Le keynésianisme a-t-il sauvé l’Amérique ?

Expliquer la relative bonne santé de l’économie américaine par la relance keynésienne est irrationnel

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Le keynésianisme a-t-il sauvé l’Amérique ?

Publié le 22 février 2012
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Économiquement, les États-Unis se portent moins mal que la vieille Europe et surtout que la zone euro. Il n’en fallait pas plus pour qu’on vante la politique subtile du président Obama, appliquant la vulgate keynésienne. Pourtant, expliquer la relative bonne santé de l’économie américaine par la relance keynésienne est irrationnel.

Par Jean-Yves Naudet, publié en collaboration avec l’aleps

Ni l’Amérique ni la zone euro ne se portent bien. Mais une analyse des principaux résultats économiques montre que les États-Unis s’en sortent mieux que l’Europe : c’est clair pour le chômage et la croissance. Il n’en fallait pas plus pour que les « spécialistes » encensent la politique de relance d’Obama et de la Fed, sur les plans budgétaire et monétaire. Autrement dit, le keynésianisme aurait sauvé l’Amérique.

Rien n’est plus faux, car l’Europe a au moins autant relancé et les pays d’Europe qui s’en sortent le mieux sont… ceux qui ont le moins relancé. Il faut donc chercher des explications ailleurs.

 

L’Amérique s’en sort mieux, vive Obama !  

Comment se porte l’Amérique ? Plutôt mal, comme tous les pays développés, comme le Japon ou l’Europe. Mais moins mal que la vieille Europe et surtout que la zone euro. C’est le cas en matière de croissance. Celle-ci n’a cessé de progresser tout au long de l’année 2011 aux États-Unis : 0,4 % au premier trimestre, 1,3 % au second, 1,8 % au troisième, 2,8 % au quatrième.

La zone euro devrait être à 1,5 % pour l’ensemble de l’année 2011 et la France à 1,7 %, mais avec un profil inverse : la production n’a fait que ralentir.

Et les prévisions pour 2012 donnent le coup de grâce : le FMI prévoit 1,8 % pour les États-Unis, contre un recul de 0,5 % pour la zone euro, qui sera en récession.

Il n’en fallait pas plus pour qu’on vante la politique subtile du président Obama et de Ben Bernanke, appliquant l’un et l’autre la vulgate keynésienne : quand l’économie va mal, il faut relancer par le budget (augmenter les dépenses publiques, faire exploser le déficit et la dette) et pratiquer une politique monétaire laxiste (taux d’intérêt quasi-nul et création massive de monnaie, y compris en rachetant de la dette publique). C’est ce qui a été fait, surtout depuis 2009.

En année électorale, cela tombe bien : les observateurs nous expliquent qu’Obama a sauvé l’Amérique et sera réélu face aux Républicains qui, non seulement se battent entre eux (c’est la logique des primaires), mais qui de plus n’auraient pas de compétence économique, demeurant attachés aux vieilles lunes classiques du genre : laissez faire les entrepreneurs, réduisez l’État, ses impôts et ses réglementations, maîtrisez l’émission de monnaie et autres principes qui passent pour des balivernes aux yeux de la société éclairée des Démocrates.

 

Le keynésianisme a toujours échoué 

Les Démocrates mettent toujours en avant le succès historique de Roosevelt et du New Deal.

La vraie histoire est tout autre : le New deal a aggravé la crise, et l’Amérique s’est retrouvée en univers socialiste, avec une planification naissante, des banques nationalisées, un protectionnisme total. En fait, la guerre est passée par là et a constitué comme un rideau empêchant de voir la réalité des années Trente. En sens inverse, les politiques libérales d’action sur l’offre et de baisse des impôts, visant à agir sur les incitations à produire et entreprendre, à travailler et à investir, aux États-Unis (Reagan en tête) et ailleurs, ont créé les conditions favorables à une croissance durable et soutenue.

Si l’on regarde la situation actuelle, expliquer la relative bonne santé de l’économie américaine par la relance keynésienne est irrationnel. Si c’était vrai, la zone euro serait championne du monde de la croissance. La crise des dettes souveraines montre que c’est en Europe qu’on a le plus relancé, avec des déficits publics proportionnellement supérieurs à ceux des États-Unis. Au grand jeu keynésien de la relance, la Grèce, l’Espagne, l’Italie ou le Portugal devraient avoir une croissance à la chinoise !

Or, selon le FMI, il y aura récession dans tous ces pays, avec un recul de 2,2 % en Italie et de 1,7 % en Espagne en 2012. Comment les keynésiens peuvent-ils expliquer que le pays qui a le moins relancé en Europe, l’Allemagne, a eu la meilleure croissance en 2011 ?  

 

Le chômage augmente avec les relances 

On objectera que d’autres variables comptent, à commencer par le chômage.

C’est vrai : par exemple, le chômage recule aux États-Unis. Le taux y était de 9,7 % en janvier 2010, de 9 % en janvier 2011 et de 8,3 % en janvier 2012. Le secteur privé a créé 257 000 emplois au cours du seul mois de janvier. Nouveau triomphe de la relance ? Nicolas Lecaussin a excellemment montré dans un article publié par l’IREF qu’il n’en était rien. D’abord, d’autres pays ont relancé tout autant, à commencer par la France, et le chômage ne cesse d’y progresser : nous voilà à 9,8 %, chiffre le plus élevé depuis 2008, en dépit de quatre ans de relance. Mais que dire de l’Espagne, où le chômage a dépassé les 20 % ?

En Europe, quand il a lieu, le recul du chômage n’a rien à voir avec l’intensité de la relance, mais avec l’intensité des réformes du marché du travail. C’est donc en Allemagne, au Danemark, aux Pays-Bas ou en Suède que le chômage est le plus bas. Le keynésianisme n’y est pour rien. En comparant les États-Unis et la France, Nicolas Lecaussin montre bien deux grands pays rapprochés par les politiques keynésiennes, et que la vraie différence, depuis des années, vient du fonctionnement du marché du travail et de la liberté d’entreprendre.

 

La France victime de son modèle social 

C’est donc bien du côté des différences structurelles que se font les écarts entre pays. Un pays dont le contexte institutionnel est libéral peut résister aux méfaits du keynésianisme.

Aux États-Unis, le taux d’activité est supérieur à celui de la France : les Américains travaillent plus, sans doute parce que sans travailler ils ne peuvent vivre correctement.

En France, on rêve de partager le travail et de diminuer les heures hebdomadaires. En France le taux de chômage des jeunes est le double de celui que l’on observe aux États-Unis (25 % au lieu de 16 %) parce que les barrières à l’entrée sur le marché du travail (SMIC, scolarité prolongée, faiblesse de l’apprentissage) sont plus importantes. La durée du chômage de longue durée est de 65 semaines en France et de 21 semaines aux USA : trois fois moins. Plus il est facile de licencier, plus les entreprises embauchent, ce qui réduit la durée du chômage. Plus il est dur de licencier, plus on hésite à embaucher dans une période incertaine.

Conclusion de Nicolas Lecaussin : l’économie française est victime de son modèle social, et le succès américain n’a rien à voir avec le keynésianisme. Il se fait en dépit des déficits et aurait été meilleur sans eux. « Les facteurs de la reprise sont toujours les mêmes » ajoute N. Lecaussin : « la totale flexibilité du marché du travail, et la volonté de travail et de promotion sociales de la population ». Chez nous, l’ascenseur social est bloqué par l’assistanat et un État providence à bout de souffle.

Si l’Allemagne s’en sort mieux que la France, c’est parce qu’elle a dix points de moins de dépenses publiques et qu’elle a courageusement réformé le marché du travail. Les États-Unisparviennent à digérer la crise économique parce que l’ère Reagan a laissé des traces profondes qui ont permis de compenser les relances keynésiennes d’Obama.

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  • Il ne faut pas prendre au pied de la lettre les chiffres américains du chomage qui ne tiennent compte que des chomeurs indemnisés. La période d’indemnisation des chomeurs étant beaucoup plus courte qu’en europe, nombreux sont ceux qui sortent des statistiques. Par ailleurs les chiffres sont contredits par exemple par l’allongement de la durée du chomage et par la baisse du taux d’emplois.

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