Global malchance : les certitudes d’une association anti-nucléaire

Dans une tribune de Libération, deux scientifiques estiment que la survenue d’un accident nucléaire majeur en Europe au cours des 30 prochaines années est une certitude statistique

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Global malchance : les certitudes d’une association anti-nucléaire

Publié le 13 avril 2012
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Dans une tribune de Libération, deux scientifiques estiment que la survenue d’un accident nucléaire majeur en Europe au cours des 30 prochaines années est une certitude statistique. Comment ces deux scientifiques de haut niveau peuvent-ils transformer un doute sur la validité de probabilités théoriques en la certitude d’un accident nucléaire ?

Par Anton Suwalki

Notre ami Nicolas Gauvrit a récemment épinglé dans un article au titre ironique – «  nouveau record du monde de probabilités » – à propos d’une tribune parue dans Libération de deux scientifiques  membres de l’association Global Chance. Comme l’indique son titre, cette tribune entend, à la lumière de l’accident de la centrale de Fukushima, remettre en cause les discours des spécialistes du nucléaire qui estiment extrêmement faible la probabilité d’un accident nucléaire majeur. Au contraire, disent-ils, la survenue d’un accident majeur en Europe au cours des 30 prochaines années est une certitude statistique.

Que les probabilités théoriques subissent des critiques au regard de la vraie vie, c’est-à-dire d’un accident théoriquement très improbable mais qui a en fin de compte eu lieu, voilà qui ne choquera personne. Mais comment deux scientifiques de haut niveau (Bernard Laponche est physicien nucléaire, Benjamin Dessus est ingénieur et économiste) peuvent-ils transformer un doute sur la validité de probabilités théoriques en la certitude d’un accident nucléaire ? Comment deux personnes, peu suspectes d’être analphabètes dans le domaine statistique peuvent-elles écrire l’absurdité qui suit :

La France compte actuellement 58 réacteurs en fonctionnement et l’Union européenne un parc de 143 réacteurs. Sur la base du constat des accidents majeurs survenus ces trente dernières années, la probabilité d’occurrence d’un accident majeur sur ces parcs serait donc de 50 % pour la France et de plus de 100 % pour l’Union européenne. Autrement dit, on serait statistiquement sûr de connaître un accident majeur dans l’Union européenne au cours de la vie du parc actuel et il y aurait une probabilité de 50 % de le voir se produire en France. On est donc très loin de l’accident très improbable.

On remarquera ici que la conclusion « On est donc très loin de l’accident très improbable » semble avoir été écrite comme pour tempérer l’affirmation audacieuse d’une probabilité supérieure à 100 %. Y croient-ils eux mêmes ? Comment un événement pourrait-il être plus que certain ? Comme le fait remarquer Nicolas Gauvrit, on pardonnerait difficilement ce genre de bourde à un élève de Terminale ! Mais cette bourde n’a pas froissé l’intelligence de Libération, ni celle de Politis qui s’est empressé de reproduire la tribune.

Bernard Laponche et Benjamin Dessus  se sont bien gardés de détailler leur calcul, mais c’est sans peine que le mathématicien Étienne Ghys a reconstitué celui-ci :

Depuis l’avènement des centrales nucléaires, on dénombre 4 accidents majeurs de réacteurs (1 à Tchernobyl, 3 à Fukushima) pour l’équivalent de 14 000 réacteurs par an. La probabilité d’un accident est donc de 0,0003 accident par réacteur et par an, en déduisent Laponche et Dessus, qui par extrapolation, déduisent une probabilité d’environ 129 % en Europe, qui compte 143 réacteurs pour les 30 prochaines années :  P= 143 x 30 x 0,0003 = 1,29 = 129 %.

