisme.

On lui doit, entre le XIIe et le XIIIe siècle, l’invention de la lettre de change ancêtre du chèque, de la comptabilité analytique et des dépôts à l’origine des banques.

Madelin avait coutume de dire qu’en France, quand on était à court d’idées,... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles