Régulièrement de faux naïfs s’étonnent qu’on fasse tant de bruit autour de la dette publique belge. Pour un ménage de classe moyenne qui achète son logement à crédit, un endettement de l’ordre de 300% des revenus est tout à fait supportable. Pourquoi alors s’énerver autour d’une dette d’à peine 100% du PIB ? Et bien soit, comparons donc la situation de notre beau (mais froid) pays avec celle d’un ménage.
Par Pasm, depuis Bruxelles, Belgique.
Régulièrement de faux naïfs s’étonnent qu’on fasse tant de bruit autour de la dette publique belge. Pour un ménage de classe moyenne qui achète son logement à crédit, un endettement de l’ordre de 300% des revenus est tout à fait supportable. Pourquoi alors s’énerver autour d’une dette d’à peine 100% du PIB ? Et bien soit, comparons donc la situation de notre beau (mais froid) pays avec celle d’un ménage.
On considère habituellement qu’un foyer ayant un revenu de 60.000 euros par an, soit 5.000 euros par mois, peut allouer au remboursement de son prêt 1/3 de ses revenus, soit 1666 euros / mois. Avec un taux fixe à 20 ans de 4,90% (offre Dexia), il peut emprunter jusqu’à 250.000 euros, soit 416% de ses revenus annuels. La situation parait saine et la Belgique pourrait encore emprunter énormément avant d’être en difficulté…
Mais
1. On parle toujours de la dette comme d’un pourcentage du PIB. C’est sûrement très intéressant, mais le PIB ne correspond pas aux revenus de l’État belge. Malgré le désir effréné de certains de tout nous piquer, l’État doit se contenter à ce jour de la moitié du PIB. La dette belge est donc de l’ordre de 200% des recettes annuelles !
Ça change un peu la perspective, mais admettons que, jusque-là, il n’y a pas encore de quoi fouetter un chat.
2. À la différence de notre couple, le gouvernement admet structurellement un déficit public annuel. Quand on parle de “retour à l’équilibre”, on parle en réalité d’un retour aux normes européennes, c’est-à-dire d’un déficit annuel de moins de 3 % du PIB, soit 6% des revenus de l’État. Pour notre ménage, le même équilibre signifierait un déficit annuel de 3.600 euros par an. Et en réalité, ce déficit est l’objectif du nouveau gouvernement. Les 11 milliards d’austérité, c’est juste pour rattraper cette fameuse norme 3 %. Car le déficit réel est de l’ordre de 9% du budget. (16 milliards en 2010) soit 5.400 euros /an pour notre couple. Imaginez la tête de votre banquier quand vous allez lui expliquer que, en faisant tout votre possible, avec un scénario optimiste et si tout va bien, vous arriverez à diminuer de moitié votre déficit annuel.
Bon, admettons encore une fois, que ce soit un problème annexe qui se réglera tout seul par le retour magique de la croissance.
3. Notre gentil petit couple est en déficit, mais, sa situation n’est pas encore en péril parce qu’il offre quelque chose comme garantie, sa maison. Si jamais les accidents de la vie devait les rendre incapables de payer leurs traites, la maison pourrait être vendue et le prêt serait remboursé, offrant un nouveau départ à ce couple. Rien de comparable dans le cas de l’État. Certains expliquent doctement que l’épargne des belges suffit à rembourser la dette et que les investisseurs ne doivent donc pas s’en faire. Outre que ce propos me fait terriblement peur -certains pensent donc réellement à saisir les comptes d’épargne-, il est complètement faux. (source page 10) Certes, l’encours des comptes d’épargne et des comptes à vue, représente environ 300 milliards. Nous ne sommes pas loin des 355 milliards de la dette belge. Mais c’est oublier le passif du bilan des Belges, et en particulier les emprunts hypothécaires, qui se montent à 200 milliards d’euros. Quant aux autres actifs financiers, qui sont principalement de actions, des obligations et des produits structurés sur ces deux catégories, leur valeur dans un pays où on nationalise les comptes bancaires va se rapprocher de zéro. On ne peut donc pas compter dessus. L’État ne présente donc aucune garantie à ses bailleurs de fond.
Bon, admettons encore une fois que ce n’est pas grave et que, le cas échéant, l’État pourra toujours confisquer vos biens immobiliers pour satisfaire ses créanciers.
4. Enfin, le dernier élément qu’on oublie systématiquement, c’est la duration du prêt. Tout qui achète une maison sait qu’il doit comparer les prêts à 10, 20 ou 30 ans avant de se décider. Plus le prêt est court, plus les taux d’intérêts sont faibles, mais les mensualités élevées. Dans le cas de l’État belge, la duration moyenne est de 5 ans ! (source) Si notre couple avait emprunté à 5 ans, comme l’État, ses mensualités seraient de 4.700 euros par mois soit 94% de ses revenus. Sur une durée aussi courte, il ne peut emprunter en réalité que 85.000 euros, soit 140 % de leurs revenus annuels. S’ils empruntaient 200 %, comme l’État aujourd’hui, il devrait débourser 45% de leurs revenus en mensualités. Intenable bien sûr.