Cela aura échappé à ces brillants savants : ce qu’ils ont calculé n’est pas une probabilité, mais l’espérance mathématique du nombre d’accidents en Europe  au cours des 30 prochaines années compte tenu de probabilité annuelle d’un accident sur un réacteur calculé sur la base des 3 décennies précédentes. En faisant pour l’instant abstraction de la valeur douteuse de cette probabilité de 0,0003, on reconnaît en effet une loi binomiale pour un paramètre n = 4290  (n est le nombre d’ épreuves correspondant aux années/réacteurs) et p=0,0003 (p étant la probabilité d’un accident à chaque épreuve). L’espérance mathématique de cette loi est égale à n x p = 1,29. On devrait donc s’attendre en moyenne à 1,23 accident en admettant que rien d’autre dans le raisonnement de Laponche et Dessus ne soit frelaté. Mais en aucun cas cela ne signifierait la certitude d’un accident nucléaire en Europe. La probabilité d’un accident majeur serait en fait de 72% ; en réalité, 28 % étant la probabilité qu’il y ait 0 accident ;  72 % est la probabilité de l’événement complémentaire 1 accident ou plus, et non pas 1 accident. Certes, je ne doute pas qu’un probabiliste très pointilleux critiquerait l’emploi du terme indépendant dans ce cas, sans doute pas très orthodoxe, comme l’a calculé Étienne Ghys. Le calcul exact aurait de toute façon été suffisamment alarmant : pour quelles raisons Laponche et Dessus ont-ils éprouvé le besoin d’évoquer une absurde probabilité de plus de 100 % ? Ont-ils simplement été aveuglés par le désir de convaincre du danger, au point de ne pas s’apercevoir qu’ils commettaient une erreur grossière ?

Malheureusement, les soupçons ne s’arrêtent pas là. La démonstration vient opportunément quelques mois après Fukushima, et on dénombre désormais 4 accidents de réacteurs au lieu d’un seul. Selon ce raisonnement, la probabilité d’un accident calculée sur 30 ans a été miraculeusement multipliée par 4 en 4 jours, du 11 au 15 mars 2011. Cela ne suffit-il pas à s’interroger sur la valeur de cette probabilité de 0,0003 ?

Raisonner comme le font Laponche et Dessus en nombre de réacteurs touchés, au lieu de compter le nombre d’accidents (1 à Tchernobyl, 1 à Fukushima) permet opportunément  de gonfler la probabilité. Or, ce calcul ne vaut que pour des événements indépendants. Les accidents simultanés des 3 réacteurs de Fukushima ne respectent évidemment pas cette condition d’indépendance, puisqu’ils ont lieu sur le même site et ont une cause unique, le tsunami. Traiter de la même façon statistique l’accident de Fukushima que 3 accidents qui auraient eu lieu à des milliers de kilomètres de distance et à des années de distance en dit long sur la rigueur méthodologique de nos deux experts…

Mais les manquements à la rigueur ne s’arrêtent pas là. Comme le note Nicolas Gauvrit, chaque accident (et même les incidents mineurs) amène à un renforcement de la sécurité des centrales, si bien que calculer une probabilité sur 30 années écoulées pour les appliquer aux 30 années suivantes n’a guère de sens. Et tirer des conclusions sur le parc nucléaire français ou européen à partir de deux événements survenus l’un dans l’URSS en déliquescence, l’autre au Japon frappé par le plus fort séisme jamais enregistré dans ce pays et un tsunami n’a pas plus de sens. Quelle est la probabilité que la centrale de Dampierre-en-Burly soit touchée par un tsunami de 20 mètres de haut ?

Il n’en reste pas moins que deux accidents majeurs ont bien eu lieu, et que personne ne comprendrait qu’on n’en tire pas les leçons dans la politique d’implantation, de sécurisation des sites atomiques etc. Alors, ne faut-il pas suivre Laponche et Dessus lorsqu’ils questionnent : « Plutôt que de continuer à calculer des probabilités surréalistes d’occurrence d’événements qu’on ne sait pas même imaginer (cela a d’ailleurs été le cas pour Three Mile Island, Tchernobyl et Fukushima), n’est-il pas temps de prendre en compte la réalité et d’en tirer les conséquences ? »

Sauf que pour eux, les conséquences étaient tirées bien avant le dernier accident : ils veulent inconditionnellement sortir du nucléaire. D’où la nécessité d’opposer à des probabilités qualifiées de surréalistes (irréalistes aurait été un terme plus adéquat, mais l’emploi de surréalistes n’est sans doute pas innocent) des  probabilités totalement bidons.

Personne ne peut se leurrer sur le fait que des probabilités théoriques sont, par définition, différentes de la réalité. Qui peut douter par contre que toute action qui contribue à diminuer le risque théorique diminue également le risque réel ?

Le message qui ressort de cette tribune est dangereux. À quoi bon en effet renforcer la sécurité des installations, assurer scrupuleusement l’entretien des centrales et un haut niveau de formation de sa main-d’œuvre, renforcer les verrous qui empêchent un incident mineur de dégénérer en catastrophe, si on considère le risque nucléaire comme inhérent à ce mode de production, identique quoi que l’on fasse pour le minimiser ?

