Le web n’a pas tué la presse papier. Elle s’est suicidée.

En acceptant des subventions, la presse traditionnelle est devenue médiocre et s’est suicidé.

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Le web n’a pas tué la presse papier. Elle s’est suicidée.

Publié le 6 janvier 2012
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« Dispose d’une forte marge de progression » : c’est ainsi qu’on qualifiera la presse française actuellement, et plus généralement, c’est de cette façon qu’on pourra décrire les performances journalistiques quotidiennes dans la République du Bisou Tranquille. Il ne se passe en effet pas une journée sans qu’un titre hasardeux, un article approximatif ou un reportage consternant ne viennent égayer la journée d’un honnête homme ; trois minutes d’un journal télévisé d’une des grandes chaînes nationales, quelques feuilles d’un quotidien frémissant de professionnalisme chichement dosé redonnent au citoyen parfois un peu abattu ce sentiment joyeux que non, finalement, il n’est pas une sous-merde et qu’il existe bien pire que lui.

J’avais d’ailleurs fait état de la médiocrité de cette presse dans de précédents billets, dans lesquels je notais par exemple que le prix au poids de la presse quotidienne était très défavorable au lectorat français ; j’ai aussi remarqué que, conséquemment, ce lectorat, probablement lassé de payer cher (deux fois) un piètre produit s’en détournait progressivement.

À l’époque, j’avais d’ailleurs fait le constat lucide que les organes de presse, moribonds, remuaient encore un peu et que seul un vigoureux élan citoyen, consistant à se désabonner massivement, permettrait de mettre fin à l’agonie une fois pour toute. Je renouvelle ici cet appel : n’achetez plus ces étrons que sont lentement devenus Libérassion, Le Môônde ou Le Figlaro. Leur parti-pris, leur absence quasi-assumée d’éthique et de recul, leurs sujets abrutissants, leur traitement rigologène de l’actualité et la morgue insupportable doublée d’une fine couche de mépris hautain que leurs journalistes vedettes utilisent régulièrement pour s’autoriser leurs lamentables performances justifient largement votre désabonnement et la faillite complète de ces monuments de mauvais goût.

Pignouferies de presse

Jusqu’à présent, cependant, ces organes avaient persisté tant dans leurs sales habitudes de se croire De Quälitay que dans celles de se croire aussi Les Seuls Professionnels À Avoir Leur Mot À Dire, en cachant malhabilement la fuite de leur lectorat derrière une explication aussi simple qu’à la mode : le oueb, la presse gratuite, et pire, la presse gratuite sur le oueb.

Petit à petit, cependant, il apparaît que le voile pudique qui déguisait la réalité de l’effondrement de la presse française se déchire au détour de petits articles … de la presse en ligne justement. On sent poindre un aspect particulièrement moqueur derrière cette révélation mais c’était prévisible : puisque la presse gratuite et en ligne sert largement de bouc émissaire pour expliquer les déboires des dépotoirs à articles mal boutiqués que sont devenus les grands journaux nationaux, elle a fini par enquêter pour voir à quel point elle était effectivement responsable de la situation.

Et le constat est un peu plus pastel que ce que voudraient nous faire croire des journalistes traditionnels bien en peine de nous expliquer leurs privilèges sans faire une faute d’orthographe, des phrases alambiquées ou de pathétiques erreurs de grammaire : la presse papier doit une très grande partie de sa déconfiture … à elle-même, avant tout.

(Ici, le lecteur régulier ne sera pas étonné – Le journaliste traditionnel, arrivé ici par hasard, entre deux cafés syndicaux et un petit brin de causette à la standardiste en stage fraîchement arrivée, vient de louper une systole.)

On apprend ainsi que le déclin de la presse quotidienne, nationale ou régionale, ne peut effectivement dater de l’arrivée de la presse gratuite on-line puisque ce déclin s’est amorcé, en gros, dès les années 70 pour ne plus s’arrêter depuis : entre 1945 et 2005, seize quotidiens nationaux plient proprement et le tirage global de la presse recule de 59%.

Non, le web n’y est pour rien. Mieux : il serait en réalité un « décélarateur » de la tendance générale, puisque la perte de lectorat s’est réduite ces dernières années avec l’arrivée de ces mêmes quotidiens sous forme électronique…

En fait, je le redis plus simplement : si la presse quotidienne est de moins en moins lue, ce n’est pas à cause de la concurrence des gratuits (aussi mauvais) et de la presse en-ligne, mais c’est simplement parce qu’ils sont suffisamment pourris pour ne plus attirer le lecteur, avant tout. L’arrivée de l’électronique a simplement permis de révéler la médiocrité de la presse française, mais n’est pour rien ou à peu près dans sa lente disparition.

En revanche, les subventions assez massives dont dispose la presse expliquent assez bien ce qu’on observe : ronronnement des gros quotidiens, assommés par l’opium facile de la manne publique qui tombe sans qu’on ait à se remettre en cause, multiples privilèges des journalistes rapidement habitués à en faire le moins possible, et, en fin de chaîne, des coûts ridiculement élevés de production engendrés par un syndicalisme mafieux de la CGT qui n’a rien à envier aux flibustiers éhontés de SeaFrance ou de la SNCM.