L’État est donc un débiteur qui n’offre aucune garantie, qui vit systématiquement au-dessus de ses moyens et qui est déjà surendetté. Les organismes américains de crédits hypothécaires ont un nom pour désigner les ménages dans la même situation : “subprime”
Soyons de bon compte, j’ai introduit un biais dans mon raisonnement. Les mensualités d’un couple ordinaire sont composées pour partie d’un remboursement du capital. Quant à lui, l’État se contente de payer les intérêts, ce qui rend sa situation à peu près supportable. J’entends bien l’argument et il est fondé, mais il met tout simplement en évidence le fait que la Belgique ne remboursera jamais sa dette. Je le dis depuis le début ! la Grèce ne remboursera pas, la Belgique ne remboursera pas, l’Allemagne ne remboursera pas et les États-Unis même ne rembourseront pas leur dette. Aucun pays occidental n’a l’intention de rembourser sa dette !
Imaginons maintenant que, pris par une sorte de morale si éloignée de leur nature, les politiciens décident néanmoins d’honorer leurs promesses et d’assumer leurs engagements. Combien cela coûterait-il ?
Oublions déjà l’idée de rembourser l’entièreté de la dette à l’échéance, c’est à dire dans les 5 ans. Et imaginons qu’on transforme le tout (355 milliards) en du papier à 30 ans aux taux actuels (MM200 à 4,66) qu’on rembourse selon un plan standard à mensualité constante.
Je sors ma calculette et j’obtiens le résultat suivant.
1.832.000.000 par mois
Soit environ 22 milliards par an ! Auxquels il faut ajouter la disparition réelle du déficit budgétaire, soit 16 milliards de plus par an.
Soit, au final, 38 milliards par an (22 % des recettes de l’État) pendant 30 ans.
Quand on voit la dureté des mesures nécessaires pour lever 11 milliards d’euro si tout va bien, à quoi peut-on s’attendre pour en lever 38 à coup sûr pendant 30 ans ? Aucun gouvernement démocratique n’est capable d’imposer cela à ses électeurs. Pour faire aboutir un programme pareil, il faut au moins un Pinochet, peut-être un Staline.
Qui est prêt à abandonner ses libertés fondamentales pour rembourser la dette ? En tout cas, pas moi !
NB: Dans ce calcul, je n’ai tenu compte que de la dette officielle. Les promesses de pensions constituent une dette cachée qui triple le montant final. Dormez tranquilles, braves gens…
—-
Sur le web
RT @Contrepoints: Oui la dette publique est un vrai problème!: http://t.co/jrG1HOLQ
RT @Contrepoints: Oui la dette publique est un vrai problème!: http://t.co/jrG1HOLQ
L’annulation de la dette publique aboutira tout aussi sûrement à un régime politique violent et meurtrier, conséquence inéluctable lorsque l’immoralité est érigée en norme de la vie politique.
On ne peut pas voler ses créanciers sans les tuer, comme on ne peut pas spolier toute une population sans la mettre en esclavage.
L’annulation de la dette publique revient à renoncer à la vie, à la liberté et à la propriété.
Quel que soit le pays, il n’y a pas d’alternative au recul progressif mais permanent des dépenses publiques, accompagné d’un équilibre budgétaire fermement tenu, y compris le remboursement du capital, l’effort étant adouci par le jeu naturel de l’inflation.
Il y a même un effet vertueux à l’équilibre budgétaire. Le résidu de dettes publiques, même après une conversion de durée et de taux d’intérêt (quasi nul), deviendra en effet un placement d’autant plus recherché que la parole publique sera confortée et que la rareté du produit financier augmentera.
Sous condition d’équilibre budgétaire et du renoncement de l’Etat à tout recours à la dette, le remboursement de la dette actuelle est tout à fait possible, sans crise, sans catastrophe, sans effort insupportable. Il n’est pas trop tard pour s’y atteler.
Mon Dieu ! La Grèce va tuer ses créanciers ! Mais tu tiens là un scoop ! Vite, il faut prévenir les médias avant le bain de sang !
Déjà 4 morts violentes depuis 2010, comme par hasard dans des banques :
http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2010/05/05/04016-20100505ARTFIG00391-la-grece-paralysee-les-salaries-dans-la-rue.php
« mais le PIB ne correspond pas aux revenus de l’État belge »
——–
?? Ah bon ? Pourtant j’étais persuadé du contraire:
–>
http://www.youtube.com/watch?v=4xUJr2iyBs4
.
En train de lire « Oui, la dette publique est un vrai problème ! » http://t.co/mcILzOdU via @Contrepoints
Le point 4/ fait se poser de vrais questions sur les capacités intellectuelles de l’auteur. Les états se financent évidemment avec des crédits in finé.
Mes déficiences intellectuelles récurrentes m’empêchent d’ailleurs de comprendre le sens et la portée de ta remarque.
Intéressant
Un cours sur le PIB et le budget pour tous, mais surtout pour Melchior Wathelet, ancien ministre du budget
Les commentaires sont fermés.