Honni soit qui Mali pense

L’Élysée a choisi d’envoyer les troupes française au Mali sur un prétexte fantaisiste.

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Honni soit qui Mali pense

Publié le 20 janvier 2013
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L’Élysée a choisi d’envoyer les troupes française au Mali sur un prétexte fantaisiste.

Par Stéphane Montabert.

Depuis le 11 janvier, la France est en guerre au Mali. Et chacun s’interroge sur le sens à donner à cette guerre.

Le nord désertique du Mali est en proie à une guérilla depuis des années, émergeant à la face du monde au printemps dernier principalement à cause d’une vacance du pouvoir de Bamako. Au mois de mars, le président Amadou Toumani Touré fut destitué par des militaires l’accusant d’incompétence dans la lutte contre la rébellion touarègue et les groupes islamistes dans le Nord (accusations qui, rétrospectivement, ne manquent pas de sel). Les militaires avaient peut-être raison mais ils n’en tirèrent aucune légitimité pour autant. La crise politique se résolut temporairement le 6 avril avec un accord-cadre mettant en place un gouvernement de transition sous l’égide d’un nouveau président, Dioncounda Traoré, lequel fut agressé et dut se rendre à Paris pour recevoir des soins…

Loin des jeux de cour de Bamako, divers groupes rebelles profitèrent de la confusion pour progresser au Nord : le Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), le groupe islamiste Ansar Dine, le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA, groupe rebelle touareg) et enfin des combattants liés à Aqmi (Al-Qaida au Maghreb islamique) passèrent à l’offensive. Ils se battirent et se battent encore presque autant entre eux que contre l’armée régulière, mais celle-ci recula sans discontinuer. Le 30 mars, les rebelles prirent Kidal, le lendemain Gao ; Tombouctou tomba le premier avril, puis Ansongo, Aguelhok, Douentza, et enfin Konna le 10 janvier, menaçant directement Mopti et le sud du pays.

Le président Traoré demanda dès septembre une intervention des forces militaires d’Afrique de l’Ouest pour reconquérir le Nord. Plusieurs réunions de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) se tinrent pour la préparer mais tardèrent à se concrétiser. Le Conseil de sécurité de l’ONU approuva le 20 décembre la résolution 2085 autorisant le déploiement par étapes d’une force internationale de soutien au Mali, baptisée Misma, réclamée par le Mali et approuvée par la Cedeao.

C’est dans ce contexte qu’à la surprise générale, la France choisit mercredi dernier de s’impliquer directement dans le conflit.

L’action militaire française a quelque chose d’étonnant. Dans ce qui avait tout d’une guérilla régionale entre des factions divisées, elle a réussi le tour de force d’unir et de cristalliser les mouvements rebelles contre elle et contre l’Occident tout entier.

La France n’a pas d’intérêts économiques particuliers au Mali, affirme François Hollande : si c’est vrai, c’en est encore plus malheureux. Le cynisme traditionnel de la Françafrique pouvait choquer mais avait au moins le mérite de correspondre à des objectifs géostratégiques. Ici, l’Élysée aurait choisi d’envoyer la troupe sur un prétexte fantaisiste.

En effet, pour le Ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, il n’était pas possible de laisser se développer « un État terroriste aux portes de l’Europe« , motif cousu de fil blanc. Depuis quand les États terroristes aux portes de l’Europe seraient-ils devenus un problème pour l’État français ? Y a-t-il eu revirement des autorités sur le printemps arabe et ce qu’elles sont en train de produire ? L’excuse est d’autant plus faible que la France a elle-même directement contribué à créer un « État terroriste aux portes de l’Europe », la Libye. En faisant chuter le régime de Kadhafi, armes à la main, la France a ouvert un boulevard aux milices islamistes qui règnent désormais sur ce bout de désert avec bien peu de gratitude.

Une paix relative s’est installée en Libye. Les armes ne se sont pas tues pour autant. Elles se sont retrouvées à travers les réseaux du Sahel entre les mains des islamistes maliens, ajoutées à celles promptement pillées dans les arsenaux du dictateur déchu, fournies elles aussi par les Européens. Si bien qu’aujourd’hui, la France se bat au Mali contre des islamistes équipés d’armes françaises.

Prenons cette énième ironie de l’histoire comme une marque de respect : la qualité du produit convainc même nos ennemis ! Arnaud Montebourg devrait penser à faire une nouvelle campagne de publicité là-dessus.

Si les autorités françaises avaient eu à cœur de « lutter contre le terrorisme », elles auraient mieux fait de commencer par s’attaquer aux dangers intérieurs. Les caches d’armes et réseaux de l’islamo-banditisme prolifèrent dans des banlieues françaises. Elles n’ont jamais été pacifiées, à peine apaisées. En fait, cette menace-là est si crédible que le gouvernement français a carrément été obligé de décider de mesures de sécurité supplémentaires sur le sol national.