En 1972, on dénombrait 16 000 morts sur les routes françaises. Sur la base de l’augmentation du trafic routier depuis lors, Laponche et Dessus auront sans doute calculé que 50 000 personnes meurent en 2012 sur nos routes et de réclamer la sortie de l’automobile pour arrêter le carnage. Or, le nombre réel de tués sur la route est passé sous la barre des 4000. On remarquera que c’est encore par an à peu près l’équivalent de la catastrophe de Tchernobyl sur le seul territoire français. Personne ne réclamera pour autant la fin de l’automobile, mais on mesure au regard de ces bilans respectifs  l’absurdité de demander la sortie urgente du nucléaire.

—-
Sur le web.

Notes :

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  • Ils ont le résultat à trouver (certitude d’un accident nucléaire blabla…) et ils ont arrangé les nombres piqués à gauche et à droite pour y arriver.
    Bref, rien d’autre que de la méthodologie éprouvée de la science post-moderne telle qu’on voit tous les jours dans les papiers d’épidémiologie et de toxicologie, où est le problème ?

  • Laponche et Dessus ont peut-être fait une erreur statistique, lais au moins ont-ils compris, eux, qu’une centrale nucléaire avait vocation à causer un désastre. Quand on lit dans l’article ci-dessus « chaque accident (et même les incidents mineurs) amène à un renforcement de la sécurité des centrales », on ne peut que mourir de rire, avant de mourir tout court dès que EDF aura eu son Fukushima français, qui est hélas inéluctable, sans qu’il y ait besoin de faire des calculs. Les pronucléaires ont juré de nous contaminer tous, quitte à y passer eux-mêmes…

    • A notre très cher Stéphane lhomme qui enfile les affirmations gratuites conne des perles :
      « une centrale nucléaire a vocation à causer un désastre » => sans blague, vous la voyez écritequelque part cette vocation ?

      Quand EDF aura eu son fukushima français, mais bien sûr, jecrois que plusieurs générations de français et bien après la disaprition d’EDf et du parc nucléaire, on attendra encore un tremblement de terre et un tsunami comme à Fukushima.
      A moins que Mr Lhomme est découvert que la France était sur une faille tectonique ???
      Les pronucléaires, tant qu’on y est, on juré aussi d’affamer les gens et de faire mourir de faim tous les bébés, tout en mettant au bucher les femmes après les avoir violer ?

      Décidément, tjrs les mêmes délires sans base scientifique ou logique sérieuse. Ne vous étonnez pas d’avoir disparu des médias français malgré les idées « à la mode » que vous défendez …

  • « Une certitude statistique » : ils ont dû sécher les cours de probabilité. Deux scientifiques, vraiment ?

  • D’ailleurs, Mr Stéphane Lhomme est à la tête de l’observatoire pour le nucléaire, mais quel est sa légitimité à part sa collusuon avec le pouvoir socialiste de l’époque ?

    Mr Lhomme a un dEA de sociologie, il a été prof 10 ans et membre de la ligue communiste révolutionnaire.

    C’est suffisant pour complétement le décrédibiliser, et ce monsieur est à un poste officiel pour lequel il n’a aucunes, strictement aucunes compétences, et pourtant il y est grassement payé !!!

    exemple comme d’autre du socialisme à l’oeuvre en France, n’ayant d’autres buts que le malheur à moyen long terme de tous les français …

    le communisme, cela ne marche pas…

  • Difficile de savoir si c’est vraiment Stéphane Lhomme qui a écrit ça mais ça lui ressemble bien. Laponche et Dessus sortent des statistiques totalement bidons ? Peu importe, « ils savent, eux ». Seuls des journalistes niais peuvent être impressionnés par ce cabotin, pour qui la cause anti-nucléaire est essentiellement le moyen de célébrer le culte de sa propre personnalité. http://stephanelhomme.free.fr/
    Comme José Bové , il a à peu près l’intelligence d’une huître (triploïde bien sûr) …Mais si son cas est désespéré question santé mentale , rassurons concernant sa santé phyique. Il ne va mourir ni de rire ni d’un Fukushima français. Il se verrait sans doute mieux sur un bûcher allumé par le patron d’Areva en personne….

  • StephaneLHOMME : « avant de mourir tout court dès que EDF aura eu son Fukushima français, qui est hélas inéluctable, sans qu’il y ait besoin de faire des calculs »
    ————————————————————
    Cet abruti n’est même pas au courant que la « catastrophe » nucléaire de Fukushima n’a pas causé un seul mort, pas un arbre couché, pas une seule maison détruite.
    Les anti-nucléaires sont vraiment des cas lourds psychiatriques !

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