Libéralisme et convergence frontiste

La difficulté pour les libéraux est de dénoncer les entourloupes de la Gauche sans en même temps donner l’impression de dédouaner le FN

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Libéralisme et convergence frontiste

Publié le 15 mai 2012
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Dans un article publié sur Contrepoints hier, le Parisien libéral expliquait que la force de la Gauche était d’avoir réussi à faire passer dans l’opinion que l’union entre le FN et l’UMP est plus honteuse que le rapprochement entre le PS et le Front de Gauche. Mais la difficulté pour les libéraux est de dénoncer les entourloupes de la Gauche sans en même temps donner l’impression de dédouaner le FN.

Par Anton Wagner.

Le Parisien libéral a écrit hier un billet qui a suscité quelques mouvements dans ce qui me sert de cervelle. Il ne s’agit pas tant d’une critique dudit billet que de réflexions qu’il a fait naître.

1. Une analyse partagée, mais…

Dans ce billet, le Parisien libéral dénonce l’hypocrite déséquilibre entre extrême-droite et extrême-gauche, déséquilibre avantageant le PS : « La grande force du Parti Socialiste, c’est d’avoir réussi à faire passer dans l’opinion que l’union entre le FN et l’UMP serait plus honteuse que le rapprochement entre le PS et le Front de Gauche. […] Mais le FN n’est-il pas à la droite de l’UMP ce que le Front de Gauche est à la gauche du PS ? »

Je partage pleinement cette analyse, mais je crois indispensable de la dépasser. Car, pour ceux qui épousent la cause du libéralisme, qu’y aurait-il à gagner à ce que l’UMP s’associe au Front national comme le PS peut le faire avec l’extrême-gauche ?

2. Y a-t-il un avenir à chasser les voix du FN ?

Cela a fonctionné en 2007. Mais Sarkozy ayant mouillé le pétard, qu’en sera-t-il désormais ? Je croyais jusqu’à présent qu’il était indispensable à l’UMP de gagner l’électorat frontiste pour l’emporter. C’était peut-être une erreur.

Ainsi, en 1988, la stratégie fut la même (ici, ici, ici). Résultat : 51% de voix pour la Droite au premier tour, mais un Mitterrand président avec 54% des suffrages au second… Échec en 1988, succès en 2007, échec en 2012… La tactique est bien aléatoire. De plus, elle place l’UMP à la merci du FN qui, d’une simple consigne de vote, peut jouir de sa position d’arbitre et savourer de faire trébucher son concurrent. Après l’avoir laminé en 2007, la stratégie de Nicolas Sarkozy a bel et bien renforcé le FN, aux propres dépens de l’UMP.

Malgré quelques bonnes mesures, je n’en reviens pas de l’indigence du quinquennat sarkozien. La Droite est vraiment intellectuellement lobotomisée pour avoir gâché une occasion si belle de régler un grand nombre des problèmes qui gangrènent la France. Ce n’est pas en courant derrière le FN qu’un pareil gâchis sera réparé et si Sarkozy n’était effectivement pas Le Pen, on peut juger son cynisme électoraliste franchement peu glorieux.

3. L’inconfortable position du libéralisme

Je ne doute pas une seconde que le Parisien libéral, que je n’ai pas l’heur de connaître personnellement, est à mille lieues des idées frontistes ; le fait qu’il participe à Contrepoints, son billet lui-même, l’attestent suffisamment. On comprend que son idée n’est pas de promouvoir le FN, mais de fustiger la Gauche. Néanmoins, remarquons l’inconfort de son propos.

Il précise donc qu’ « il ne s’agit pas de pouvoir réhabiliter la fille à papa de Saint Cloud. » Mais, plus bas, il écrit : « L’argument selon lequel le parti de la fille à papa de Saint Cloud est la droite la plus extrême ne tient même pas, puisqu’il existe des partis à la droite du FN, tout comme il y a des partis à la gauche  du Front de Gauche. »

Le problème n’est pas factuel, le problème c’est l’effet pratique d’une telle assertion. Que le FN ne soit pas fasciste le rend-il moins infréquentable pour autant ? Cela rend-il plus anodin un rapprochement éventuel de l’UMP et du FN ?  Le libéralisme y gagnerait-il en visibilité et en clarté ? J’en doute. Je vois plutôt que cela alimentera les soupçons : quelque part, les libéraux justifient les idées du FN, quelque part frontisme et libéralisme sont de connivence. Pourtant, tout libéral sait parfaitement qu’il ne sont en rien compatibles.

