Idée reçue : le libéralisme, une doctrine de droite ?

Contrepoints vous propose de découvrir sur plusieurs jours l’introduction au Dictionnaire du libéralisme sorti récemment. Conçue comme une réponse aux lieux communs sur le libéralisme, elle vous permettra d’avoir l’ensemble des arguments sur ces préjugés si courants !

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Dictionnaire du libéralisme Mathieu Laine

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Idée reçue : le libéralisme, une doctrine de droite ?

Publié le 4 juillet 2012
- A +

Par Mathieu Laine et Jean-Philippe Feldman.
Publié en collaboration avec l’Institut Coppet.

Le libéralisme est habituellement classé à droite sur l’échiquier politique. Parfois, il s’agit de stigmatiser une doctrine conservatrice. Parfois, il s’agit au contraire de faire ressortir son extrémisme. On parle alors d’ « ultralibéralisme », un libéralisme tellement radical qu’il verserait dans la droite la plus antisociale, et finalement dans l’extrémisme de droite.

Une telle conception est d’abord historiquement fausse. A la suite de la césure droite/gauche progressivement dégagée à partir de 1789, les libéraux constituent un mouvement de gauche jusqu’à la fin du XIXe siècle. En tant qu’ « indépendant », Benjamin Constant est le chef de la gauche libérale. Alexis de Tocqueville siège au centre gauche et il en sera de même plus tard de Léon Say,  le petit-fils  « libéral conservateur » de Jean-Baptiste, ou encore d’Yves Guyot lors des premières années de la IIIe République. Quant à Frédéric Bastiat, député de 1848 à sa mort deux ans plus tard, il ne siège pas plus à droite et il reconnaît avoir mêlé sa voix tantôt à la droite, tantôt à la gauche, voire à l’extrême gauche, suivant que les pauvres ont demandé plus que ce qui était juste ou que les riches leur ont refusé même ce qui était juste. Le libéralisme n’est pas un conservatisme. Il a soutenu les droits de l’homme déclarés en 1789, et les réformes économiques et sociales du tout début de la Révolution française.  En revanche, il a refusé avec horreur les atteintes à ces mêmes droits perpétrées par les Jacobins et culminantes avec la Terreur. Dans une annexe à sa Constitution de la liberté en 1960 intitulée « Pourquoi je ne suis pas un conservateur », Hayek a exposé avec clarté les différences irrémédiables qui séparent libéralisme et conservatisme. Le libéral n’est pas un homme du passé, rétif au progrès, arc-bouté sur une morale passéiste et confiant dans l’intervention de l’Etat à partir du moment où c’est lui qui est au pouvoir. Le libéral porte au firmament, pour reprendre l’expression de Jefferson en 1799, non pas la confiance, mais la défiance envers le Pouvoir, quel qu’en soit le détenteur. Il accepte l’innovation, l’expérimentation, les atteintes aux coutumes et à la morale établies, tout en rappelant que l’individu doit supporter les conséquences de ses choix. Si aujourd’hui les frontières entre droite et gauche sont brouillées en ce sens que les prétendus « progressistes » sont souvent les plus attachés aux privilèges et au statu quo, il n’en demeure pas moins que les libéraux ne se rattachent pas au « pragmatisme » souvent revendiqué à droite et au centre qu’ils analysent soit comme une absence de courage, soit comme une perte de repères.

La notion d’ordre n’est pas comprise de la même manière par la droite, la gauche et les libéraux. L’ordre spontané de ces derniers s’oppose non seulement à l’ordre naturel des hommes de droite selon lequel les règles seraient immuables et imposées à la société de manière fixe et hiérarchique, mais encore à l’ordre construit des hommes de gauche selon lequel les règles parfaites de la société future devraient délibérément se substituer aux règles défectueuses de la société actuelle –  c’est le « constructivisme » éreinté par Hayek dans le second volume de Droit, législation et liberté en 1976 et dans son dernier ouvrage La présomption fatale en 1988.  La droite veut conserver, la gauche changer, mais dans les deux cas, il s’agit coupablement de modeler la société.