C’est vrai, le Mali est moins loin que l’Afghanistan, on y parle français. Plus convivial, en quelque sorte. Pourtant, quitte à lutter contre le terrorisme, des descentes dans les caves des zones de non-droit émaillant le territoire français auraient sans doute davantage contribué à la sécurité du pays, sans risquer d’embraser la moitié du continent africain…

Bien sûr, selon un schéma maintes fois éprouvé, le déploiement de l’armée française est « limité » en effectif et dans le temps, et devra dans les plus brefs délais « donner la main » à une force militaire malienne qui reste encore à inventer. Mais dans les faits, la France pourra-t-elle seulement décider du scénario ?

Comme le dit l’adage, on sait de quelle façon commence une guerre, jamais comment elle se termine. La France n’a ni les moyens logistiques, ni les moyens humains, ni les moyens financiers de s’engager sur la durée. Cette évidence donne un écho d’autant plus étrange à l’intervention sur France Inter du socialiste Michel Rocard qui, tout en saluant la décision du président, annonça avec une certaine clairvoyance « qu’on est dans une bagarre d’une dizaine d’années » et qu’il n’y aurait rien de simple :

Tout cela est très difficile, pas gagné d’avance, nous perdrons des hommes, il y aura des drames, il y aura des contreparties sur le territoire national, tout cela va être assez effrayant.

L’ancien Premier Ministre ne croyait pas si bien dire, à la veille de la prise d’otage tournant à la boucherie sur un site gazier au sud de l’Algérie (avec « la brigade de Mokhtar Belmokhtar », un nouveau groupe islamique à la clef). Ce n’est pas gagné d’avance, en effet.

La France perdra des hommes.

Il y aura des drames.

Et la guerre n’est commencée que depuis une semaine.

Peut-être la France avait-elle besoin de se lancer au Mali pour prouver au monde qu’à l’instar de n’importe quelle grande puissance, elle avait droit à son bourbier ?


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  • Et qu’est ce que vous faites du problème de l’avancée foudroyante des terroristes vers le sud du Mali qui seraient venu en quelques jours à Bamako où ils auraient pris en otage 8000 francais qui vivent dans cette ville. Que n’aurait-on pas hurlé contre Hollande den’avoir pas agi plus tôt!

    • Et moi, je n’ose imaginer les cris d’orfraie poussés par la gauche si la décision eut été prise par un certains Nicolas Sarkozy, qu’elle n’aurait pas hésité de taxer de néo-conservateur, néo-colonnialiste et autres noms d’oiseaux. Ah ! J’avais oublié ! Quand c’est la gauche, c’est mieux car rempli de plein de bonnes intentions !

      • Si mes souvenirs sont bons, lorsque Sarkozy a « libéré » Benghazi (Lybie), je ne crois pas que la Gauche l’a critiqué? Me trompè-je????

        • Eole: « je ne crois pas que la Gauche l’a critiqué? »

          Même des abrutis fini savent qu’il est impossible de critiquer une victoire militaire au moment ou elle a lieu.

          Déjà que la critique d’une guerre est difficile.

    • « Et qu’est ce que vous faites du problème de l’avancée foudroyante des terroristes vers le sud du Mali » ?

      Le véritable problème, c’est la remontée foudroyante du président et de son gouvernement dans les sondages depuis qu’ils nous ont imposé leur pathétique guéguerre, qui arrive opportunément pour sauver temporairement le soldat Mimolette de la disgrâce, pour ne pas dire de la déroute où le conduit inexorablement son action politique et économique.

      Les soldats français qui vont donner leur vie ne le feront pas pour nous sauver du terrorisme, encore moins en défense des Français ou au service de la France, mais pour la gloire personnelle de Mimolette. Je plains sincèrement leurs familles désespérées par l’immense vacuité de ce sacrifice instrumentalisé au service exclusif du Faquin de l’Elysée.

      La guerre au Mali, était-ce une promesse de campagne de Mimolette Premier ?

    • Il faut défendre les 3 millions de français qui vivent à l’étranger? Non parce que ça fait beaucoup. Ces français au Mali savaient très bien qu’ils couraient des risques dans ce pays: en plus du terrorisme, l’instabilité du régime malien (qui n’est pas une référence dans le monde et peu digne d’être défendu, son armée non plus), mais aussi l’insécurité quotidienne.

    • TRAQUE AU COEUR DE L’EMPIRE DE LA CONTREBANDE

      L’émir de l’AIS,( Mokhtar Belmokhtar) qui a refusé de déposer les armes et a continué ses crimes dans le Grand Sud, s’est transformé en un super-contrebandier.
      http://www.algeria-watch.org:80/fr/article/mil/groupes_armes/belmokhtar_encercle.htm

    • C’est pas un peu tôt pour fanfaronner ?

    • marie: « Heureusement qu’on n’est pas obligé d’être d’accord avec vous »

      Et vous gobez les exclamations extasiées d’un journal très peu critique face aux mesures des gouvernements, et ceci en pleine guerre ?

