Ce billet sera l’occasion d’un petit voyage dans le futur. Foin de voitures volantes et de costumes moulants en lycra aux coloris acidulés, il s’agit simplement d’aller voir quelques années dans l’avenir tout au plus. Et ce coup d’œil rapide nous permet, au milieu d’un flot de nouvelles pas franchement réjouissantes, de relativiser un bon coup la situation sociale, économique et politique du monde…
Si l’on fait un tout petit peu attention aux évolutions techniques et technologiques récentes, on ne peut qu’être fasciné par cette impression d’accélération des innovations. On a surtout la sensation que ce qui était du domaine de l’impossible il y a encore vingt ans, ou ce que les experts futurologues estimaient difficile à mettre en œuvre dans ce laps de temps est maintenant réalité ou très proche de devenir banal.
En fait, tout se passe comme l’exprime bien William Gibson, à savoir que le futur est déjà là, mais simplement, il n’est pas distribué de façon égale partout. Et il apparaît clair que les technologies les plus bouleversantes n’en sont encore qu’à leurs balbutiements.
Mais même pour des balbutiements, certaines laissent déjà songeur et l’un des domaines dont on sent déjà tout le potentiel disruptif est certainement celui de l’impression en trois dimensions. J’ai déjà évoqué ce sujet dans des précédents billets, mais la rapidité avec laquelle le domaine se développe m’incite à revenir dessus.
Comme vous pourrez le constater dans la vidéo ci-dessous tirée d’une publication de l’Université Technique de Vienne, les procédés d’impressions atteignent maintenant une précision diabolique puisqu’on tutoie gentiment le micromètre.
Certes, on est encore un peu loin du nanomètre mais avec le micromètre s’ouvre tout de même des perspectives intéressantes notamment dans le domaine médical : on se souvient que, récemment, une équipe avait réalisé l’impression en titanium d’une mâchoire inférieure de remplacement pour une patiente à partir des images acquises par scanner et imagerie médicale en trois dimensions directement transmises à un système d’impression.
Avec l’impression à l’échelle du micromètre, certaines structures fines pouvant servir de support pour des organes humains (notamment lors de leur reconstruction à partir de cellules souches) peuvent être envisagées. Évidemment, on sent que l’impression à des niveaux de finesse croissants n’en est qu’à ses débuts et on peut déjà imaginer l’impression d’objets de grande complexité dans des temps et pour des coûts réduits. C’est d’ailleurs dans cette dernière mesure que les progrès réalisés sont les plus spectaculaires : le procédé, au début réservé à des labos de recherche et des cas très spécifiques, gagne à présent le domaine industriel.
Et cette réduction des coûts des technologies et son corollaire, leur apparition pour le grand public, permet d’envisager des solutions économiquement viables à des problèmes dont souffre l’Humanité depuis un petit moment, comme, par exemple, la réparation ou le remplacement des organes défectueux. Pour ce dernier cas, je suis tombé sur l’article suivant qui présente l’histoire du cœur à turbine : un organe mécanique qui n’a pas de pulsation, mais qui a prouvé sur les dix dernières années et les quelques milliers de cas où il a été installé qu’il pouvait remplacer purement et simplement un muscle cardiaque défaillant.
Ayant reçu en 2008 son approbation par la FDA américaine (en charge notamment d’autoriser ou pas les traitements médicaux sur le territoire américain), la paire de turbine a été implantée dans une dizaine de milliers de patients. Petit à petit, plusieurs cas ont été découverts de patients pour lesquels le cœur organique s’était complètement arrêté, sans pour autant que le patient lui-même n’éprouve de gêne : tant que leur pompe mécanique est alimentée (par une batterie de la taille d’un walkman, extérieure au corps), leur vie peut continuer sans entrave.
Dès lors, l’utilisation de cette paire de turbines est maintenant envisagée en remplacement complet du cœur malade.
Et pendant que les machines envahissent doucement notre corps, d’autres machines, encore moins chères, encore plus nombreuses, envahissent tranquillement notre espace. Ici, je veux bien sûr parler des drones.
Oh, il ne s’agit pas ici des gros engins radiocommandés destinés à pilonner d’obscurs talibans dans des contrées reculées (ou des talibans reculés dans d’obscures contrées, ça marche aussi), mais plutôt de ces petits engins dont on peut se procurer un exemplaire pour quelques dizaines ou centaines d’euros. L’exemple type est le Parrot, quadrimoteur oscillant entre le jouet et le petit engin d’étude, se négocie autour de 300€ (et des versions moins évoluées sont trouvables en dessous des 100€).
Eh bien ces engins, aussi simples soient-ils, portent en eux les germes d’une révolution sociétale majeure. Un récent article de Slate évoque justement tant les drones que cette révolution à venir, qu’on peut résumer ainsi : puisqu’ils sont bons marchés et capables de prouesses de plus en plus impressionnantes, il n’est pas loin le moment où ces drones, assemblés en nuées, seront capables de réaliser des tours de force.
Le principe même d’une foule d’engins est calqué sur celle d’une multitude d’insectes ou d’oiseaux. La différence ici est que cet essaim de drone peut être contrôlé, non pas individuellement, mais en groupe, et assigné à une tâche dont la complexité va croissant. Pour le moment, comme en témoignent les quelques vidéos de la Pennsylvania University, on leur fait réaliser des petites missions simples (travailler en groupe pour porter un objet et le déposer un peu plus loin).
Mais il semble évident que des centaines ou des milliers de ces drones, correctement programmés, contrôlés et organisés, pourront se voir assignés à des chantiers un tantinet plus grandioses. On imagine ici sans mal les milliers d’applications possibles, tant dans l’aspect constructif (immobilier, grandes réalisations architecturales, nettoyage des canalisations, l’entretien ménager, dans l’aide en cas de cataclysmes divers, …) que dans des aspects moins positifs (combat, surveillance, répression, …).
A la clef, on comprend que cette technologie apportera inévitablement des bouleversements tant dans les emplois concernés que dans la façon dont les peuples se protègeront ou s’organiseront eux-mêmes ou entre eux. Tout comme les téléphones portables et les technologies de l’information ont envahi notre monde (y compris les pays les plus pauvres), vous pouvez parier que les technologies que j’ai présentées ici gagneront toute la planète au moins aussi vite.
Une chose apparaît évidente en tout cas : les politiciens qui nous gouvernent, qui comprennent déjà si mal leur environnement, vont se retrouver, comme nous tous, propulsés dans les prochaines années (quelques décennies, tout au plus) dans un monde qu’ils n’auront pas eu le temps de réguler.
Et rien que pour cela, ces décennies mériteront la peine d’être vécues.
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Sur le web
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