Pendant près de deux décennies, les entreprises ont profité d’un environnement où citoyens et politiciens ont dépensé sans compter. Et consommé à crédit comme si demain n’existait pas. Mais les entrepreneurs d’aujourd’hui vont devoir se débrouiller dans un environnement bourré de pièges.
Par David Descôteaux, depuis Montréal, Québec.
Je parlais récemment à un ami. Il est cadre dans une entreprise qui fabrique du mobilier de bureau haut de gamme. La crise de 2008 l’a forcé à rendre plus lean sa chaîne de production. Lean comme dans : pas une once de gras ! “J’ai dû slaquer le tiers des employés. On a même réduit la surface de l’usine pour en louer une partie. On réussit à produire autant, mais on fait plus d’argent avec la partie libérée en la louant !”
Oubliez les histoires de reprise. C’est encore tough pour les entreprises québécoises. Et pour nos entrepreneurs, ça risque d’être un sacré défi de naviguer dans les eaux troubles de demain.
Le flambeau passe
Rémi Marcoux, fondateur de Transcontinental avec deux associés, s’est officiellement retiré il y a quelques jours. Son départ marque un autre pas dans la transition du Québec inc. Le “vieux” Québec inc. laisse tranquillement la place aux nouveaux entrepreneurs. Sans rien enlever aux patrons d’hier, ni aux défis titanesques qu’ils ont eu à relever, j’ai l’impression que ceux d’aujourd’hui vont devoir se débrouiller dans un environnement bourré de pièges.
Pendant près de deux décennies, les entreprises ont profité d’un environnement où citoyens et politiciens ont dépensé sans compter. Et consommé à crédit comme si demain n’existait pas. En 2008, tout a basculé.
Comme le soulignait cet été la firme McKinsey, le party est fini. Le processus de désendettement des consommateurs et des gouvernements ne fait que commencer. Et il sera long. En conséquence, la croissance économique sera plus faible dans les années à venir. Pendant combien de temps ? Historiquement, les épisodes de désendettement traînent 6-7 ans, selon les consultants de McKinsey. Mais comme la montagne de dettes atteint aujourd’hui un sommet dans plusieurs pays, revenir à un niveau soutenable d’endettement risque de prendre plus de temps.
C’est juste une intuition, mais j’ai l’impression que les voyages dans le sud et les forfaits golf seront difficiles à vendre aux prochaines cohortes de retraités… Eux qui n’auront presque rien mis de côté pour leurs vieux jours, si ça continue comme ça.
Du sable mouvant
Ça veut dire quoi pour les PDG ? Pendant cette ère de désendettement, ils vont devoir relever plusieurs défis, note McKinsey. Le crédit sera plus rare et plus coûteux, ce qui va remettre en question plusieurs modèles d’affaires. Et surtout, les ménages surendettés vont changer leurs habitudes de consommation. Les gestionnaires devront se montrer flexibles pour s’adapter à ces changements. Ajoutons au portrait la mondialisation, qui devient de plus en plus féroce…
Bref, non seulement faut-il se battre avec la concurrence en face de vous, mais plus que jamais, il faut se méfier de l’arène dans laquelle se déroule le combat. Les murs bougent, et le sable devient mouvant.
On aime dire que les artisans du Québec inc. furent des bâtisseurs. Leurs dauphins devront se retrousser les manches, et redoubler d’imagination pour atteindre le même succès.
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