La difficulté, c’est de dénoncer les entourloupes de la Gauche sans en même temps donner l’impression de dédouaner le FN. C’est un jeu serré : une personne très anti-sarkozyste à qui j’expliquais exactement la même chose que le Parisien libéral en déduisit… que j’avais voté Sarkozy. Les étiquettes se collent très rapidement !

Comment réussir ce qu’évoque le Parisien libéral à la fin de son billet en écrivant : « Seule solution pour sortir de ce piège : dénoncer les extrêmes, TOUS les extrêmes, de Gauche aussi bien que National », et dont parle Philippe Nemo dans Les Deux Républiques françaises, c’est-à-dire cette « conjonction des centres » ? Je ne sais, mais si l’UMP, en tant que parti, décidait de se rapprocher du Front national, il serait peut-être opportun pour les libéraux de quitter le navire.

—-
Sur le web.

Lire aussi : L’UMP et le FN vs le PS et le Front de Gauche, quelle différence ?

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  • 1er: l’analyse du Parisien Libéral et de Monsieur Wagner est erronée. En effet, la ligne « national » de Sarkozy est un franc succès, lui a passé le premier tour allégrement et fut distancé de peu au second tour. Distance que l’on peut mettre sur le compte des centristes ou humanistes de son parti qui l’ont plombé avec leur déclaration. Le prouve aussi le score ridicule de Bayrou dont la ligne ne fut pas porteuse.
    2emement: la question du FN n’est finalement qu’accessoire, en effet FN ou pas, il faut s’interroger sur la possibilité d’un national-libéralisme, c’est à dire un conservatisme libéral plus poussé.
    Personnellement je le pense. mais ca demande de plus amples développements théoriques.
    3eme: le nationalisme ou la défense de l’Etat-nation n’a rien d’extrémiste. L’insulte est trop simple… en raisonnant comme ça, le centre est un extrême, fédéraliste.

    • 1er point : être libéral, ce n’est pas flatter l’opinion publique, même si la ligne de Sarkozy a pu plaire, elle n’est pas pour cela compatible avec le libéralisme. Mettre la défaite sur le dos des centristes est facile. Sarkozy a clairement considéré que c’était vers le FN qu’il fallait viser, c’était évidemment risqué d’essayer de leur refaire le coup de 2007 après avoir tant déçu. Le « blanc » de Marine, c’est entre 1,6 et 2,2 millions de voix qui ont manqué à Sarkozy au second tour (pour mémoire, l’écart avec Hollande n’est que de 1,1 million de voix…). La ligne de Bayrou n’a pas payé pour lui-même, mais elle suffit a priver Sarkozy de 1,9 million de voix… Ce que je veux dire, c’est que le grand écart entre extrême-droite et centre au sein d’un grand parti unique de la droite, c’est périlleux.

      2ème point : oui, bon, je ne suis pas très conservateur… Une synthèse libérale-conservatrice, pourquoi pas, mais ce n’est pas vers le FN qu’on la trouvera à mon avis.

      3ème point : personne ne l’a dit, pas moi en tout cas. Mais le problème n’est pas là. Le FN n’est tout simplement pas une option valide pour le libéralisme, même pour un libéralisme soucieux de la Nation.

  • Certes, mais une UMP tirée vers le FN ne créera pas un « paysage électoral éligible » plus favorable au libéralisme. L’extrême-droite est aussi anti-libérale que l’extrême-gauche. Il n’y a, à mon avis, rien a attendre de cette voie, sauf à détériorer davantage encore l’image du libéralisme.

  • on s’est bien compris

  • bravo au fn vive la democratie directe vive marine !!!

  • Le libéralisme n’est pas qu’économique.

    Le FN est un parti opposé à une immigration incontrôlée (droit du sol, regroupement familial) et à la remise en cause de notre culture, notre cadre de vie, nos us et coutumes qu’implique l’islamisation qui en résulte.

    Le droit du sol et le regroupement familial sont-ils libéraux ?
    Aucunement selon moi, bien au contraire.
    Un peuple doit pouvoir choisir qui admettre en son sein.
    Les changements non désirés me semblent comporter une remise en cause radicale de la propriété foncière, la valeur d’un cadre de vie aux yeux de son propriétaire étant étroitement liée au contexte culturel.

    De plus l’incompatibilité de l’islam avec la liberté a été dénoncée sans langue de bois par des philosophes aussi libéraux, et peu suspects d’ignorance ou de penchants fascistes, que J-F Revel, Jacques Ellul, Christopher Caldwell…
    Quand bien même le libéralisme imposerait aux français de se soumettre à une invasion (VGE 1991), il me semble que les conséquences de cette révolution sur les libertés méritent un minimum de réflexion.