Par ailleurs, divers courants politiques se défient du libéralisme comme d’un rouleau compresseur, sur fond d’uniformisation, de « globalisation » ou de « mondialisation », voire de « mondialisme », qui détruirait les coutumes ancestrales et la diversité culturelle. Au-delà du conservatisme qui recouvre ces approches, les libéraux entendent au contraire démontrer que leurs principes émancipent les individus du poids pesant du tribalisme et des traditions imposées, tout en leur permettant de garder en toute liberté leurs spécificités et de les cultiver. A cet égard, les rapports entre libéralisme et nation ont fait l’objet de fausses interprétations. Les libéraux conçoivent les nations comme des communautés d’individus librement constituées, et non pas comme des ensembles totalisants – holistes en termes techniques – qui les enserreraient inévitablement au sein d’Etats, dès lors appelés « Etats-nations ». Le libéral peut être patriote, il peut aimer sa nation, mais en aucun cas il ne saurait sombrer dans le nationalisme et l’impérialisme.

Enfin, il ne faut pas oublier que le libéralisme est divers. Sur l’échiquier politique, ses différents courants peuvent se placer de l’anarcho-capitalisme à la gauche modérée en passant par la « droite libérale » et les libéraux conservateurs. Ils se distinguent avant tout par le rôle qu’ils laissent à l’Etat : nul pour les anarcho-capitalistes, minimal pour les libertariens et les minarchistes, gendarme ou garant pour la plupart des courants libéraux actuels, beaucoup plus interventionniste et présent pour les libéraux conservateurs, protecteur pour les libéraux sociaux. Là encore, le libéralisme exige pour être compris une approche qui ne soit pas caricaturale.

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  • C’est vrai que le libéralisme est vachement soluble dans le socialisme.
    Essayez de faire comprendre le libéralisme à un gauchiste, bon courage.
    Le libéralisme est quand même bien plus compatible avec la droite.

    C’est vrai que la tendance est au ni droite ni gauche mais par pragmatisme il faut quand même avouer que le libéralisme perce bien plus facilement chez les gens de droite que chez les gens de gauche, et même pour sa partie « moeurs ».

    • « le libéralisme perce bien plus facilement chez les gens de droite que chez les gens de gauche »
      ————————–
      Si vous parler des « gens de droite » en France à la mode UMP & co, il s’agit en fait de gens de gauche (étatiste, dirigiste).
      Soit dit en passant, même Vincent Peillon, une éminence grise du PS ou Delanoé se réclament publiquement « libéraux », ça ne risque pas d’arriver très souvent chez les ténors d’UMP, alors bon…

      • Non, ils sont bien étatistes, et bel et bien de droite, dans la plus pure tradition française. Peux-tu me rappeler quand, pour la dernière fois, la droite française a été libérale?

        • Peux-tu me rappeler quand, pour la dernière fois, la gauche française a été libérale?
          Tu vois, ca marche aussi 🙂

          • Et pour la 1000ème fois, je n’ai jamais dit le contraire. À chaque fois que je dis que la droite française n’est pas libérale, on me répond « la gauche ne l’est pas non plus ». Ben oui, mais ai-je jamais dit le contraire?

            Et pour répondre plus précisément à ta question: depuis le 19ème siècle. C’est marqué dans l’article d’ailleurs.

          • C’est d’ailleurs bien pour cela que je dis qu’il n’y a rien à attendre des partis en place, de droite comme de gauche, pour les libéraux.

          • Mateo a raison.
            La droite a toujours été de droite, c’est à dire pour un gouvernement fort qui contrôle le parlement et le peuple.
            La gauche, la vraie, celle que personne ne connait parce qu’elle ne dispose pas des moyens de l’état ou s’abstient de s’en servir, n’est peut-être pas libérale, mais comme nous elle se méfie de l’état (et plus généralement des grosses organisations), l’évite comme la peste, et s’appuie sur de petits groupes « solidaire » et « autonome », ou des « réseaux » informels. Pour moi il est très clair que le PS et plus encore le PC sont des partis d’extrême droite (plus à droite que la droite et même que le FN) , et comme c’est eux qu’on appelle « la gauche française », forcément qu’elle n’est pas libérale ; mais comme il ne sont pas vraiment de gauche non plus …
            Cependant la vraie gauche française existe toujours, elle émerge par exemple quand un abbé Pierre ou un Coluche lance un mouvement clairement socialiste ET libéral (parce qu’on est libre d’adhérer ou pas).

          • Ah mais je suis bête: si on n’est pas de droite, c’est qu’on est de gauche… Où avais-je la tête?

          • « un mouvement clairement socialiste ET libéral »

            +1000.
            Comme l’a rappelé je ne sais plus qui, le drame de la gauche française est d’être devenue marxiste.

    • -10

      La gauche, ce n’est pas forcément le socialisme…
      Et la droite française est clairement incompatible avec le libéralisme.