      Vous devriez étudier ce qui se rapporte à la propagande:
      http://fr.wikipedia.org/wiki/Propagande#Aper.C3.A7u_historique_sur_les_propagandes

      Lord Ponsonby, un aristocrate anglais, socialiste et pacifiste, résuma ainsi les méthodes utilisées pendant le conflit (y compris par son propre pays) :

      Il faut faire croire

      que notre camp ne veut pas la guerre
      que l’adversaire en est responsable
      qu’il est moralement condamnable
      que la guerre a de nobles buts
      que l’ennemi commet des atrocités délibérées (pas nous)
      qu’il subit bien plus de pertes que nous
      que Dieu est avec nous (obsolète, à remplacer par « la démocratie »)
      que le monde de l’art et de la culture approuve notre combat
      que l’ennemi utilise des armes illicites (pas nous)
      que ceux qui doutent des neuf premiers points sont soit des traitres, soit des victimes des mensonges adverses (car l’ennemi, contrairement à nous qui informons, fait de la propagande).

  • Bien d’accord avec vous. Le terrorisme est chez nous mais ils le soignent. Et ils lancent NOS soldats dans la guerre sans se préoccuper du fait que la France est SEULE dans la « bourbier ». Nous avons eu notre bourbier cependant car l’Indochine nous a fait beaucoup de mal.
    Pour une tentative désespérée de redorer son image, hollande va mettre le feu aux poudres et la France (et très certainement l’Europe) va en pâtir. Nous n’avons pas fini d’être dans la purée, mais peut-être est-ce LA solution de ce gouvernement de nuls pour résoudre la crise !!!!

  • Cette guerre qui commence sera certainement une calamité pour la France. Ce sera un peu comme la guerre du Viet Nam pour les USA.
    La France envoie des troupes pour soutenir un gouvernement qui ne pourra en aucun cas se maintenir car il n’est pas accepté par la population. Cette guerre aura au Mali comme conséquence principale de liguer tous les ennemis de la France. Bref, la situation ne peut qu’empirer.

    Par ailleurs, en ce qui concerne la France, cette guerre va y susciter des mouvements terroristes, en conséquence de quoi le France voudra refermer se frontières, et le gouvernement édictera de nombreuses lois liberticides, à l’imitation du Patriot Act aux USA. Les Français ont beaucoup à y perdre.

    Cette présentation que je viens de faire est un peu pessimiste, mais c’est ce à quoi je m’attends.

  • C’est quand même plus facile de passer avec un blindé en pleine brousse que dans une cave. $

    Le pire serait sans doute une augmentation de l’imigration.

  • Et pendant ce temps, d’abominables petites mimines continuent à creuser le trou de la dette, silencieusement. Chut, il faut rien dire.
    Après tout, on s’en fout. On aura le triomphe à la romaine sur les champs Elysée (en mondiovision), les nouveaux mariés agiteront avec joie leur bouquet et il y aura une répartition JUSTE des impôts et taxes.
    J’oubliais, et Flanby remontera dans les sondages, le peuple aime le son du tambour, au loin. C’est tellement romantique.
    Mais qu’est-ce que l’on est allé faire dans cette galère, seul, comme çà. J’aurai compris un arrêt des colonnes Islamiques par l’aviation, une aide à l’intervention africaine (véritable arlésienne), une remise en état du pays en déliquescence soit. Un implication aussi forte, non…

  • Franchement , le coup des Français qui aiment le son du tambour, je demande à voir. Il y a une propagande infernale pour nous dire que la Français sont contents de Hollande en chef de guerre, mais on verra bien. En connaissez-vous beaucoup autour de vous des gens qui s’excitent car on est entrés en guerre ? Pour ma part, je ne suis nullement ravie que nos soldats aillent se faire tuer et que tout ceci promette de nous coûter bien cher ( encore une taxe ou un impôt !). On nous dit que c’est pour lutter contre le terrorisme mais alors pourquoi sommes-nous tout seuls ? Les autres pays d’Europe, les Américains se moquent-ils donc du terrorisme ?

  • Personne n’a remarqué que c’est précisément au moment ou nos troupes quittent l’Afghanistan qu’on les envoie au Mali ?
    Les mauvaises langues ne vont pas croire en une coïncidence et sont capable de soupçonner cette nouvelle guerre d’avoir été planifiée longtemps à l’avance, hou les vilains…

  • la definition du terrorisme sous-entend que l’on tremble de peur devant ces fanatiques un peu illuminés qui sont somme toutes que des opportuniste de la religion. Autant dire que ce n’est pas la violance qui rachètera leurs conduites de pêcheurs.

    Et les mimines de qui remplissent les banques et chauffent les maisons ca reste totalement inintérressé que l’on va défendre un bout de sable.

    Donc une fois que les drones auront fait le ménage, ca sera plus clair.

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Nicolas Tenzer est enseignant à Sciences Po Paris, non resident senior fellow au Center for European Policy Analysis (CEPA) et blogueur de politique internationale sur Tenzer Strategics. Son dernier livre Notre guerre. Le crime et l’oubli : pour une pensée stratégique, vient de sortir aux Éditions de l’Observatoire. Ce grand entretien a été publié pour la première fois dans nos colonnes le 29 janvier dernier. Nous le republions pour donner une lumière nouvelles aux déclarations du président Macron, lequel n’a « pas exclu » l’envoi de troupes ... Poursuivre la lecture

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