    Cette islamisation, et non pas la crise causée par la bulle du socialisme, est le fait essentiel de notre époque, ce qu’en retiendra l’Histoire, à moins que la France demeure inchangée par son islamisation, au contraire de tous les pays sans exception qui l’ont précédée sur cette pente, et qui, malgré une immense diversité initiale, sont aujourd’hui sous régime islamique (fondé sur la charia) et affligés des mêmes maux typiques de l’islam.

    Il faut réussir à s’extraire de l’individualisme forcené: Le libéralisme est un mouvement politique fondé sur une vision de l’homme. Il est tourné vers l’individu, mais c’est un mouvement politique. Sa réalisation est collective.
    Si même nous, libéraux, sommes piégés par ce paradoxe, comment parviendrons-nous à convaincre ?

    Enfin, et sur un autre plan, se pose la question de la démocratie directe, que le FN est seul à promouvoir et à être en mesure de mettre en oeuvre.

    Le postulat selon lequel la représentation est plus raisonnable que le peuple me semble illibéral. Il est démenti par l’expérience.
    L’expérience montre que le peuple est à la fois plus conservateur et plus libéral que sa représentation, contrôlée et pervertie par les partis et les corps constitués, isolée des réalités de terrain, ce qui ne peut pas être le cas du peuple.
    J-F Revel relevait déjà ce fait contre-intuitif (ou contraire à l’endoctrinement) dans Le regain démocratique.
    Qui peut espérer une libéralisation de l’enseignement en France ? L’abolition du statut de fonctionnaire (ou sa réduction drastique) ? Sans la démocratie directe, ces réformes indispensables à une libéralisation n’auront jamais lieu.
    JAMAIS. Vous le savez bien.

    Conclusion : Si le fascisme est illibéral, tout comme le socialisme dont il est dérivé, le programme actuel du FN est à bien des égards le plus libéral dans l’offre politique actuelle – dont, au surplus, la démocratie directe qu’il promet nous libérerait.
    Non seulement le FN ne risque pas d’instaurer un régime fasciste, mais il ferait probablement sauter les verrous qui nous interdisent d’espérer un avenir libéral pour la France.

  • Vous avez raison en partant sur vos postulats. Mais ceux-ci n’ont rien de pragmatique et ignorent à mon avis une partie de la vérité …

    Plusieurs éléments à gratter tout de même pour vos futurs billets :

    1. Les positions historiques du Fn en matière de fiscalité étaient extrêmement libérales. Son électorat dans le Sud de la France est d’ailleurs constitué pour beaucoup d’entrepreneurs. Son discours sur l’immigration a occulté tout le reste et a servi à le stigmatiser pour créer une rupture à droite, nuire à l’émergence d’un pouvcoir autre que centriste et étatique.

    2. Vous ignorez superbement le fonctionnement du système politique et de sa confiscation totale au profit des forces étatiques donc fonctionnaires qui possèdent le législatif et l’exécutif et restent donc en position de piller le pays à leur profit. Sauf à disposer d’un appareil puissant pour permettre une cassure du système, le libéralisme n’existera jamais. Le Pen est notre principal allié dans cette démarche.

    3. Marine Le Pen est en train d’orchestrer un mouvement vers le centre de l’échiquier, elle sort du FN pour constituer un parti de pouvoir. Elle n’a pas de socle idéologique autre que prendre le pouvoir pour abattre le système. C’est un objectif que personnellement je partage

    4. Oui quand elle parle de son « programme » ça me gave. Là je suis d’accord. Elle adopte un discours qui est une synthèse des imbécillité gauchistes que l’on entend à droite et à gauche. Mais sa formation n’a en réalité aucune cohérence idéologique. On y trouve des sionistes et de pro palestiniens des libéraux et des anciens communistes ce qui m’a beaucoup surpris. Je pense que le gros challenge du FN est d’arriver à trouver une cohérence dans l’avenir pour appuyer ses ambitions sur une nouvelle lisibilité. Je pense que le libéralisme peut apporter cela.

    La difficulté réelle du Fn est que son unique ancrage idéologique fédérateur réside dans le rejet du système étatiste et fonctionnaire en place. Pour l’instant je vote pour eux car c’est ce qui correspond le plus à ce que je pense être nécessaire pour ce pays. On ne peut pas se dire libéral et continuer à faire le jeu d’un système qui nous chie dessus et continuera à le faire tant qu’il ne s’effondra pas.

    Maintenant Marine ne brille pas par à ses prises de positions libérales. Mais personne sur l’échiquier ne le fait et encore moins les centristes de Bayrou qui est lui même un fonctionnaire. Alors en attendant je vote contre un système il me semble que c’est l’opinion exprimée partout ici.

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