      Oh wait, n’a-t-on déjà pas expliqué tout ceci 100fois? En même temps venant de quelqu’un qui parvient à prétendre que le vote FN est compatible avec le libéralisme…

      • « La gauche, ce n’est pas forcément le socialisme… »
        oui mais quand même 99% des gens de gauche sont anti-libéraux 🙁

        • Je dirai plutôt que 80 % des gens de gauche sont des panurgistes (ils sont de gauche comme on était catho : parce que c’est le camps du bien) qui n’ont aucune notion politique de ce que c’est qu’être de gauche, 10 % sont des opportunistes sans scrupules qui savent parfaitement ce qu’est la gauche, qu’ils n’en sont pas, mais que détenir un pouvoir via le PS est tout ce qui compte, et 10 % des libéraux (qui s’ignorent ou pas) mais qui trouvent que le RPR aka UMP est pire (à tort ou à raison).

    • La gauche française se déclare anti-libérale donc pour qq’un de goooche c’est dur 🙂

  • Bonne article.
    le problème, que la réaction de Mistertibs illustre parfaitement, c’est que le socialisme n’est, ou pas que, de gauche.
    Notre diagramme droite-gauche est aujourd’hui inversé :
    le PS, parti de l’ordre moral, « juste », et du gouvernement fort, est un parti d’extrême droite sans le savoir lui-même ; le PC est et « la gauche de la gauche » sont encore plus extrême dans le recours au gouvernement et le moralisme étroit, donc encore plus à droite.
    C’est pour ça, et seulement pour ça, que le libéralisme semble aujourd’hui « de droite »

  • En fait, tout est question de maturité des individus et donc d’évolution de la société: plus les individus ont un esprit libéral et plus la société a la capacité à évoluer…

  • Attention à la dérive américaine !!!
    Là-bas « liberal » = gauchiste …

    À part quelques historiens, personne ne comprend les clivages politiques du 19e siècle, ce qu’on appelait alors droite et gauche.

    De nos jours, c’est clair: La gauche est égalitariste, collectiviste, irresponsabilisante (réglementation, culture de l’excuse…), adepte de l’ingénierie anthropologique (prenant le peuple pour du bétail).

    Libéralisme, conservatisme et christianisme sont donc aux antipodes de la gauche, qui les poursuit d’une même haine et n’aura de cesse qu’ils soient exterminés par tous les moyens, du sophisme au mensonge en passant par la coercition.

    L’auteur est d’ailleurs inconhérent: On ne peut pas s’opposer à l’ingénierie anthropologique d’État et condamner la « morale passéiste ».
    De son point de vue, Bastiat doit être un horrible conservateur: http://bastiat.org/fr/propriete_et_loi.html

    La réalité est que la morale est absolue ou ce n’est pas la morale. Une morale est donc juste ou erronée, mais pas passéiste, moderne ou futuriste.

    Le christianisme joue un rôle crucial en fixant ce principe, en définissant l’État comme autorité temporelle, donc sans prise sur la morale, et en définissant celle-ci comme une abstraction dont la mise en pratique est à l’appréciation individuelle.

    Ces postulats sont aussi nécessaires au libéralisme qu’insupportables au socialisme, qu’on pourrait aussi définir comme le culte de l’État.

    Les socialistes ont donc raison sur ce point : Libéralisme, conservatisme et christianisme son inextricablement liés.

    • Pas vraiment, non.
      Il y’a quelques principes que l’on tient pour universels, qui sont les principes nécessaires à l’état de droit. Aucune entorse à ces principes ne devrait être tolérés. Si une entorse à ces principes est constatée, alors on poursuivra le fautif, non pas dans une logique de punition du coupable, mais de protection de la victime.

      Il n’y a pas besoin de parler de morale à ce stade, seulement quelques principes universels qu’on fait respecter parce que c’est comme ça, parce que sans eux il ne peut pas y’avoir d’état de droit. On prendra soin, par contre de placer ces droit en dehors de la zone d’influence de la politique.

      La morale arrive ensuite, au niveau individuel. Seul le droit est le même pour tout le monde.

      Savoir si on veut vivre en conservateur, en progressiste, si on est catholique… ne concerne que l’individu.

      Le rôle de l’état de droit est de s’assurer que tout le monde est en conformité avec le droit, ni plus, ni moins.

      Il est possible que le christianisme défendent plus le droit que d’autres religions, ça n’en fait pas pour autant le dépositaire du droit.

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