Commerce extérieur et croissance : la France souffre de problèmes de compétitivité

La croissance étant liée au commerce extérieur, il y a lieu d’être inquiet alors que la France connaît des problèmes de compétitivité.

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Commerce extérieur et croissance : la France souffre de problèmes de compétitivité

Publié le 1 octobre 2012
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Le commerce extérieur délivre-t-il des informations économiques pertinentes ? Existe-t-il un lien entre le commerce extérieur et la croissance ? Si oui, il y a lieu d’être inquiet alors que la France connaît de sérieux problèmes de compétitivité.

Par Yann Henry.

Dans un article précédent, nous avons vu que la notion de balance commerciale était à prendre avec précautions. Son niveau et son évolution sur les 10 dernières années peuvent tout de même délivrer des informations intéressantes.

Les 10 balances commerciales les plus déficitaires

Source : WTO.

Les 10 balances commerciales les plus excédentaires

Source : WTO.

Le Japon qui affichait la deuxième balance commerciale excédentaire en 2001 est désormais dans le top 10 des déficitaires. La France, quasiment à l’équilibre en 2001, a désormais le 4ème déficit le plus élevé avec 118 milliards de dollars. Enfin, les balances commerciales se sont beaucoup creusées. Ainsi, le déficit commercial des seuls États-Unis en 2011 est proche de la somme de tous les déficits de 2001 additionnés (792 milliards de dollars) !

Le commerce extérieur délivre-t-il des informations économiques pertinentes ? Par exemple, existe-t-il un lien entre le commerce extérieur et la croissance ? Pour tenter de répondre à cette question, 4 indicateurs relatifs au commerce extérieur (dont la balance commerciale) ont été comparés à la croissance économique (moyenne sur les années 2007 à 2011, soit les cinq dernières années connues) :

  1. L’ouverture économique, qui peut se définir comme la somme des exportations et des importations divisée par le PIB ;
  2. La balance commerciale rapportée au PIB ;
  3. Les exportations rapportées au PIB ;
  4. Les importations rapportées au PIB.

Les corrélations ont été testées sur les 27 pays de l’Union européenne et sur le sous-échantillon des 17 pays de la zone euro. Pour tenir compte de la différence de taille économique des pays concernés, chacun des pays a été pondéré par son PIB 2011. La corrélation de chacun des 4 indicateurs avec la croissance a été calculée et un test statistique de significativité [1] de cette corrélation a été effectué en calculant les p-value. La p-value correspond à la probabilité de commettre une erreur en concluant que la corrélation est significative. Traditionnellement un seuil de 5% est retenu, c’est-à-dire qu’avec une p-value inférieure à 5% la corrélation est considérée comme significative.

Voici les résultats obtenus.

Union Européenne

Source : Eurostat.

Zone Euro

Source : Eurostat.

Il apparaît qu’il n’y a pas de corrélation entre balance commerciale et croissance. Par contre, il existe une corrélation assez nette entre la croissance et les trois autres variables. Le ratio exportations sur PIB affiche les meilleurs résultats, devant l’ouverture économique et les importations.

La France, l’Espagne, l’Italie ou le Royaume-Uni se retrouvent aux alentours de 20%, c’est-à-dire un niveau significativement inférieur à celui des autres pays européens.

Dire que deux variables sont corrélées n’implique pas que l’on ait démontré un lien de causalité entre elles. Quand bien même une causalité aurait été démontrée sur les données passées, cela n’en aurait pas constitué une preuve qu’il en serait de même dans le futur. Néanmoins, ces corrélations significatives permettent d’avoir une forte présomption sur le fait que l’ouverture économique et la compétitivité à l’exportation sont des éléments susceptibles de favoriser la richesse des nations. Il est donc tout à fait pertinent de s’intéresser à une variable comme les exportations. On peut par exemple étudier les parts de marché dans les exportations et leur évolution.

Pour calculer une part de marché, il faut d’abord définir la taille du marché. Au niveau du commerce mondial, il faut donc déterminer quelles sont les zones d’échange. Par exemple doit-on considérer l’Union européenne comme un seul bloc ou additionner chacun des pays la composant ? La différence est de taille.

Dans le premier cas, le commerce mondial s’élevait en 2011 à 14 350 milliards de dollars, dans le second à 18 255 milliards de dollars, l’écart (3 905 milliards de dollars) correspondant donc au commerce intra-Union européenne. Il est à noter que, vue comme un seul bloc, l’Union européenne est le premier exportateur mondial avec 2 133 milliards de dollars d’exportations.

Source : WTO.