On pouffera donc en lisant les atermoiements de nos journalistes des grands quotidiens nationaux qui pleurent sur leur triste sort sans rien vouloir changer et mettent sur le compte d’une méchante concurrence leurs déboires indescriptibles.

Parallèlement, on apprend que Médiapart serait rentable. C’est assez intéressant parce que ce média est un impure-player : presse résolument en ligne, électronique et virtuelle, elle se nourrit essentiellement des abonnements, ce qui laisse supposer un business-model tenable sur le long terme, mais aussi de la bonne grosse subvention étatique (d’où le « impure »). Les prochaines années, qui verront assez probablement l’organe se détacher du lot ou retomber dans les travers développés par ses grands frères de la presse traditionnelle, permettront de trancher sur l’impact de ces subventions dans la qualité de la production… Le libéral sait que si ces subventions sont indispensables à Mediapart pour équilibrer son budget, il finira en quenouille.

Au passage, on rappellera que l’expérience Rue89, média tout aussi impure-player que le précédent (et, bizarrement, tout aussi à gauche politiquement), s’est soldé récemment par son rachat par un gros groupe joufflu à la solde du méchant capitalisme ce qui n’a absolument pas dérangé le trotskiste Pierre Haski, qui a probablement dû toucher un petit paquet de brouzoufs au passage, ce qui le mettra définitivement à l’abri du prolétariat dont il nous entretiendra pourtant encore longtemps.

Là encore, l’avenir permettra de connaître tout le bénéfice qu’on peut retirer de la subvention, des privilèges et des habitudes…

Mais en attendant, on pourra tout de même se satisfaire de cette conclusion d’étape : non, le web n’a pas tué la presse papier. En acceptant toutes ces subventions, elle s’est suicidée.
—-
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  • Quand on y pense, c’est beau, pour la presse papier française, au bout du compte, de connaître le même destin qu’Allende.

    Ça m’émeut.

  • H16 vous avez parfaitement raison. Bravo pur cette analyse.

  • Il me semble qu’il n’existe qu’une école de journalisme.
    Dans une optique libérale, il en faudrait plusieurs. Peut-être qu’ils n’auraient pas tous le même point de vue.

    • Pas sûr, ce sont les mêmes mafias que les syndicats de Seafrance. Pour avoir du boulot, l’impétrant doit prouver sa « compétence » à écrire le même papier ronronnant que ses confrères de la confrérie. Les mêmes mots, les mêmes idées, et ne pas dépasser.

    • Tu veux dire qu’en plus ils doivent réfléchir!

  • En attendant la presse web progresse inexorablement, comme votre pure player préféré désormais disponible sur iOS (iPhone, iPod, iPad) :

    http://itunes.apple.com/fr/app/contrepoints/id491703741?mt=8

  • Tristement vrai. L’esprit critique a détalé tellement vite qu’on ne l’a pas vu passer. A présent, les journalistes se gargarisent de pseudo-sciences, demandent l’avis « d’experts » auto-proclamés et ont totalement oublié de faire un véritable travail d’investigation, loin du populisme dans lequel ils se vautrent. Et ça va effectivement dans le sens de notre société dégoulinante de mièvrerie où il ne faut surtout pas caresser l’individu à rebrousse-poils, par crainte de le traumatiser à vie et l’envoyer fissa chez son gourou préféré. Si on ne lit que la presse papier, on peut être certain de ne pas trop avoir besoin de réfléchir et, surtout, d’être un brave mouton au milieu du troupeau bêlant. Et après, on s’étonne que l’opinion publique soit contre les OGM, les antennes-relais, le nucléaire, mais en faveur de l’homéopathie et de tous les charlatanismes qui vont avec.

  • Excellent comme d’habitude

  • La mine réjouie de Pierre Haski de Rue 89 sur la vidéo et la sonorisation par Money : on ne s’en lasse pas !

  • Cher H16, j’ai carrément éclaté de rire au passage « …sous-merde… ». Ca fait du bien , d’autant que pour le reste, c’ est désespérant de lucidité. Côté hyper-positif: le web nous permet d’exister malgré -eux. Il me souvient qu’il y a trente ans, fondant et dirigeant une revue bretonne, je me dépatouillais chez l’imprimeur pour bricoler les maquettes, mes petits camarades se dévouaient pour distribuer, malgré l’hostilité de Ouest-Torch’ et du Télégramme…Maintenant, nous sommes des milliers à pouvoir nous exprimer sur le Net. Arriba libertad!

  • mediapart est probablement rentable parce qu’il n’a pas de concurrents.les subventions de l’etat a la presse sont plus un moyen de s’assurer du ton « raisonnable » des quotidiens.le monde ou libération restent des quotidiens intéressants a lire a condition de savoir décoder et de ne pas prendre pour argent comptant tout ce qu’ils racontent

  • de toutes façons, la presse est inféodée, ce qui n’est pas une surprise. Je me demande à qui h16 est inféodé lolololol.

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