Les pays arabes entre islamisme et gérontocratie

Dans le monde arabe, la démocratie est prise en tenailles entre un islamisme menaçant et des élites vieillissantes qui s’accrochent au pouvoir

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Les pays arabes entre islamisme et gérontocratie

Publié le 9 décembre 2011
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Le monde arabe n’est pas au bout de ses peines. La démocratie y est prise en tenailles entre un islamisme menaçant et des élites vieillissantes qui s’accrochent au pouvoir.

Un article de Marc Crapez, publié originellement dans Les Échos

Les récentes élections marocaines ont fait une nouvelle fois ressortir que la principale force politique dans les pays arabes est l’islamisme. Et les élections partielles en Égypte n’ont pas tardé à confirmer cette tendance…

Ces partis islamistes peuvent-ils être comparés aux partis démocrates-chrétiens ?

Les partis démocrates-chrétiens européens étaient des partis démocrates et défensifs. Ils voulaient sauvegarder les valeurs chrétiennes face au rouleau compresseur d’une laïcité triomphante, concilier le christianisme et les Lumières. Ils étaient encadrés par une sécularisation de la sphère religieuse dans un espace démocratique.

Les partis islamistes n’ont donc rien à voir avec les partis démocrates-chrétiens auxquels on les compare abusivement. Car le prosélytisme de l’islam n’est pas limité.

Au contraire, des pratiques facultatives sont rendues obligatoires. Personne ne conteste cette surenchère, de peur de passer pour un mauvais élément. En témoigne l’incitation à échanger, au cours des rencontres quotidiennes, des formules rituelles prononçant le nom d’Allah. Autre exemple, une mère de famille tunisienne observe que les filles ont été séparées des garçons dans un cours de Coran à l’école : « Aucune loi ne l’exige. Les gens le décident eux-mêmes ».

Les totalitarismes du XXe siècle nous ont appris qu’une minorité déterminée peut s’arroger le pouvoir en effrayant la société. Un beau matin, il est déjà trop tard…

 

Exemplaire, la Turquie ?

La Turquie passe pour un modèle démocratique alors qu’elle n’est ni un modèle reproductible ni une démocratie achevée.

Son Premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, bénéficie d’une étrange complaisance des mêmes commentateurs qui sont intraitables envers Poutine. La Turquie connaît pourtant son cortège de livres censurés, de prisonniers torturés et de meurtres non élucidés. En 2004, Erdogan a fait condamner à une lourde amende un caricaturiste qui l’avait croqué en chat patelin.

Récompensé en 2010 par le prix Kadhafi des droits de l’Homme, Erdogan tarde à lâcher le dirigeant libyen, tarde à lâcher le dirigeant syrien, persiste à soutenir Ahmadinejab, Chavez et le Soudanais Omar el-Béchir, poursuivi pour génocide par la Cour pénale internationale. Le 2 septembre dernier, il expulse l’ambassadeur d’Israël à Ankara, une semaine avant l’assaut du 9 septembre contre l’ambassade d’Israël au Caire. Récemment, il a qualifié de “déséquilibrés” les auteurs d’un rapport, effectué sous l’égide du Parlement européen, qui constate que la Turquie “n’est pas encore une véritable démocratie pluraliste”. Son langage musclé et ses provocations anti-occidentales sont celles d’un leader d’une forme d’impérialisme ottoman teinté de panislamisme.

Loin d’être un modèle de vertu démocratique, la Turquie attire les regards du monde arabe parce qu’elle incarne une forme de panislamisme qui prend la relève du pan-arabisme des années 1960. La faveur dont jouissent les formations islamistes traduit un raidissement identitaire et un regain de religiosité. Les islamistes modérés sont des partis dont la loyauté démocratique est sujette à caution, comme l’étaient les partis communistes ouest-européens sous la guerre froide.

Si les Occidentaux doutaient que les pays arabes puissent s’engager dans un processus démocratique, ce n’est pas seulement par commodité ni par ethnocentrisme. C’était une projection rationnelle compte tenu de tout une série de facteurs : nombre de dictatures de par le monde, situation de torpeur économique de nombreux pays arabes, islamistes assez furieux arrivés en tête des premiers scrutins libres (en Algérie puis en Palestine), ou encore esprit répressif toujours subi par les contestataires, rappelant la culture machiste d’extrême droite qui sévissait dans les dictatures sud-américaines.

Après l’islamisme, le deuxième écueil qui guette le printemps arabe est la confiscation gérontocratique de la démocratie du fait de la corruption d’élites vieillissantes. En Égypte, le Maréchal Tantaoui, 76 ans, passe la main à un acolyte de 78 ans. Des candidats aux élections tunisiennes aux princes régnants de la péninsule arabique, dominent également les septuagénaires. La fin de la dictature en Syrie serait un exemple héroïque, qui accélérera la germination d’une opinion publique arabe pouvant servir d’aiguillon et de contre-pouvoir. Le 16 novembre dernier, des opposants ont attaqué le bâtiment des services de renseignements de l’armée de l’air syrienne… appellation pudique pour désigner le siège de la police secrète.

 

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