La Chine, « seulement » 6ème exportateur mondial en 2001, est numéro 1 (devant les États-Unis) depuis 2007. Les principaux pays européens ont tous perdu des parts de marché depuis 2001. La France, 4ème en 2001, est désormais 6ème avec une perte de 2 points de part de marché. Avec 3,3%, elle atteint son plus faible score depuis plus de 60 ans. Cet événement est à rapprocher du dernier classement du Forum économique mondial de Davos, où la France sort pour la première fois en trente ans du top 20 (elle est 21ème). La France affiche ainsi la plus grosse perte en valeur absolue parmi les pays européens, et la deuxième plus grosse perte en valeur relative :

Le Royaume-Uni affiche la plus grosse perte relative et décroche nettement depuis 15 ans environ. Plus globalement, ces chiffres sont inquiétants pour la croissance future des pays de l’Union européenne. Toutefois ces baisses sont à relativiser avec la forte augmentation du commerce mondial :

Le commerce mondial a ainsi été multiplié par trois entre 2001 et 2011, alors que la France n’augmentait ses exportations que de 84% (de 323 à 596 milliards de dollars).

En conclusion, la balance commerciale se révèle être un indicateur non corrélé à la croissance, à l’inverse de l’ouverture économique et des niveaux d’exportations et d’importations. On peut donc estimer que les pays souffrant de problèmes de compétitivité ou adoptant des attitudes protectionnistes (donc limitant l’ouverture économique) risqueraient fort d’obtenir une croissance moindre.

—-
Sur le web.
Article publié initialement par 24Hgold.

Note :

  1. Test de significativité de Spearman.
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  • Curieux, je publie justement aujourd’hui un billet qui tente d’expliquer pourquoi la compétitivité n’est pas un concept pertinent : http://theoreme-du-bien-etre.net/2012/09/30/politique-de-lemploi-23-le-leurre-de-la-mondialisation/

    Je m’attends à me faire agresser, mais je prends le risque.

    • En fait les deux articles vont un peu dans le même sens, à savoir que seule  » l’ouverture au monde  » est un critère pertinent dans la croissance (ou l’emploi ce qui revient à peu près au même)

    • Lu votre article, vous zappez l’essentiel : il sera toujours plus intéressant de produire plus de moutons pour la même quantité de travail. Au fond, « compétitivité » n’est qu’un autre mot pour « productivité », simplement mesurée non pas par rapport à soi-même à lé période précédente, mais par rapport à l’étranger le moins « compétitif »= »productif » (celui avec lequel vous êtes en concurrence).

      La balance déficitaire mesure le manque de productivité du français moyen par rapport à son niveau de consommation, qui se traduit dans la croissance trop faible des exportations et la croissance trop forte des importations.

      • Non P, vous avez mal lu mon article. Ce qui détermine les échanges internationaux, ce n’est pas la productivité d’un secteur vs. le même secteur à l’étranger, mais le rapport des productivités relatives.

        Et oui il est toujours plus intéressant de produire plus de moutons pour la même quantité de travail, mais comme je le dis dans mon article, cela précède et dépasse toute considération internationale. Cela n’a donc pas de rapport direct avec les échanges.

        La balance déficitaire d’un pays dérive du différentiel entre la productivité et la gourmandise (comme tout déficit, qui est synonyme d’emprunt) et non de la productivité elle-même. Un ouvrier chinois est moins productif qu’un ouvrier français, et pourtant la Chine a un excédent commercial.

        • J’avais compris ; c’est vous qui n’avez pas compris ma remarque.
          Les échanges internationaux et les productivités relatives ne comptent pas en eux-mêmes, mais ils sont les signes de la seule chose qui compte, qui est la productivité absolue et le fait qu’elle augmente ou baisse (l’excédent commercial chinois étant un produit direct de la formidable hausse de la productivité chinoise, même si elle reste plus faible que celle de l’occident. sur votre modèle à deux village, appliquez une hausse de la productivité différentes et voyez ce qui se passe — il vous faudra une monnaie pour mettre en évidence les « balance commerciale », prenez le « blé » qui fait une monnaie tout à fait potable). Mais comme on ne peut pas bien mesurer les choses qui comptent, on se rabat sur les signes tangibles et mesurables. Même si les liens sont indirects.

          La France a une productivité par tête de travailleur très forte, malheureusement sa productivité par actif n’a pas du tout le même profil, et ça se paye, ça se voit dans sa balance commerciale.

      • « Au fond, « compétitivité » n’est qu’un autre mot pour « productivité », simplement mesurée non pas par rapport à soi-même à lé période précédente, mais par rapport à l’étranger le moins « compétitif »= »productif » (celui avec lequel vous êtes en concurrence).  »

        Très juste. Aussi, ça peut être intéressant de voir de quelle manière le capital investi moyen par travailleur se rapporte à la productivité, en tenant compte ou pas de la dette publique par habitant. Enfin ce sont juste des pistes.

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